Il y a quelques semaines, la BNP Paribas a annoncé le lancement de French Women Entrepreneurs 40 (FWE40), le premier palmarès annuel des 40 entreprises françaises en croissance dirigées par des femmes, en partenariat avec le Women’s Forum. Sous l’égide du Ministère de l’Economie et des Finances, les 40 dirigeantes nommées bénéficieront d’un accompagnement personnalisé pour favoriser la croissance de leur entreprise. Tous types d’entreprises seront représentées dans ce palmarès : une vingtaine de startups, une quinzaine de PME et cinq ETI. D’après le baromètre du Women’s Forum For The Economy & Society, il est urgent de mettre fin aux inégalités entre les femmes et les hommes dans l’entrepreneuriat.
Genius emlyon et le Collectif Olympe vous proposent un tour d’horizon de l’entrepreneuriat au féminin. Vous trouverez dans cet articles les tenants et les aboutissants de l’entrepreneuriat féminin ainsi que les initiatives avancées pour encourager les femmes à l’entrepreneuriat en Europe comme ailleurs.
Par Inès Anseur, Genius emlyon et Collectif Olympe
Les femmes dans l’entrepreneuriat : la parité avance à petits pas
Maggie Lena Walker, Margaret Hardenbrook, C.J. Walker, … Tant de noms méconnus du grand public mais qui représentent un idéal de liberté et de résilience. La première fut la première femme afro-américaine à fonder et diriger un établissement bancaire aux Etats-Unis. La seconde était une des femmes d’affaires les plus importantes de Nouvelle-Hollande au XVIIème siècle. La dernière, petite-fille et fille d’esclaves, créa une compagnie de produits cosmétiques et capillaires et devint ainsi la première femme noire millonnaire de l’histoire des Etats-Unis. Les femmes ont donc toujours eu une place dans l’entrepreneuriat mais une place dans les coulisses, loin de la scène. Plus récemment, des entrepreneuses ont réussi à prendre la lumière à l’instar d’Estée Lauder, figure de l’industrie mondiale des cosmétiques ou encore Anita Roddick, figure de l’entrepreneuriat new age et fondatrice de la chaîne The Body Shop. Outre l’industrie des cosmétiques et de la mode, de nombreuses entrepreneuses ont révolutionné les secteurs du médical, du crowdfunding, de l’informatique… A titre d’exemple, Anne Boden a fondé Starling Bank, une banque challenger numérique basée au Royaume-Uni, qui se concentre sur les produits de compte courant et professionnel. La présence des femmes dans l’univers entrepreneurial a donc sensiblement augmenté au fil des années. Selon une étude de 2015 de l’Agence pour la Création d’Entreprises, les femmes dirigeaient 26 % des créations d’entreprises de 2002, 29 % en 2006 et 32 % en 2010.
Malgré des figures de proue et une évolution à la hausse, il demeure de nombreuses disparités entre les hommes et les femmes. Selon le dernier rapport du Global Entrepreneurship Monitor (GEM, 2017), l’écart entrepreneurial entre homme et femme se retrouve dans tous les pays occidentaux. En France, seul 3,4% des femmes en âge de travailler (de 18 à 64 ans) sont en phase de démarrage d’une activité ou ont créé leur entreprise depuis moins de 3,5 ans. La question du financement est essentielle pour expliquer de telles disparités. Dans un article dans Regards Croisés (2016), S. Chasserio et P. Pailot soulignent que l’intensité capitalistique des entrepreneuses est clairement moindre que celle des hommes. La grande majorité des investisseurs en capital-risque (97 %) sont des hommes et le manque de femmes dans les start-up en démarrage et le financement est flagrant. De plus, les entrepreneuses ont tendance à proposer des projets plus petits, dans des secteurs moins porteurs ou encore à s’adresser d’abord à leur entourage pour des financements. De plus, selon Beaufort (2011), près de 50 % des entrepreneuses européennes estiment avoir un accès plus difficile aux financeurs externes que les hommes, et seules 28 % d’entre elles font appel au crédit bancaire. Ainsi, les différences de performance entre les entreprises dirigées par des femmes et des hommes s’expliquent notamment par le différentiel de capital de départ.
La part des femmes dans l’entrepreneuriat progresse à petits pas. Il demeure essentiel d’aider à l’évolution de cette part dans une visée sociétale et environnementale. Se pose ainsi la question des moyens : comment faire pour que de plus en plus de femmes fassent le choix de l’entrepreneuriat ?
Un petit pas pour la femme, un grand pas pour l’humanité
Pourquoi devrait-on faire en sorte qu’il y ait une part grandissante de femmes dans l’entrepreneuriat ? Qu’apportent-elles à l’innovation et à la création d’entreprise ? Outre le fait qu’il est essentiel d’atteindre l’égalité homme/femme en termes d’accès aux ressources pour des raisons éthiques et morales, il est plus que primordial d’avoir une diversité accrue dans l’entrepreneuriat pour faire face aux enjeux environnementaux et sociétaux. Dans un article pour Finance et Bien Commun (2004), D. Ionescu nous explique que la qu’il y a trois raisons de promouvoir l’entrepreneuriat féminin. La première est économique : dans les pays de l’OCDE qui ont connu une forte croissance à la fin des années 1990, comme les États-Unis, l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, l’Espagne et la Norvège, les niveaux d’entrepreneuriat féminin étaient également les plus élevés. Ainsi, les pays à faible dynamisme entrepreneurial peuvent faire de grands progrès dans la création d’entreprises et d’emplois en encourageant l’entrepreneuriat féminin.
Toujours dans le même article, l’auteur nous explique qu’il existe un écart entre l’offre et la demande de services aux entreprises. Les services aux entreprises ne ciblent pas plus spécifiquement les femmes, ils ne répondent pas souvent à leurs besoins. Les femmes sont souvent sous-représentées parmi la clientèle. Ainsi, il est essentiel que le nombre d’entrepreneuses augmente pour qu’elles puissent proposer des services qui s’adressent aux femmes. Par ailleurs, la Banque interaméricaine de développement montre que les femmes investissent principalement dans la santé et l’éducation plutôt que dans l’expansion des entreprises. Ayant un fort impact social et économique sur le long terme, l’entrepreneuriat au féminin représente de nombreux atouts à la fois pour la société en général mais aussi pour des minorités.
Entre solutions de court-terme et de long-terme
De nombreux organismes et pouvoirs publics ont mis en place des programmes ou des aides pour inciter les femmes à entreprendre. D’abord, la microfinance s’est largement développée ces dernières années et contribue majoritairement au financement de projets portés par des entrepreneuses. En Afrique, par exemple, 80 % des clients du microcrédit sont des femmes. La microfinance est dans certains cas un outil d’autonomisation des femmes et cible les femmes comme partenaires actifs du développement. Toutefois, la microfinance est critiquée : cet outil empêche parfois le développement d’autres types d’initiatives d’autonomisation et les femmes de monter des projets plus vastes. Il faut donc envisager des solutions beaucoup plus durables. Par exemple, le Forum des Femmes Entrepreneures (FWE) souhaite offrir une plateforme de rencontre entre entrepreneuses et investisseuses. réunit entrepreneuses et investisseuses, principalement dans les nouvelles technologies et les branches à forte croissance. Toutefois, l’accès au financement passe également par l’accès à un réseau Il faut bâtir un capital social, obtenir le soutien de groupes et se former.
Les banques traditionnelles ont donc commencé à cibler les entrepreneuses, marché à potentielle forte croissance, à la fin des années 90 en développant des programmes spécifiques. A titre d’exemple, l’initiative Global Banking Alliance for Women (GBA) a été lancée en 2000, afin d’encourager les banques commerciales du monde entier qui soutiennent activement les femmes dans les affaires. Chacune des banques fondatrices a un logo spécifique qui vise à attirer les femmes comme clientes potentielles. La Banque Royale du Canada propose un outil très puissant pour les entrepreneuses. Elle offre des ressources sur la façon de créer une entreprise, des installations de réseautage, des stratégies commerciales partagées, …
Enfin, une dernière solution, et peut-être celle de plus long-terme, est tout simplement de faire en sorte que les hommes s’intéressent à l’entrepreneuriat féminin afin que le venture capital et les cercles de business angels s’ouvrent aux femmes.
L’entrepreneuriat des hommes comme des femmes doit être favorisé. Toutefois, les entrepreneuses rencontrent davantage de difficultés pour lesquelles des solutions existent. Il appartient à toutes les parties-prenantes de prendre les décisions qu’elles estiment bénéfiques pour que tout individu puisse entreprendre sans entrave et de manière équivalente.