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La Chapelle Sixtine, Michel-Ange

Perdus au musée ? – Clefs de lecture pour comprendre une œuvre d’art.

Par Coline Lanjard

Vous êtes devant une toile, un peu déconcerté. L’écriteau ne vous apprend pas grand-chose : un titre, une date, un nom d’artiste… et c’est tout. Vous jetez un œil autour de vous : d’autres visiteurs semblent captivés, comme s’ils déchiffraient un message invisible. Vous vous concentrez à nouveau, mais rien. Vous passez à l’œuvre suivante… même scénario. Vous pourriez vous dire que vraiment les musées, ce n’est pas pour vous. Et pourtant, l’art n’est pas réservé aux experts. Avec quelques clés de lecture, chaque tableau peut révéler bien plus que vous ne l’imaginez ! 

Structure et lumière du tableau 

L’organisation des éléments d’un tableau n’est jamais laissée au hasard. Les artistes utilisent des lignes directrices pour guider le regard du spectateur.

Le Radeau de la Méduse de Géricault utilise une composition pyramidale pour symboliser la montée du désespoir vers l’espoir. Les hommes dans l’avant-plan à gauche font face au spectateur, entourés par la mort, tandis que ceux dans l’arrière-plan à droite, tournés vers l’horizon, tendent la main vers un bateau au loin. Cette structure illustre le passage de la mort à la vie, de l’obscurité à la lumière.

Le clair obscur : jouer avec les contrastes 

Le clair-obscur est une technique qui accentue les contrastes entre ombre et lumière pour donner du relief et du mystère aux figures. Elle dramatise les scènes et attire le regard sur les points importants 

Le Martyre de Saint Matthieu du Caravage : La lumière frappe directement les figures principales, les mettant en valeur, tandis que le reste de la scène est plongé dans l’ombre. Ce contraste frappant crée une tension dramatique qui intensifie l’émotion du moment, une signature du style unique de Caravage.

Le regard, la gestuelle comme Guide 

En dirigeant leurs yeux ou leurs corps, les artistes orientent l’attention du spectateur et transmettent des émotions ou des intentions. Ces gestes et regards peuvent aussi créer des liens entre les personnages

Dans Les Ménines de Velázquez, la lumière met en avant l’infante et les courtisans, mais c’est leur regard ainsi que celui du peintre et le miroir qui nous place, nous spectateurs, dans la position du roi et de la reine. Le regard des personnages crée une connexion directe avec le spectateur.

 

Le mouvement en peinture (et sculpture)

Toutes les œuvres figent un instant, une action, certaines de façon plus évidentes que d’autres. Les postures dynamiques, les lignes obliques ou le jeu d’ombre et de lumière créent cette sensation de mouvement. Il faut chercher le mouvement pour comprendre les enjeux d’une oeuvre.

L’Enlèvement de Proserpine du Bernin

 

L’Enlèvement de Proserpine du Bernin : le marbre devient chair. La tension des muscles, les drapés en spirale et les doigts de Pluton s’enfonçant dans la peau de Proserpine donnent une impression de force brute et de mouvement suspendu,comme si la scène continuait sous nos yeux.

C’est la même chose de façon plus subtile dans Impression, soleil levant de Monet avec les vagues, la fumée, le bateau…

Impression Soleil Levant, Monet

 

La perspective : donner de la profondeur

La perspective linéaire, apparue à la Renaissance, permet de créer une illusion d’espace en utilisant des lignes de fuite 

convergentes vers un point précis. Elle structure la composition et attire l’œil.

La Cène de Léonard de Vinci, où toutes les lignes de fuite mènent au Christ, renforçant son rôle central dans la scène.

La Cène de Léonard de Vinci

 

Les couleurs et leur symbolique

Les couleurs ne sont pas choisies au hasard : elles véhiculent des émotions et des messages. Certaines teintes sont associées à des concepts précis (le bleu pour la Vierge Marie, le rouge pour la passion, le vert pour l’espoir).

La Cène de Léonard de Vinci : dans cette fresque, les couleurs des vêtements de Jésus et des apôtres ne sont pas anodines. Jésus porte une tunique rouge et un manteau bleu, associant la passion et le divin.

L’Antiquité, les Symboles Cachés et l’Art du Détail : Une Lecture Subtile»

Les artistes s’inspirent souvent de l’Antiquité, notamment des colonnes, des drapés et des poses idéalisées des sculptures classiques. Cette influence se mêle souvent à des symboles cachés, qui ajoutent une profondeur de lecture à l’œuvre. Ces symboles, en lien avec la religion ou la morale, ne sont pas toujours visibles au premier coup d’œil, mais apportent des clés de compréhension importantes. Certains détails subtils, parfois presque invisibles, viennent enrichir l’œuvre pour ceux qui prennent le temps d’observer attentivement.

Dans La Chapelle Sixtine, Michel-Ange insère des détails à peine perceptibles. 

La Chapelle Sixtine, Michel-Ange

 

Ces détails peuvent prendre divers formes, comme la silhouette du cardinal de Cesena dans la peau du juge des enfers, Minos : une vengeance pas si subtile et une référence possible à l’hypocrisie religieuse. 

Ce genre de micro-détail, inspiré de l’Antiquité et des symboles religieux, dévoile une lecture cachée de l’œuvre qui se révèle à ceux qui savent chercher. Si cette référence demande des connaissances assez poussées, de nombreuses œuvres vous invitent simplement à ouvrir l’œil !  

Point sur la lecture des hiéroglyphes

L’art égyptien suit des conventions strictes. Les objets sont souvent représentés en vue de dessus ou de côté car si ce n’est pas représenté alors cela n’existe pas. 

Les proportions tout comme les couleurs sont codifiées selon l’importance symbolique du personnage et non selon une perspective réaliste. 

Les représentations respectent la loi de frontalité. Les pharaons sont représentés en rouge tandis que les femmes en jaune sauf Néfertiti car c’est une reine active. 

Sarenput, tenant le roseau et le sceptre Sekhem, suivi de son fils Ankhu, peinture murale, Tombe de Sarenput II, nécropole de Qubbet el-Hawa, près d’Assouan, Égypte, civilisation égyptienne, Moyen Empire

 

Chaque objet a une symbolique → le scribe a un pinceau et un papyrus, le pharaon a le spectre sekhem a la main droite (pour l’autorité) et la médou (canne)  à la main gauche (pour la parole) même si pour des facilités de représentations en sculpture cela devient deux bâtonnets.

Statue de Toutânkhamon du musée de l’Institut oriental de Chicago

 

Alors la prochaine fois que vous êtes face à un tableau, prenez le temps d’observer. Derrière une pose, une couleur ou un rayon de lumière se cache souvent une histoire. 

À partir de la Renaissance, de nombreuses œuvres renvoient à des récits antiques comme les Métamorphoses d’Ovide, ou mettent en scène des figures religieuses à travers des symboles clairs : une clé pour Pierre, une roue pour Catherine, un lys pour Joseph. 

Même sans tout connaître, on peut repérer ces indices qui donnent du sens. 

Il suffit d’ouvrir l’œil… et de se laisser guider.

 

– Chronologie Repère –

Antiquité (jusqu’au Ve siècle après J.-C) → Art égyptien, grec et romain

Représentation idéalisée, proportions et sujets codifiés, importance des dieux et des mythes. L’art est au service du pouvoir et lié à l’univers religieux.

 

Exemple : Les statues grecques, la Vénus de Milo (IIe siècle av. J.-C.)

Moyen Âge (Ve – XVe siècle) → Art roman & gothique

Représentation symbolique avec des codes couleurs, perspective peu maîtrisée.

Art au service de la religion. Les croyants ne sont pas instruits : murs, vitraux, tapisseries aident à comprendre les écrits saints.

Exemple : Les vitraux de la cathédrale de Reims.

Renaissance (XVe – XVIe siècle) → Humanisme et perspective

Retour à l’Antiquité avec une représentation réaliste de l’humain.

Perspective maîtrisée pour la profondeur. Harmonie, beauté idéalisée, présence de la religion, de l’individu et de la science.

Exemple : La Naissance de Vénus, Botticelli

Baroque (XVIIe siècle) → Dramatisme et mouvement

Compositions dynamiques, émotionnelles, clair-obscur, contrastes marqués.

Scènes religieuses ou mythologiques, riches détails et ornementation.

Exemple : L’Enlèvement de Proserpine, Le Bernin.

Classicisme (XVIIe siècle) → Équilibre et rigueur

Harmonie, sobriété, ordre, inspiration antique.

Couleurs sobres, lignes nettes. Esthétique calme (opposée au Baroque).

Exemple : Le Serment des Horaces, David.

Romantisme (XIXe siècle, début) → Émotion et révolte

Expression des émotions, liberté, nature.

Paysages dramatiques, scènes historiques, sublime au cœur du mouvement.

Exemple : Le Radeau de la Méduse, Géricault.

Réalisme (XIXe siècle, milieu) → Vie quotidienne et vérité

Refus de l’idéalisation, représentation de la réalité, détails précis.

Exemple : Un enterrement à Ornans, Courbet.

Impressionnisme (XIXe siècle, fin) → Instantanéité et lumière

Coups de pinceau visibles, lumière, sujets modernes.

Mouvement, impression de l’instant.

Exemple : Impression, soleil levant, Monet.

Cubisme (XXe siècle, début) → Déconstruction des formes

Multiplication des points de vue sur un seul plan.

Déconstruction des objets, abandon de la perspective classique.

Exemple : Les demoiselles d’Avignon, Picasso.