L’économie circulaire, tout le monde en parle, mais quand il s’agit de dire vraiment ce que c’est, il n’y a plus personne (ou presque). Pour faire simple, pensez à la célèbre maxime de Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». En effet, le concept d’économie circulaire est inspiré des écosystèmes naturels : dans la nature, il n’y a pas de déchet ; les choses grandissent, meurent, puis deviennent des ressources nécessaires au développement d’autres formes de vie. En gros, on passe d’une logique « Extraire → Fabriquer → Jeter » (c’est la logique traditionnelle, dite « linéaire ») à la logique « Réduire → Recycler → Réparer » (appelée logique « circulaire »).
Mais je vous vois venir, vous vous dites surement que l’économie circulaire, c’est en gros le nom compliqué et un brin « bullshit » qu’on donne au recyclage des déchets. Si le recyclage des déchets est bien une des dimensions importantes de l’économie circulaire, c’est loin d’en être la seule. L’économie circulaire, c’est aussi réduire, en amont, la consommation de l’Homme en ressources naturelles. En d’autres termes, au lieu d’essayer de « sauver les meubles » en recyclant tant bien que mal le trop plein de déchets que l’Homme produit tous les jours, on cherche déjà à les réduire à la source, en les consommant de manière raisonnable (ce qui est bien plus futé). Il s’agit là d’une autre dimension de l’économie circulaire : la « consommation responsable ». Par exemple, au lieu que chacun achète sa propre perceuse (ce qui suppose que de nombreuses ressources naturelles nécessaires à la fabrication d’une perceuse soient consommées, pour un produit qui n’est en plus utilisé que de manière occasionnelle), une personne décide de l’acquérir et chacun la loue à cette personne un petit moment pour l’utiliser quand il en a besoin ; c’est ce que l’on appelle le modèle de « tarification par l’utilisation ».
Contrairement à ce que certains pensent, ce changement de paradigme n’est pas la nouvelle lubie des bobos du Marais ; même le département économique de la célèbre institution financière d’origine néerlandaise ING a décidé d’y mettre son grain de sel. Voici quelques-unes de ses conclusions sur les implications financières du modèle de « tarification par l’utilisation » (qui m’ont parue intéressantes et pas trop techniques) :
- Les modèles de tarification par l’utilisation nécessitent que l’on accorde davantage d’importance aux échéanciers de flux de trésorerie. Les modèles économiques circulaires se basent le plus souvent sur des modèles de tarification par l’utilisation. Or, ces derniers impliquent un étalement dans le temps des paiements entre l’organisation et le client (en gros tout au long de la durée de vie du produit). La durée plus ou moins importante de la période de récupération des investissements devient donc un paramètre particulièrement important à prendre en compte pour l’institution bancaire dans son analyse de risques. En effet, plus la durée de la période de récupération des investissements est courte, moins le risque est important.
- La contractualisation est essentielle dans le financement des business models circulaires. Le « droit d’accession » implique que les différentes parties immobilières d’un bien appartiennent au propriétaire de ce bien. Par exemple, si l’éclairage est intégré au plafond d’un immeuble de bureaux, il fait partie intégrante de la structure globale de l’immeuble. Le droit d’accession permet donc au propriétaire de l’immeuble d’être également le propriétaire de l’éclairage de cet immeuble. Ainsi, si, dans le cadre d’un modèle de tarification par l’utilisation, un entrepreneur souhaite exploiter une des parties immobilières d’un bien qui ne lui appartient pas, la structure qui finance son activité ne peut en revendiquer la propriété en cas de problème. Un accord contractuel doit donc être conclu entre l’entrepreneur (qui exploite une partie du bien) et le propriétaire du bien en question pour déterminer les mesures à adopter en cas de problème.
- L’analyse de la solvabilité du client est d’autant plus importante dans les modèles de tarification par l’utilisation, que ces derniers sont plus susceptibles d’attirer des clients non solvables. Dans un modèle de tarification par l’utilisation, l’entreprise ainsi que sa structure de financement sont d’autant plus vulnérables au risque de banqueroute du consommateur de service que les flux de trésorerie sont étalés dans le temps. Or, ces modèles ont tendance à attirer des consommateurs peu solvables, dans la mesure où le recours à des services de tarification par l’utilisation reflète le plus souvent l’incapacité financière du consommateur à acquérir un bien équivalent. Il est donc recommandé que les entreprises suivant un modèle de tarification par l’utilisation analysent au préalable la solvabilité de leurs consommateurs et organisent régulièrement des stress tests consistant à simuler les effets d’une banqueroute d’un ou plusieurs de leurs consommateurs.