Alors que l’on assiste à une prise de conscience de plus en plus massive des enjeux énergétiques actuels et des problèmes liés à l’utilisation du pétrole dans le domaine des transports, de nouvelles solutions semblent se dessiner. Les solutions avancées proviennent notamment de l’électrification du parc automobile ou encore des véhicules à hydrogène. Et si la solution provenait des biocarburants ? Pour Le M, les membres du Racing Club mobilisent leurs connaissances liées à l’utilisation des biocarburants dans le domaine du transport et particulièrement dans le sport automobile.
Par Nils Kastler, Nicolas Lavergne et Emma Bossard, Racing Club
Les biocarburants à la loupe
Produits à partir de matière végétale ou de déchets lipidiques (déchets issus de l’agriculture, riches en lipides), les biocarburants permettent de remplacer tout ou partie de l’essence, du diesel ou du kérosène consommés lors de l’utilisation d’un véhicule. De nombreuses matières premières peuvent être utilisées pour la fabrication de biocarburants. Actuellement, les biocarburants sont principalement constitués de matières végétales issues de différentes plantations. En France, par exemple, une partie des plantations de tournesols ou de betteraves est destinée à la production de biocarburants.
Les biocarburants pourraient ainsi représenter une véritable solution d’avenir dans l’automobile. Afin de se projeter dans ce futur potentiel, certains grands groupes automobiles de sport les expérimentent depuis peu. C’est le cas de Porsche qui s’apprête à utiliser des biocarburants avancés et des e-carburants renouvelables à faible teneur en carbone, dans le cadre des compétitions automobiles. Porsche se concentre actuellement sur l’électrification de sa gamme mais cherche également à donner une seconde vie aux moteurs à combustion interne. C’est pour cela que le constructeur allemand se penche sur les carburants synthétiques produits à partir d’hydrogène, aussi appelés eFuels, neutres pour le climat.
Des ressources insuffisantes pour répondre à la demande
Néanmoins, la production de ces nouveaux carburants pose de nombreux problèmes, liés notamment au phénomène de cannibalisation vis-à-vis de l’agriculture. En effet, la fabrication de biocarburant requiert des surfaces cultivées extrêmement vastes. Pour produire un baril de biocarburant (soit 159L), 5000 ha de terres cultivables sont nécessaires. A travers le monde, il s’agit le plus souvent de plantations d’huile de palme ou de miscanthus (plante herbacée vivace de la famille des Poaceae originaire d’Afrique et d’Asie du sud). Ainsi, pour que la France produise des quantités de biocarburants suffisantes pour remplacer le pétrole dans le secteur des transports, il faudrait cultiver une surface supérieure à celle de la France…
A l’échelle mondiale, la demande en biocarburant est actuellement d’environ 100 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep). On comprend vite que si la demande venait à quadrupler d’ici 2025 comme les prévisions le laisse présager, la superficie nécessaire à la production aurait des conséquences dévastatrices sur l’environnement du fait de la déforestation (en Malaisie ou en Indonésie notamment – la Malaisie et l’Indonésie produisent à eux seuls 85% de l’huile de palme mondiale), de la perte de biodiversité et des pénuries alimentaires qui en résulteraient.
C’est pourquoi de nouveaux procédés sont en phase de semi-industrialisation pour la production des biocarburants. Les résidus agricoles, tels que la paille, les graisses animales ou les déchets forestiers sont utilisés notamment pour la production du biocarburant “Vegan” développé par la société Axens. Ce processus est bien plus éco-responsable puisqu’il offre une seconde vie à certains déchets domestiques ou de l’industrie agro-alimentaire et ne nécessite donc pas de cultiver des terres arables spécialement dédiées à la production d’huiles ou d’éthanol. Cependant, là aussi la production de ces biocarburants dits de deuxième génération se heurte à un problème d’abondance des ressources nécessaires.
Une compétitivité-prix fragile
En ce qui concerne les coûts de production des biocarburants, ceux-ci sont aujourd’hui beaucoup plus élevés que la production de carburants traditionnels issus de la transformation du pétrole. L’approvisionnement en matières premières représente aujourd’hui une grande partie du coût final de ces biocarburants, puisque le prix à la tonne d’une charge lipidique est d’environ 1200€. Pour autant, les importants subventionnements des États permettent à ces biocarburants d’être rentables économiquement si bien que les profits réalisés dans ce secteur ont explosé durant la crise du COVID-19. De plus, l’envolée récente des prix du carburant du fait du conflit en Ukraine, vient renforcer la compétitivité des biocarburants face au carburants traditionnels.
Le secteur fait également face à un phénomène de pénurie. En effet, les quantités disponibles étant faibles, il y a un phénomène de rareté qui fait augmenter les prix, de plus, la faible industrialisation de ces procédés ne permet aujourd’hui pas de réaliser des économies d’échelles significatives comme c’est le cas pour les compagnies pétrolières.
Une croissance permise par un contexte politico-légal favorable
La technologie se développe à grande vitesse si bien que, alors même que la deuxième génération de biocarburant n’est pas encore au stade de son industrialisation, la troisième génération fait déjà son apparition. Cette troisième génération consiste à utiliser des algues et plus précisément des micro-algues afin de produire de la biomasse utilisable pour produire des biocarburants.
La croissance du secteur est assurée par les dispositions légales prises par la commission européenne dans le cadre de la RED III (renewable energy directive, 2018) qui vise à accroître la part des énergies renouvelables dans le secteur des transports à 14% d’ici 2030.
Dans cette directive, les biocarburants de deuxième génération notamment ont le vent en poupe ce qui incite les raffineurs à intégrer plus de ces carburants dans leurs produits finaux comme c’est déjà le cas dans l’essence S95-E10 qui contient 10% de bioéthanol.
Dès lors, il faut encourager la production de biocarburants pour réduire la consommation des véhicules thermiques, promouvoir l’utilisation des véhicules électriques pour les personnes dont les usages et les capacités financières le permette et développer les technologies à hydrogène afin de compléter ce mix énergétique dans les transports. Il nous faut également repenser la mobilité actuelle pour l’adapter aux nouvelles contraintes auxquelles nous faisons face.
De cette façon, l’impact écologique de ce secteur pourra être réduit tout en permettant à chacun de jouir d’un mode de transport adapté à leurs besoins. Il est important de ne pas chercher à remplacer le pétrole par une seule alternative, mais bien d’étudier les différents besoins afin de proposer des solutions adaptées permettant ainsi de disposer d’un mix énergétique plus diversifié dans le secteur des transports.
Cet article est issu d’un entretien avec M. Toulzain, Chef d’équipe, Sustainable Hydroprocessing Technology & Technical Support chez Axens. Présente dans 15 pays, Axens fournit des technologies (bailleur de licences), des équipements (dont des catalyseurs) et des services (assistance technique, conseil, formation) à destination des entreprises afin qu’elles installent ces procédés au sein de leurs structures.