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Le conseil en conduite du changement, l’interview de Alexandre Blanchon-Lhospitalier

A l’issue de son Mastère spécialisé en transformation digitale, marketing et stratégie, Alexandre Blanchon-Lhospitalier intègre le cabinet Sopra Steria Next, spécialisé en conseil en transformation numérique des entreprises et des organisations, pour y occuper le poste de consultant en conduite du changement. Il y mène une mission longue consistant en l’accompagnement de la transformation de l’environnement numérique de la branche Hydro d’EDF. Après 6 mois, Alexandre prend en charge le pilotage de la mission. Cette dernière se termine finalement en avril 2022, date à laquelle il pose sa démission pour intégrer Assystem, un nouveau cabinet spécialisé dans l’ingénierie et l’énergie. Pour Le M, Alexandre revient sur son parcours, témoigne de son expérience et livre une description précise du métier de consultant en conduite du changement.  

Propos recueillis par Gilles Kalfa

Le M : Bonjour Alexandre, vous êtes fraîchement diplômé d’emlyon, présentez-nous votre parcours. 

Alexandre Blanchon-Lhospitalier : J’ai tout d’abord effectué un premier saut en école de commerce, à l’IFAG, de 2013 à 2016. J’ai rapidement enchaîné par un Working Holiday Visa en Australie pendant un an. Lorsque je suis rentré en France, j’ai saisi une opportunité professionnelle à Prague, où j’ai pu devenir consultant en recrutement dans l’industrie pharmaceutique pour le marché français ; j’ai effectué mon travail à distance. C’était un contrat local d’un an auquel je n’ai pas donné suite parce que le contact humain me manquait. Je me suis ensuite renseigné sur une reprise d’études et une spécialisation. C’est de cette façon que je me suis rapproché d’emlyon et notamment du Mastère spécialisé en transformation digitale, marketing et stratégie qui correspondait à mes attentes et s’inscrivait dans la suite logique de mon parcours. J’ai déposé mon dossier en février 2019, avant d’être accepté et de faire ma rentrée en septembre 2019. Lorsque j’ai été admis à emlyon, j’ai démarré une petite mission de 6 mois en tant que Chargé de recrutement pour Limagrain (le 4ème semencier agroalimentaire au monde), en parallèle de mes 9 mois de cours. J’ai ensuite effectué un stage de fin d’études chez Danone en tant que Chef de Projet Digital pour la filière Blédina à Limonest. J’ai travaillé sur l’implémentation et le déploiement d’un outil Salesforce à destination de la force commerciale Blédina qui se rendait en grandes et moyennes surfaces (GMS). C’était une application greffée à Salesforce qui permettait de faire de la reconnaissance faciale et ainsi d’aider les commerciaux à scanner tous les produits d’un rayon en 30 secondes. L’IA indiquait automatiquement les stocks des produits reconnus par la caméra. J’ai eu l’opportunité de rester travailler avec eux sur le terrain, mais ce n’était pas ce à quoi j’aspirais, du fait de ma formation notamment. 

Illustration Mastère Spécialisé Transformation Digitale, Marketing & Stratégie. Crédits : emlyon business school.

C’est alors que j’ai trouvé un poste chez Sopra Steria Next, toujours à Limonest, que j’ai débuté le 15 mars 2021. J’ai directement été affilié à une mission chez EDF Hydro en tant que Consultant en conduite du changement pendant 1 an. Pendant 6 mois, j’ai fait beaucoup de déplacements avec un binôme chez Sopra Steria Next pour le projet : le déploiement de 4300 smartphones à l’échelle nationale au niveau de la branche Hydro d’EDF, ce qui était conséquent. Nous travaillions aussi avec un autre cabinet, Kaizen, qui était davantage chargé du pilotage stratégique et de l’appui MOA avec le client final. 

Durant ces 6 mois, j’ai également participé à la formation des employés à la prise en main du nouveau téléphone, sur un environnement Android entreprise, avec une partie personnelle et une partie professionnelle, permettant de retrouver l’univers EDF uniquement (les téléphones sont enrôlés sous EDF avec un Play Store privé et fermé pour qu’il n’y ait pas d’intrusion, c’est une mesure de cybersécurité). J’ai également participé à l’accompagnement pour la mise en place de guides et de formations à l’univers Microsoft, notamment à l’utilisation de Teams et OneDrive pour des populations plutôt ouvrières ou employées qui ont moins d’affinités avec ce genre d’outils. 

Au terme de ces 6 mois, ma responsable a quitté le cabinet et j’ai repris sa place en tant que Chargé de pilotage. J’étais alors chargé du management d’un collaborateur en formation sur les sites, ce qui correspondait davantage à du pilotage d’activité : prévoir les déplacements pour le collaborateur, faire le lien en tant que « facilitateur » entre toutes les parties prenantes (le service DSIT et le service d’expédition des téléphones). La mission s’est terminée fin avril 2022 et j’ai posé ma démission chez Sopra Steria pour pouvoir intégrer Assystem, un nouveau cabinet spécialisé dans l’ingénierie et l’énergie. Pendant toute la période de préavis chez Sopra Steria Next, j’ai effectué une mission d’audit de la couverture 4G des barrages hydrauliques en France via la prise de contacts avec les référents Telecom sur place, un état des lieux de la 4G, ou encore la mise en place d’entretiens de synthèse. Un véritable audit dans sa globalité avec un pilotage d’activité et un suivi des KPIs avec le client et des reporting hebdomadaires.

Vous êtes consultant en conduite du changement. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la conduite du changement ?

C’est avant tout un état d’esprit. De part mon expérience et pour en avoir discuté avec des collègues lorsque j’étais chez Sopra Steria Next, la conduite du changement consiste à occuper un rôle de facilitateur et à rendre accessible et compréhensible un outil pour que toutes les parties-prenantes qui l’utilisent au sein d’une entreprise, quel que soit leur niveau, puissent comprendre comment il fonctionne et l’utiliser à bon escient. C’est aussi faire prendre des « virages » à des personnes qui travaillent depuis 15 ou 20 ans avec un même outil, qui ont leurs repères et sont dans leur zone de confort, vers l’utilisation d’un nouvel outil dont ils ne savent rien. Lorsque l’on se rend compte qu’un outil occasionne des problèmes en interne, des difficultés avec un prestataire, un coût trop élevé ou une obsolescence vis-à-vis des innovations présentes sur le marché, notre travail est d’expliquer, en rassurant, à toutes les parties-prenantes réticentes à l’idée de changer d’outil, qu’un nouvel outil, plus accessible, plus complet, leur permettra de mieux réaliser leur travail. Dans l’action du consultant en conduite du changement, il y a tout un processus de gestion de projet, de formation et de documentation à mettre en place pour pouvoir former des collaborateurs d’une organisation cliente à l’utilisation de nouveaux outils.

Pourquoi les organisations ont-elles besoin d’être accompagnées dans la conduite du changement ?

On sollicite un cabinet de conseil en conduite du changement lorsque l’on souhaite être accompagné par des personnes qui ont travaillé sur divers projets, qui ont mis en place plusieurs solutions et qui ont réussi à faire adhérer les équipes à leur vision. L’entreprise cliente part donc du principe qu’en faisant appel à ces prestataires, elle réussira à globaliser et fédérer autour d’un l’outil. L’accompagnement au changement prend du temps et est souvent sous-estimé : par exemple, un chef de projet qui déploie un outil en interne peut se dire « soit vous l’utilisez, soit l’autre ne fonctionnera plus ». C’est une façon de faire qui peut créer de la frustration, des blocages et par conséquent des problèmes de performance et impacter d’autres équipes. Il y a donc un processus d’accompagnement qui prend du temps et qui doit être réalisé en amont du déploiement d’outils, que les chefs de projet n’ont pas le temps de faire. Ces derniers sont obligés d’externaliser cet accompagnement : c’est ici que la conduite du changement prend tout son sens.

Plus spécifiquement, en quoi consiste votre métier au quotidien ? 

Il consiste en beaucoup de choses ! C’est d’ailleurs tout l’intérêt du conseil et de travailler pour des clients grands comptes. Nous pouvons commencer avec une mission de pilotage d’activité pur, qui consiste à faire du reporting sur ordinateur à partir de l’analyse de data, illustrées sur des PowerPoint sous forme de diagrammes, de tableaux de bord et de courbes qui permettent de suivre l’activité et l’évolution d’un projet, d’évaluer ses qualités, ses défauts, ses contraintes et de déterminer ses améliorations possibles. De la même manière, il y a des missions sur le terrain qui permettent de cerner le besoin, puis de le faire remonter au Chef de projet. L’objectif est d’expliquer au client comment fonctionner et comment améliorer leur quotidien. Ces étapes sur le terrain se caractérisent par une proximité avec les collaborateurs, essentielle pour faire accepter ce changement.

Comment se déroule une mission de conseil en conduite du changement ? 

La durée d’une mission de conseil peut fortement évoluer. En règle générale, un accompagnement au changement peut durer au minimum 2 mois : il s’agit d’un simple cadrage (proposer des solutions), en amont. Si le client souhaite être accompagné au changement dans l’implémentation des solutions, lorsque le projet de transformation est conséquent, des roulements sont nécessaires et la mission peut durer plusieurs mois voire jusqu’à 2 ans. Pour les grands groupes, lorsque les projets de transformation sont importants, nous pouvons prévoir jusqu’à 2 ans de mission pour une équipe. Pour certaines missions très précises, 3 à 6 mois sont parfois suffisants. 

La durée d’une mission dépend également des clients et des relations entretenues avec eux. Bien-sûr, tout cela est contractuel. À titre d’exemple, Sopra Steria Next était lié par contrat à EDF hydro pour une durée de 5 ans. Plusieurs missions peuvent être menées et certains consultants peuvent accompagner la structure plusieurs années. En règle générale, la durée moyenne d’une mission de conduite du changement est comprise entre 6 et 12 mois. 

En ce qui concerne la réalisation de la mission, certaines requièrent que vous soyez présent sur le site de l’entreprise cliente tandis que d’autres peuvent se mener 100% en distanciel, en télétravail, ou presque. Lors de ma mission pour EDF Hydro, aucune présence sur site n’était exigée et je me rapportais à la politique de mon cabinet, Sopra Steria Next : 3 jours sur site et 2 jours en télétravail. À l’inverse, lors d’une mission pour le Crédit Agricole, la présence sur le site était requise 5 jours sur 5. Cela dépend des demandes du client. 

Les contacts du consultant avec le client varient également selon son niveau de responsabilité. Lors de ma mission pour EDF Hydro, j’étais chargé de pilotage de la mission et en quelque sorte du reporting de l’activité et de la bonne gestion du formateur. J’entretenais des contacts fréquents avec le client pour lui rapporter l’avancement du projet. À l’inverse, le formateur n’avait pas de lien avec le client : il devait se rendre sur le site pour dispenser la formation mais il n’y avait pas de contact avec le demandeur. 

La possibilité d’entrer en contact avec le client dépend également du cabinet. Certains cabinets donnent la possibilité à tous les consultants de rentrer en contact avec le client et finalement d’échanger avec lui, d’avoir des liens directs, quand d’autres cabinets sont plus restrictifs et nomment un interlocuteur privilégié qui fait redescendre les informations à l’ensemble de l’équipe. Dans ce mode de fonctionnement, il s’agit souvent du rôle du manager qui chapeaute les équipes et assure le suivi de l’activité. Il peut tenir des comités de pilotage pour statuer sur ce qui se déroule bien, moins bien, les améliorations possibles, etc. La restitution au niveau de l’équipe permet de mettre en place et d’activer les leviers d’action.

Quel est votre quotidien ? 

Lorsque l’on est consultant, il n’y a pas forcément de journée type. Les activités varient selon la mission. C’est un métier qui offre beaucoup d’autonomie. Le consultant doit être doté d’une certaine maturité qui lui permet, en plus de comprendre et résoudre les problèmes, de s’organiser dans son travail. Les missions débutent souvent par une phase de prise de contact et de planification. Durant la mission il y a un suivi reporting qui correspond au pilotage de l’activité. Il y a aussi des échanges avec les différents interlocuteurs prestataires pour que les engagements soient respectés dans les temps annoncés. Il ne faut pas oublier que l’on travaille avec des humains et que l’humain est imprévisible. Il y a donc une importante partie de notre travail qui correspond à du suivi, nous occupons aussi le rôle de facilitateur. 

Selon vous, quels sont les hard et soft skills indispensables à l’exercice de votre métier ?

Être un bon consultant, c’est un état d’esprit avant tout. C’est aussi une réflexion atypique : il faut comprendre rapidement les enjeux de la mission et de chaque partie-prenante. Le consultant doit avoir une grande capacité d’adaptation. Il doit s’adapter aux codes de l’entreprise, à ses interlocuteurs. Il doit pouvoir expliquer clairement les choses en vulgarisant pour que chaque partie-prenante puisse comprendre. Il faut également savoir intégrer rapidement un jargon propre à l’entreprise cliente. La capacité d’organisation est aussi primordiale. J’ajouterais évidemment la rigueur, que se soit pour l’image de notre entreprise ou la nôtre : il faut rendre des supports propres, dont les diagrammes sont clairs, quitte à les faire relire à d’autres consultants pour que ce soit le plus limpide possible pour le client.  

Vous travailliez chez Sopra Steria Next, quels étaient vos clients ? 

Nos clients étaient des grands groupes de l’agro-alimentaire, de la grande distribution, de l’énergie et du transport et des organismes publics. 

Quelles sont les évolutions possibles de votre métier ? 

Tout au long d’une carrière en conseil, se tiennent des comités RH. Suivant les cabinets, les comités ont lieu 1 à 2 fois par an. Ils permettent de faire une revue de performance de l’activité du consultant, des projets en cours et de ce à quoi il aspire. Ainsi, lorsque l’on arrive en fin de mission, nous pouvons commencer à nous intéresser à la prochaine, ou à notre prochain poste. C’est un moment avec un manager où l’on peut lui dire ce qui nous intéresse pour anticiper l’évolution de notre carrière. C’est aussi une étape pour statuer de la potentielle évolution en séniorité, passer de consultant junior à consultant senior, par exemple. Enfin, c’est un moment pour négocier des ajustements salariaux, faire des demandes de formation. Chez Sopra Steria, ces comités se tiennent en mai et en octobre.

Avez-vous des conseils pour les étudiants d’emlyon qui souhaitent embrasser cette profession ? 

Pour s’engager dans une carrière dans le conseil, il faut être convaincu que l’on veut faire du conseil. Il faut pouvoir répliquer la rigueur que l’on s’impose dans notre milieu personnel dans le milieu professionnel. Je conseille aux étudiants de se renseigner sur la « philosophie » des cabinets. Chaque cabinet a sa politique de rémunération, de temps de travail, d’exigence, de bien-être au travail. Il ne faut pas forcément se dire que le Big Four est forcément le mieux. Ca n’est pas parce qu’un cabinet a une moins bonne réputation ou parce qu’il y a moins d’employés que c’est forcément moins bien pour vous. Évidemment, un Big Four sur un CV démontre une certaine capacité de travail. Mais il vaut mieux s’intéresser aux possibilités d’évolution, aux missions, aux comités RH. Pour se renseigner sur tout cela, il n’y a pas de secret, il faut contacter des gens sur LinkedIn, discuter avec eux pour savoir comment ça se passe de l’intérieur.