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Zoom sur la microfinance en Afrique de l’Ouest

Le secteur de la microfinance en Afrique de l’Ouest connaît de nombreux bouleversements, notamment en raison de l’émergence d’un écosystème de la fintech.

La microfinance, quésako ?

Le terme de microfinance fait référence à un ensemble de produits financiers destinés à l’inclusion financière des personnes qui sont exclues des systèmes bancaires classiques. On parle le plus souvent de microcrédits, c’est-à-dire des crédits de faibles montants qui visent à financer le démarrage d’une activité productive mais qui peuvent aussi servir à l’achat de matériel domestique, etc. Seulement, la microfinance concerne aussi la micro-épargne ou la micro-assurance par exemple. 

Même si ce type de financement a des racines lointaines et complexes, on peut attribuer l’invention de la microfinance telle que nous la connaissons à Muhammad Yunus, qui fonde la Grameen Bank dans les années 1970 et obtiendra pour son dévouement le prix nobel de la paix en 2006 (les plus chanceux ont pu assister à sa conférence au sein de l’école en 2019). 

La microfinance permet ainsi principalement l’octroi de prêts de faibles montants, avec des taux d’intérêts élevés qui ne servent en principe pas à enrichir l’institution bancaire mais à couvrir le risque en cas de défaut de paiement, même si des dérives commerciales ont pu exister par le passé.

La situation en Afrique

La microfinance en Afrique a permis d’inclure au système bancaire ceux qui n’y avaient pas accès. De notre point de vue européen, on a souvent tendance à sous-estimer l’importance de ce type de financement sur le continent.

Caricaturalement, le “marché” bancaire africain peut se diviser ainsi : on retrouve des institutions de microfinance “classiques” un peu partout sur le continent qui disposent souvent d’un siège dans une ville de taille importante ou moyenne relié à un réseau d’agences qui vont permettre aux emprunteurs d’effectuer des opérations courantes (décaissement, remboursement de prêt, transfert d’argent, etc) en fonction des services proposés par l’institut en question. Ces institutions concernent principalement la population à faible ou très faible revenu, rurale et très souvent féminine. L’autre acteur incontournable du marché bancaire en Afrique est la banque commerciale, dont on retrouve les grands noms aux quatre coins du continent. Ces institutions ont pour population cible les personnes à haut ou moyen revenu. Elles sont particulièrement discriminantes pour l’obtention d’un prêt et ne s’intéressent que très peu à l’octroi de petits crédits.

L’émergence de nouveaux acteurs

Seulement, depuis quelques années, de nouveaux acteurs arrivent et bouleversent le système en place, en contraignant les institutions de microfinance à s’adapter pour pouvoir se faire une place dans cet environnement et accroître leur impact social.

Pour pouvoir comprendre ces bouleversements, il faut tout d’abord savoir que le secteur de la mobile-money est très dynamique dans la région : de nombreuses personnes utilisent leur téléphone pour pouvoir gérer un compte bancaire, souvent même sans interface graphique et en utilisant uniquement un système de boîte vocale et un clavier. Cela permet de transférer de l’argent ou d’effectuer des paiements par exemple. Orange Money est un des acteurs les plus connus. L’Afrique de l’Ouest jouit en effet d’une très bonne couverture réseau et d’un accès à internet grandissant.

Aujourd’hui, un véritable écosystème de la fintech émerge en Afrique et notamment en Afrique de l’Ouest, porté par des pays dynamiques économiquement comme la Côte d’ivoire ou le Sénégal. Ce sont généralement des startups qui proposent des services de mobile-money (transfert d’argent, paiements, etc). Toutefois, ces nouveaux acteurs permettent même d’obtenir un prêt.

Ainsi, ils permettent d’améliorer l’inclusion bancaire de la population puisqu’il n’est pas nécessaire de se déplacer (souvent pendant des heures en raison de la ruralité des populations concernées) pour effectuer des opérations courantes ou demander un prêt puisque tout peut s’effectuer en ligne. Seulement, la démarche de ces nouveaux acteurs est plus économique que sociale. Ainsi, on peut craindre de retrouver des mécaniques d’exclusion, une absence de suivi réel, d’accompagnement sur les questions de gestion financière des populations (ce que proposent les institutions de microfinance). Pourtant, beaucoup d’habitants se tournent vers ces solutions en raison de leur simplicité, faisant “concurrence” aux institutions de microfinance classiques.

Quel positionnement pour les institutions de microfinance ?

Les institutions de microfinance en Afrique de l’Ouest doivent digitaliser leurs services pour rester compétitives. De nombreuses institutions ont d’ailleurs commencé cette digitalisation, à l’instar de Baobab. Cela permet aux instituts de microfinance de proposer la simplicité offerte par les startups de la fintech mais aussi de conserver un suivi social, la formation et d’éviter les mécanismes (que l’on a déjà pu observer dans le secteur de la microfinance) de surendettement et de paupérisation.

Toutefois, difficile de digitaliser ses services lorsqu’on est un petit institut : manque de compétences, coûts trop élevés, etc. Ainsi, les petits instituts peuvent compter sur les entreprises de la fintech pour lancer des partenariats afin de proposer des solutions digitales via leurs interfaces graphiques. Moyennant une commission touchée par les startups sur les dépôts d’argent et les transferts par exemple, les instituts de microfinance peuvent se digitaliser à moindre coût tout en favorisant l’émergence d’un écosystème de la fintech local. C’est ce qui s’est passé lors du partenariat entre la startup Wizall Money et l’institution de microfinance AMIFA.

Pour aller plus loin

Si le secteur de la microfinance t’intéresse ou bien que tu te sens prêt à conquérir le secteur de la fintech africaine, sache que de nombreuses opportunités existent pour de jeunes diplômés. À l’EM, le cours “finance éthique et solidarité” traite notamment de l’histoire de la microfinance, de ses enjeux et de ses dérives. Enfin, n’oublie pas que le NOISE envoie chaque année des dizaines d’étudiants en mission microfinance aux quatre coins du monde. 

Par Nathan Pinet


Sources :

Wikipédia, https://www.microsave.net/2020/07/13/inclusive-fintechs-in-francophone-africa-senegal-country-report/