Ha-Minh Nguyen commence ses études supérieures à l’INSA, une école d’ingénieur lyonnaise, au sein de la filière génie mécanique. Souhaitant compléter sa formation d’ingénieur avec une formation de manager, il intègre emlyon en 2013 dans le cadre du mastère spécialisé dans le management de l’innovation et de la technologie. Durant son mastère, il mène des missions de conseil et de marketing d’innovation. Il réalise notamment des entretiens qualitatifs afin de pouvoir mettre en place une stratégie marketing et pénétrer un marché efficacement. Peu de temps après sa diplomation, en 2015, Ha-Minh devient consultant en management et organisation et plus particulièrement en transformation digitale chez Atos. Il œuvre pour ce cabinet pendant près de 6 ans et y co-fonde le centre de compétence Digital Industry France. Il est désormais business analyste pour la société de conseil en transformation digitale Arhis et accompagne les clients sur des projets de transformation. Le M s’est entretenu avec Ha-Minh.
Propos recueillis par Noé Pinchon
Le M : Bonjour Ha-Minh, au cours de votre carrière vous avez travaillé pour de nombreuses entreprises, quelle fut celle qui vous a marqué lorsque vous étiez chez Atos ?
Ha-Minh Nguyen : Chez Atos, j’ai pu conseiller AC web, une PME de la région lyonnaise qui fabrique des capteurs de vibration. Pour AC web, nous avons abordé un grand domaine du conseil en management : le management de l’innovation. C’était vraiment enrichissant. Nous avons passé en revue les compétences et la stratégie de l’entreprise pour pouvoir lui proposer des pistes d’innovations.
Il semble que le conseil en management demande de maîtriser une large palette de compétences.
C’est pour cela que nous réalisons un nombre important d’entretiens avec les employés. Ils nous permettent de mieux comprendre les besoins de l’entreprise en les comparant avec la stratégie et la vision établies. L’objectif final étant de proposer au client un plan concret de développement.
Est-ce cette première expérience dans le conseil qui vous a incité à vous orienter vers ce secteur ?
Non pas véritablement, je me laisse porter par le vent ! Pour mon stage de fin d’étude, j’ai travaillé chez Lafarge, une entreprise de matériaux de construction, dans le service marketing. Cela consistait en un rôle de conseiller. Je devais proposer un guide pour commercialiser un nouveau produit avec la partie technique et la partie étude de marché. Après ce stage, mon premier emploi a été un CDD de six mois dans un cabinet d’étude de marché. Pendant six mois, j’ai réalisé deux études. La première, dans le secteur des capteurs inertiels. Il y en avaient des low cost, comme ceux qui permettent à votre smartphone de savoir quand on le retourne, et d’autres utilisés dans l’aéronautique ou l’aérospatiale. En revanche, à ce moment, il n’existait pas de marché du milieu de gamme entre ces deux extrêmes. Donc l’entreprise a mandaté le cabinet YOLE Développement pour faire une étude de marché. Nous avons réalisé les entretiens avec les prospects pour estimer les besoins techniques et marketing ; puis nous avons fait de la segmentation et des recommandations en fonction des solutions déjà implantées dans l’entreprise. La deuxième étude que j’ai pu faire était plus générique et portait sur les têtes d’imprimantes 3D. Même typologie pour comprendre les besoins techniques, mais aussi pour déterminer qui sont les concurrents sur le marché et les technologies qu’ils utilisent.
Un marché assez spécifique !
Tout à fait ! Ensuite, j’ai rejoint Atos, à un poste avec une dimension conseil plus importante. Nous ne réalisions plus autant d’études de marché. Nous nous concentrions sur les missions de conseil pour aider les entreprises à mettre en place de nouveaux systèmes d’information. En effet, Atos est initialement une société de services numériques dont l’un des métiers est de déployer des solutions informatiques pour les entreprises. Pour pouvoir déployer ces solutions, il faut passer par différentes phases. La première est une phase de cadrage : nous allons rencontrer les cadres du projet pour comprendre leur vision et aussi le positionnement du projet dans la stratégie d’entreprise. Durant cette partie, nous menons des entretiens avec différentes parties prenantes pour comprendre les difficultés qu’elles rencontrent dans l’élaboration du projet. Ensuite, nous rentrons dans une phase d’analyse qui va nous permettre de rédiger un cahier des charges. Ce document, nous l’envoyons aux différents concepteurs de logiciels pour connaître leurs conditions et ainsi pouvoir commencer à travailler.
Combien de temps cette phase-ci dure-t-elle ?
Il n’y a pas véritablement de durée fixe. Généralement, elle prend trois mois. Mais, là encore, tout dépend de la disponibilité des parties prenantes.
Vous avez donc une fonction d’accompagnement du projet…
Exactement ! Le client a souvent besoin de précision et de rédaction pour faire comprendre ses besoins aux éditeurs. Mais il y a d’autres clients qui ne sont pas encore autant avancés dans leur réflexion et n’ont pas encore une idée totalement précise de leur projet. Dans ce cas, on les accompagne pour spécifier leurs besoins.
Qu’est-ce qui vous plaisait le plus dans ce métier ?
Ce qui me plaisait le plus, c’était le contact client ; l’interaction humaine entre différents métiers. J’avais l’impression de pouvoir comprendre l’histoire de vie de chacun dans l’entreprise et les problèmes auxquels ils faisaient face. J’aime également travailler avec les décideurs pour pouvoir appréhender la stratégie de l’entreprise.
Le métier de consultant est donc un métier très relationnel ?
Oui, c’est l’un des points forts de ce métier. Il vaut mieux avoir une fibre relationnelle. Quand nous faisons les entretiens avec les parties prenantes, c’est la confiance qui fait que le collaborateur exprime toutes les difficultés qu’il rencontre.
Vous avez co-fondé le centre de compétence « digital industry » au sein d’Atos. Quel était votre rôle ?
Rappelons-nous d’abord le contexte pour bien comprendre. Nous sommes en 2020, quand Atos lance un programme de réorganisation en interne dans lequel il est prévu de créer des pôles de compétences pour adresser les besoins des clients non plus par dossier mais par problématique. Cela impliquait de proposer une équipe qui aide à l’accompagnement, puis une autre de consultants qui développent et mettent en place la solution ; puis une dernière qui prend en charge la partie maintenance. Mon rôle était d’apporter des conseils dans l’industrie 4.0.
Pouvez-vous nous décrire une mission que vous avez effectué afin de nous aider à mieux nous représenter ce que vous faisiez au sein de ce pôle ?
J’ai pu exercer deux rôles. PMO (project manager officer) dans un premier temps. Ce poste consiste à accompagner les membres du centre de compétence dans leur formation afin de mieux comprendre les besoins des collaborateurs. C’est donc un rôle interne à mon entreprise. Mais je garde également la partie conseil auprès du client. J’ai travaillé pour une entreprise spécialisée dans les ordinateurs et calculatrices haute performance, utilisés par exemple pour les prévisions météo. Quand je suis arrivé, Ils gèraient l’information avec des outils assez basiques tels qu’Excel, et il n’y avait pas de système d’information digitalisé pour pouvoir suivre les différents projets. Résultat : il y avait un écart important entre leur marge prévisionnelle et la marge réelle.
Les recommandations sont-elles d’ordre financier ? Opérationnel ?
Il y a de tout ! Concernant la partie organisationnelle, il n’y avait pas de communication entre les différents services et aucun service d’information… Il a donc fallu mettre en place une colonne vertébrale au système de communication interne. Pour la partie financière une analyse était nécessaire pour comprendre l’écart entre les marges et pouvoir la rectifier.
C’est donc un véritable travail d’enquête très poussé
Exactement. La dernière phase consiste à implémenter la solution avec le client et organiser des ateliers en interne avec les parties prenantes.
Vous rejoignez ensuite Arhis, où vous exercez toujours. Qu’y faites-vous ?
Je suis resté dans le conseil en transformation digitale, mais davantage spécialisé dans la gestion des données ; c’est le cœur de métier d’Arhis. J’aide les clients à faire le point sur leurs besoins en matière de gestion des données. Il y en a différents types : les données « transactionnelles », qui changent très vite, et les données « référentielles », plus stables. Avec la RGPD (ndlr : Règlementation Générale sur la Protection des Données), les données clients doivent être anonymisées, ce qui pousse les entreprises à chercher de l’aide auprès de nous.
Vous contribuez toujours à l’implémentation de vos solutions ?
Oui, Arhis adresse la problématique de A à Z.
Pour faire ce métier, ou plutôt ces métiers, quelles sont les capacités nécessaires ?
Le relationnel et l’humain, dans un premier temps. Mais la capacité d’analyse est également très importante. On est submergé de données de différents clients ; il faut savoir y voir clair, prendre du recul et en tirer des éléments exploitables.
Dans quelle mesure emlyon vous a aidé à développer les compétences nécessaires pour exercer ce métier ?
Au sein d’emlyon, j’ai pu acquérir le relationnel. J’ai beaucoup été en contact avec les entreprises. Celà m’a permis de développer mon empathie et m’a appris à m’adresser à un inconnu. Cela m’est toujours très utile dans mon métier, je change très souvent d’interlocuteur. Du côté des savoir-faire ; la restitution de notre travail avec Powerpoint, ou encore l’analyse de données complexes sont autant de compétences que j’ai acquises à emlyon.
Entre ce que vous faisiez à emlyon et ce que vous faites aujourd’hui, quelles sont les différences ? Votre cursus vous a-t-il suffisamment préparé ?
Le niveau d’exigence est plus élevé qu’à l’école, mais je peux réutiliser en entreprise tout ce que j’ai appris à emlyon.
Aujourd’hui, que conseilleriez-vous à un étudiant d’emlyon qui souhaite s’orienter vers le conseil ?
Il y a différents types de conseil. Les Big 3, le conseil en management, puis le conseil technique qui est plus le fait des PME. Il est donc primordial d’identifier le domaine du conseil vers lequel on souhaite se diriger. Ensuite, il faut utiliser tous les outils d’emlyon à disposition, notamment le réseau alumni, pour comprendre les besoins dans ce métier. Une fois tout cela fait, ne pas hésiter à se rendre aux différents forums et parler aux professeurs ou au service carrière qui est de bon conseil. Question parcours, pas de réelles exigences selon moi, tous les parcours sont compatibles. Ce que l’on cherche dans le conseil, c’est plutôt un regard nouveau, et davantage de capacités transférables (capacité d’analyse…) plutôt que des compétences pointues et techniques.
Vous avez été coopté par des anciens de l’emlyon ?
Exactement. Des alumnis d’emlyon, de l’INSA et d’anciens collègues.
Pour vous, le réseau d’emlyon est toujours très important ! Pouvez-vous me parler de votre passage à emlyon ? Une association ? Étiez-vous déjà orienté vers le conseil ?
J’ai passé seulement six mois à emlyon en mastère spécialisé. Je me suis impliqué dans l’association Astuce. Je n’avais pas du tout de vocation pour le conseil. J’aimais bien analyser, mais pas prendre de décisions : assister les décideurs dans leurs tâches.
Enfin, quelle est votre vision du futur de l’activité de conseil en transformation digitale ?
Les données sont devenues une arme pour l’entreprise. C’est vrai, mais ce n’est pas neuf. Après la défaite de Napoléon, les courtiers de Londres qui avaient eu l’information avant les autres ont pu devancer la bourse. Il faut identifier les informations vitales pour l’entreprise, les sécuriser, les traiter. La nouveauté dans le digital, c’est l’outil de sécurisation de ces données.
Des perspectives d’emploi dans le secteur ?
À l’évidence ! Les entreprises ont actuellement beaucoup de mal à recruter. Elles recherchent aussi bien des profils expérimentés que des profils juniors. À ce niveau, la concurrence est très forte, surtout pour nous les PME. Les grands groupes s’accaparent toute la visibilité dans les écoles de commerce !