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Crises financières et économiques d’hier et de demain : similitudes et anticipation

Mark Twain avait coutume de dire : “L’histoire ne se répète pas, mais parfois, elle rime. ”. Dans le contexte des crises économiques, cette citation semble être particulièrement appropriée. En effet, les crises économiques, jamais vraiment identiques, semblent toutefois répondre à une logique de cycles et présentent de troublantes ressemblances. Retour donc sur les mécanismes communs de 4 grandes crises (1929, 1973, 2001 et 2008) ayant marqué l’histoire du capitalisme au XXème et XXIème siècle et qui peuvent nous éclairer sur les ressorts de ces dernières… 

 Par Transaction, 

Un contexte économique propice à la crise : focus sur les crises de 1929, 2001 et 2008

Historiquement, chaque crise financière et économique est précédée par un contexte macroéconomique de taux d’intérêts particulièrement bas, encourageant le recours au crédit et au surendettement chez les ménages, et à la surproduction chez les entreprises. Les marchés financiers quant à eux sont victimes de l’euphorie des investisseurs et d’une spéculation excessive rendus possible par des réglementations laxistes et des innovations financières mal régulées.

Les années précédant la crise de 1929 sont marquées par le progrès technique dans l’industrie, ayant notamment permis des économies d’échelle et des augmentations de production, en particulier dans des industries comme l’automobile. Pour répondre à une demande toujours plus importante et dans un contexte économique favorable, les banques ont adopté des politiques monétaires souples de crédits pour soutenir la croissance des entreprises ainsi que la consommation.

Parallèlement, nombre d’investisseurs se sont positionnés massivement sur les marchés financiers, appâtés par les gains faciles liés à cette croissance.  La spéculation était telle que le revenu moyen par action a augmenté de 400 % entre 1923 et 1929.

Un mécanisme sensiblement similaire s’est produit lors du krach boursier 2001, aussi appelé « bulle internet ». En 1995, l’introduction en bourse de la société Netscape, (Google de l’époque), voit son cours bondir de $28 à $75 lors de son introduction en bourse. Cet événement marque le début d’une frénésie autour des valeurs technologiques, si bien qu’on s’endette pour spéculer. Convaincu que l’internet allait révolutionner le monde, la moindre entreprise – notamment certaines « coquilles vides » – s’introduisant en bourse, voyait son cours s’envoler. C’est ainsi que l’indice Nasdaq (100 plus grandes entreprises du secteur de la tech), augmente de 85% en 1999 et atteint un plus haut historique en mars 2000 à 5130 points.

D’une manière similaire, les années 2000 sont marquées par un surendettement massif des ménages et un accès au crédit favorisé par une politique monétaire plus qu’accommodante. Des prêts sont même accordés à des ménages à haut risques, les fameux” subprimes” faisant par la même occasion grimper la bulle immobilière. 

Dans la continuité des années 90, on voit également se développer la titrisation via des produits dérivés toujours plus complexes et très peu régulés, encourageant l’occultation des risques et l’octroi de crédit à tout va. Parmi ces derniers, on notera notamment l’utilisation toujours plus répandue de CDO ( Collateralized Debt Obligations) et CDO synthétiques (CDO de CDO), contenant les fameux subprimes, et échangés à travers le monde tout en étant délibérément surévalués par les agences de notations (ce qui contribuera à occulter la dégradation progressive de ces produits et des crédits subprimes).

 Les principales causes de retournement des marchés : focus sur les crises de 1929, 1973 et 2008  

Dans de nombreux cas, un contexte inflationniste peut encourager ces retournements de marché. La remontée de l’inflation est dans de nombreux cas causée par une demande excessive ou par un déséquilibre d’offre de matières premières (pétrole, gaz, etc.) créant alors, par effet de cascade, une montée des prix sur l’ensemble de l’économie.

Les banques centrales interviennent par une remontée souvent abrupte des taux d’intérêts directeurs pour freiner l’inflation ainsi que la frénésie spéculative, entraînant alors une baisse des octrois de crédits et de la demande globale. S’ensuit alors un ralentissement économique et la faillite de certaines entreprises. Parallèlement, les marchés financiers reçoivent moins d’argent, entraînant une baisse des cours et un vent de panique apparaît, menant à l’effondrement.

La fin des années 1929 est marquée par un ralentissement de la demande dans le secteur de l’automobile et de l’immobilier. Malgré des ventes en baisse et des résultats d’entreprises décevants, l’euphorie des investisseurs sur les marchés financiers ne ralentit pas, et les banques poursuivent leurs politiques accommodantes encourageant la spéculation. 

La bulle éclate le 29/10/1929, communément appelé le jeudi noir. Un vent de panique s’installe sur les marchés lorsque les investisseurs prennent conscience que les cours des actions étaient déconnectés de leurs fondamentaux économiques et largement surévalués.

Face à la vente massive des titres, de nombreuses entreprises à court de liquidités font alors faillite et ne peuvent plus rembourser les banques qui font faillite à leur tour, privées des dépôts des ménages qui, pris par la peur, se sont rués pour récupérer leur argent. La crise s’amplifie avec la politique hasardeuse de la FED qui décide de relever ses taux d’intérêts à partir de 1928, ce qui a contribué au ralentissement économique et à de nouvelles faillites d’entreprises. L’indice Dow Jones perd pratiquement 90 % entre son plus haut de 1929 et son plus bas en 1932 et plus de 13 millions d’américains se retrouvent au chômage. C’est la grande dépression.

En 1973, c’est la forte inflation, tirée par un accroissement spectaculaire du prix du pétrole (premier choc pétrolier), qui fait chavirer les économies des pays développés. Toutefois, et contrairement à de nombreuses croyances, l’embargo des pays de l’OPEP a certes accéléré ce phénomène mais ne l’a pas provoqué. En effet, on observe que le pic de production de pétrole aux USA avait déjà été atteint quelques années auparavant et qu’il fallait donc avoir toujours plus recours au pétrole du Moyen-Orient afin de répondre à la demande incessante. Cette augmentation progressive du prix du pétrole s’explique aussi par la fin du système de Bretton-Wood et de la convertibilité du dollar en or, qui baissait nécessairement les recettes des pays producteurs dont les barils étaient libellés en dollars. Dans ce contexte, l’embargo pétrolier mis en place en réaction à la guerre du Kippour en 1973, vient porter le coup de grâce aux économies développées qui sont dès lors contraintes de mener des politiques d’austérité et de monter leurs taux directeurs afin de juguler l’inflation.

Durant la crise des Subprimes, c’est la remontée des taux d’intérêts par la FED qui a précipité les événements. A mesure que de nombreux ménages se retrouvaient dans l’impossibilité de rembourser leur emprunt, un vent de panique a soufflé quand les investisseurs se sont rendu compte de la surévaluation du marché de l’immobilier, totalement décorrélé de la réalité en raison des CDO et autres mécanismes de titrisation. Alors que la valeur de ces produits chutait avec leurs crédits « subprimes » sous-jacents “pourris” et que le marché de l’immobilier s’effondrait avec les saisies à répétition, les banques les plus exposées se sont alors retrouvées en grande difficulté dont la désormais tristement célèbre Lehman Brothers. Ces CDO et crédits “subprimes” étant échangés dans le monde entier, la crise s’est très vite répandue et une grande méfiance s’est installée, asséchant les prêts interbancaires et décourageant les banques de prêter aux entreprises et aux particuliers.

Mécanismes communs de régulation post-crise : focus sur la grande dépression et la crise des subprimes

Afin de réguler les marchés après crise, les banques centrales ont adopté avec le déclenchement de la crise de 2008, des programmes d’assouplissements quantitatifs « Quantitave Easing » s’illustrant par une baisse des taux d’intérêts directeurs pour booster l’économie, ainsi qu’au rachat massif de titres de dettes aux institutions financières. Ce programme aussi connu sous le nom de “planche à billets” a pour double objectif de calmer et soutenir les marchés financiers et de lutter contre le contexte déflationniste post-crise.

La Grande Dépression a frappé presque toutes les sociétés occidentales et les gouvernements n’ont eu d’autre choix que d’intervenir. Aux États-Unis, le président Roosevelt vote les premières mesures d’un programme exceptionnel pour sortir le pays de la crise : le New Deal. Entre 1933 et 1938, le programme vise à soutenir les couches les plus pauvres, réformer les marchés financiers en limitant le pouvoir des actionnaires et redynamiser l’économie américaine au travers d’investissements. Le plan de relance a réussi à restaurer la confiance dans les marchés et 25 ans plus tard, en 1954 pour être exact, le Dow Jones Industrial Average a réussi à récupérer ses pertes.

En 2008, les États du monde entier ont distribué des aides aux entreprises au bord de la faillite et à tous les acteurs financiers impactés. Les États européens ont à eux seuls racheté plus de 1600 milliards de d’euros de titres aux banques entre 2008 et 2011. Aux États-Unis, l’État s’est résolu à procéder à la nationalisation au cas par cas d’établissements en difficultés afin d’augmenter leurs liquidités et la FED, après la baisse de son taux directeur pour le ramener à 0 en 2009, a conduit trois plans de Quantitative Easing avec le rachat d’actifs (titres subprimes, bons du Trésor américain, titres hypothécaires, etc.) pour plus de 3 300 milliards de d’USD entre 2009 et 2011.

Avec l’amélioration de la situation économique, la FED a progressivement augmenté ses taux d’intérêts et est progressivement revenue à des politiques monétaires plus conventionnelles.

Conclusion et mise en perspective avec le contexte économique actuel

Prédire avec certitude l’arrivée d’une crise est impossible tout comme il est par définition impossible de repérer une “bulle” avant que celle-ci n’explose. Nous pouvons toutefois identifier dans le contexte économique actuel quelques similitudes aux crises passées.

La principale incertitude semble venir du niveau d’endettement des ménages et des entreprises, qui n’a cessé d’augmenter depuis plusieurs années sous l’impulsion des taux bas, voire négatifs des banques centrales post-crise 2008, qui ont encouragé un mécanisme d’endettement accéléré ainsi qu’un excès d’optimisme sur les marchés.

En France, le taux d’endettement des ménages a atteint 101% en 2022 alors qu’il n’était que de 87% en 2015. Cet endettement massif et facilité, en grande majorité utilisé pour l’accès à la propriété, contribue également à faire monter les prix de l’immobilier à travers le monde, faisant craindre la formation d’une possible “bulle immobilière”. Cette crainte est notamment présente en Chine où le secteur de l’immobilier représente près de 25% du PIB et où les particuliers sont très exposés à la dette de promoteurs surendettés, comme en témoigne l’affaire Evergrande.

Néanmoins, si l’endettement général s’accélère, les conditions d’octroi sont de plus en plus strictes et réglementées afin d’éviter un scénario catastrophe comme vécu en 2008.

Par ailleurs, le contexte économique dans lequel nous évoluons aujourd’hui est marqué par une volatilité importante des actifs à risques ainsi qu’une forte incertitude sur les marchés. Ce contexte incertain a débuté en mars 2020, lorsque l’annonce de la pandémie de Covid-19 a mené à un krach boursier sur les marchés mondiaux lié à l’arrêt de l’économie mondiale. Ce krach s’est accompagné d’une crise économique et de plans d’urgence de soutien à l’économie par les banques centrales. Bien que les résultats des entreprises en 2021 se soient avérés globalement bons, les plans de soutien massifs à l’économie est un premier facteur inquiétant selon certains analystes financiers sur une potentielle surévaluation du marché par rapport aux réalités économiques.

Ce contexte d’incertitude est aujourd’hui accentué par le conflit géopolitique en Ukraine. Cette crise a mené à un choc d’offres sur les matières premières, notamment sur le pétrole et le gaz. Ce déséquilibre vient accentuer la pression inflationniste qui avait débuté en Europe et aux États-Unis suite à la forte reprise économique post-covid et à la pénurie de certains composants industriels comme les semi-conducteurs. En réaction, pour limiter la forte inflation actuelle, de nombreuses banques centrales, dont la FED, envisagent une remontée des taux en 2022 et la fin du plan de rachat d’actifs ce qui aurait pour conséquence de ralentir l’économie. 

Finalement, le développement de certains produits financiers et l’importance grandissante des crypto-actifs, de plus en plus intégrés aux marchés traditionnels, soumis à une importante volatilité et souvent utilisés à des fins spéculatives, accentuent d’autant plus le risque d’instabilité. Néanmoins, à la différence des années 2000 qui avaient vu se développer la titrisation de produits financiers complexes sans que ceux-ci soient encadrés, les nouvelles innovations financières que sont les crypto-monnaies sont au centre des préoccupations. En 2020, la commission européenne a ainsi proposé un ensemble de mesures réglementaires en cours d’adoption afin d’harmoniser ce marché de plus en plus attractif.