Entretien avec Jean-Baptiste, Manager Développement Durable chez PwC.
Faire carrière dans le développement durable, une conviction intime
Tout d’abord, d’où vient votre intérêt pour le développement durable ?
Déjà en école (à l’École nationale supérieure des mines de Paris ndlr.), j’avais l’intuition que le monde dans lequel nous vivions n’était pas soutenable, qu’il fallait changer de modèle économique. En tant qu’ingénieur des Mines, je me suis penché sur l’environnement via les prismes des ressources et de l’énergie. C’est par ce biais que j’ai cherché à voir ce qu’il se faisait en matière de développement durable.
Au départ, je cherchais en particulier à travailler sur des enjeux environnementaux, mais l’opportunité à PwC m’a fait changer d’avis.
Y avait-il, à votre sortie d’école, beaucoup d’offres dans la voie du développement durable ?
Non, c’était vraiment une niche. Même en école (avant 2009 ndlr.), nous en entendions peu parler. Un an après ma sortie d’école, un cours sur l’Energie et le Climat a été introduit, mais le sujet est vraiment resté marginal.
…Et cette situation a-t-elle changé aujourd’hui ?
En école, je ne peux plus me prononcer, mais à PwC, nous recevons beaucoup plus de candidatures qu’avant !
Pourquoi vous êtes-vous tourné vers le conseil ?
A la sortie d’école, j’aimais la réflexion, le fait de faire des recherches, mais également la possibilité d’approcher plusieurs secteurs, ce que permet le conseil. J’ai la possibilité de réfléchir sur des sujets innovants, et cela fait partie intégrante de l’ADN de PwC. C’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup.
En tant que manager,quel est votre rôle au sein de l’équipe ?
J’encadre les missions, que ce soit administrativement, gestion d’équipe, et du développement commercial. C’est aussi au grade de manager que l’on peut développer des sujets. Le mien est l’économie circulaire, en lien avec notre réseau international et des think tanks reconnus. Il y a donc ces deux côtés, gestion de mission et développement, commercial ou de recherche académique.
Intégrer la branche conseil en développement durable de PwC
Quand peut-on intégrer la branche développement durable de PwC ?
Nous prenons des personnes dès les stages. De préférence de fin d’études, mais il est déjà arrivé que nous en prenions en césure.
Quels types de profils recherchez-vous ?
De manière générale, nous cherchons des profils qui ont certaines compétences professionnelles : rigoureuses, avec un bon relationnel et bienveillantes au quotidien. Spécifiquement, dans la branche du développement durable, sont attendues une fibre et déjà des connaissances sur le développement durable.
Pourquoi faire du conseil en développement durable ?
Ce qui me plait dans mon métier est d’abord l’équipe avec laquelle je travaille. C’est également le fait de pouvoir partager avec le top management une vision qui soit claire et inspirante, et puis il est gratifiant d’avoir des relations de confiance de long terme avec certains de nos clients.
Une dernière chose de stimulante est que le pôle stratégique de PwC, où je suis depuis mes débuts, il y a 8 ans, travaille de plus en plus avec d’autres départements. De plus en plus, nous sommes amenés à travailler avec différents départements. L’évolution du sujet du développement durable fait qu’il est de plus en plus stratégique et nous pouvons donc avoir des synergies sur certaines parties de missions avec d’autres départements. J’ai également eu l’occasion de mener des missions avec des équipes internationales, puisque le sujet du développement durable est international.
Quelle est la durée des missions ?
Il n’y a pas de règle : elles peuvent aller de quelques jours à plusieurs mois, et la taille d’équipe peut grandement varier également, pour répondre au mieux aux attentes du client.
Comment évolue le métier de consultant en cabinet ?
Lorsqu’on rentre, on touche à tous les sujets, puis peu à peu l’on se spécialise sur certains types de missions : économie circulaire, droits humains, achats responsables, stratégie, mais également sur des secteurs.
Les spécificités du conseil en développement durable
Quels sujets couvrent le développement durable ?
Au-delà de la définition classique comprenant les aspects sociaux et environnementaux, la nouvelle directive européenne identifie quatre grands axes: environnemental, social, les droits de l’homme et la corruption. Dans nos missions, nous pouvons intervenir sur l’un ou plusieurs de ces sujets à la fois. Au niveau stratégique, nous prenons forcément tous les niveaux en compte.
Quels sont les différentes missions de votre pôle ?
La branche du développement durable est structurée autour de quatre expertises : le conseil en stratégie, la gestion des opérations, les transactions et la vérification externe.
A travers le conseil en stratégie, nous conseillons des dirigeants en matière stratégique sur la problématique du développement durable. Nous les accompagnons dans la définition de leurs valeurs, des stratégies de scenarios climatiques.
Un autre pilier concerne plus les opérations, avec la mise en place d’achats responsables, la réduction de l’empreinte carbone, et la mise en place de certains programmes.
Un troisième type de mission concerne les transactions. Dans le cadre de due diligences pour des fonds ou des sociétés, et parfois lorsque des entreprises sont déjà en portefeuilles de fonds, nous intervenons pour aider les investisseurs dans les revues des sujets sociaux et environnementaux. Concrètement, nous établissons pour eux un rapport sur les critères de l’Ecologie, le Social et la Gouvernance (ESG) dans le cadre de leur due diligence. Le dernier pilier concerne la vérification d’informations. Nous vérifions les assertions des entreprises dans leurs documents de référence annuels sur des éléments extra-financières : environnementaux, sociaux, droits humains, etc.
Lorsque vous faites du conseil auprès de la direction stratégique, à quel niveau intervenez-vous ?
Parfois directement avec COMEX, parfois avec le directeur RSE, cela dépend des enjeux de la mission.
Et comment se traduit l’accompagnement des dirigeants ?
Les missions sont variées : cela peut être de la sensibilisation à certains sujets, de la mise en place d’objectifs et de feuilles de route, positionner une entreprise par rapport à son secteur, réfléchir à sa contribution aux objectifs de développement durable des Nations Unies. Il s’agit vraiment de la direction stratégie de l’entreprise!
Pour ce faire, notre approche est de com- prendre l’activité de notre client, son environnement stratégique, son secteur, la matérialité des enjeux du développement durable pour elle. Car selon la taille, le secteur, les enjeux seront plus ou moins matériels.
La prise en compte des enjeux du développement durable
Remarquez-vous une évolution dans la taille du marché conscient du le développement durable ?
Le département existe depuis 25 ans, et l’on observe une forte évolution sur ces sujets depuis ce temps. Aujourd’hui, il est beaucoup plus compliqué de faire du greenwashing puisqu’il y a de plus en plus un souci de transparence, que ce soit légalement ou par la propagation d’information via les réseaux sociaux. Il devient donc compliqué pour les entreprises d’être dans une posture de façade. Au départ, il y a 25 ans, le conseil en développement durable consistait surtout à réaliser de la vérification d’informations, à savoir la vérification d’informations extra-financières. Les réglementations continuent d’évoluer – l’an dernier, une directive européenne a mené les entreprises à communiquer sur leurs performances extra-financières – mais depuis, les missions se sont largement diversifiées.
«Aujourd’hui, il est beaucoup plus compliqué de faire du greenwashing puisqu’ily a de plus en plus un souci de transparence, que ce soit légalement ou par la propagation d’information via les réseaux sociaux».
D’autres pays sont-ils plus en avance que la France ?
Je n’ai pas forcément la vision d’ensemble, mais la France se place plutôt parmi les bons élèves de l’Union Européenne. En effet, des réglementations sont apparues au niveau national bien avant le niveau européen, et nos entreprises sont donc plutôt en avance sur plusieurs sujets. L’Europe, de façon générale, est en avance sur ces sujets-là.
Rencontrez-vous des difficultés dans vos missions, des réticences au changement ?
Il y a tout de même de moins en moins de vision court-termiste. Les freins peuvent être la mauvaise compréhension du sujet, ou le fait qu’ils n’ont pas l’approche matérielle, et notre philosophie est vraiment de ne pas avoir le même modèle pour tout le monde, une norme, mais plutôt de s’adapter à l’ADN de notre client : comprendre où il en est, son histoire, sa volonté pour co-construire une piste de réflexion et d’action.
Le développement durable, plutôt un coût ou une opportunité pour les entreprises ?
Il y a de plus en plus de réflexion sur comment valoriser économiquement les impacts sociaux et environnementaux des entreprises, des choses a priori im- matérielles et pas valorisables financièrement. De plus en plus d’études cherchent par exemple à évaluer le coût indirect des émissions de CO2, afin de valoriser son coût pour l’entreprise. Des entreprises vont plus loin et y voient une opportunité.
A quoi pensez-vous en termes d’opportunités ?
Des entreprises qui s’investissent dans les communautés, à l’instar du community investment (qui consiste pour une entreprise à investir de l’argent dans des services publics afin d’améliorer la qualité de vie). Des actions qui ne visent pas directement à vendre ou à faire du profit peuvent avoir des retombées positives sur l’entreprise.
Que reste-t-il à faire dans les entreprises ?
«Demain, les entreprises devront démontrer leur impact global sur la société.»
Elles doivent arrivent à mettre en place une transition globale. Un terme rend compte de cette tendance : the license to operate, idée abstraite selon laquelle la société civile donnerait aux entreprises des licences d’opération pour des raisons éthiques ou sociales.
On parle également beaucoup des objectifs du développement durable de l’ONU, pour lesquels les entreprises doivent de plus en plus montrer leur investissement. Demain, les entreprises devront démontrer leur impact global sur la société au-delà de leur seule activité personnelle.
Interview réalisée par Heddie Trabelsi et Nicolas Multon.
Les deux piliers du conseil en développement durable à PwC
Conseil en stratégie
Réalisation d’un diagnostic Stratégique Développement Durable et RSE
Accompagnement à la définition des valeurs des entreprises
Elaboration d’une vision RSE pour les dirigeants
Définition d’un positionnement stratégique de la marque ou de l’entreprise
Mise en place de programmes pour former les dirigeants
Intégration de la RSE dans la stratégie et le positionnement sectoriel
Analyse de l’impact du Développement Durable sur le business plan
Définition de la stratégie et des scenarii climatiques, ana- lyse des risques climatiques pour les actifs et investissements de l’entreprise
Définition des stratégies d’innovation environnementale et sociale pour les offres de produits et services de l’entreprise
Conseil en organisation
Support opérationnel à la direction Développement Durable / RSE (management de transition etrecrutement)
Définition et accompagnement au déploiement de pro- grammes, plans d’actions, indicateurs et outils de pilotage RSE
Mise en place de programmes de conformité éthique, anti-corruption, droits humains, diversité, etc.
Elaboration d’une politique d’achats responsables et contrôles des fournisseurs
Emissions obligataires de type Green ou Social Bonds, ingénierie financière climatique
Analyse économique de l’impact des stratégies et actions RSE
Evaluation de l’empreinte environnementale, économique et sociale globale de l’entreprise en termes de bénéfices et impacts pour la société
Accompagnement dans les relations de l’entreprise avec ses investisseurs sur les questions deRSE
Modélisation des impacts environnementaux et sociaux des produits et services (Analyses du Cycle de Vie, Eco-conception…)