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Hajime no Ippo : le cogneur au grand cœur.

C’est en classe de seconde que je découvre l’oeuvre « Hajime no Ippo ». Depuis la fin du collège, je cherchais à pratiquer une activité sportive : la course, que je faisais deux à trois fois par semaine, ne suffisait plus à combler l’ennui. « Hajime no Ippo » arrive donc au bon moment. Et, bien sûr, ce qui devait arriver arriva : je cherche immédiatement une salle de boxe après le visionnage de l’animé. Je me mets à la boxe et depuis, je n’ai plus jamais arrêté.  

Par Jérome Javelot, Libr’air

« Hajime no Ippo : The Fighting » est un manga crée par George Morikawa, publié depuis 1989 dans le magazine Weekly Shonen Magazine, et compte à ce jour 135 tomes déjà parus. Le manga remporte le prix du manga Kodansha dans la catégorie shonen en 1991 et le prix Polymanga, catégorie meilleur shonen, en 2008 . Une adaptation animée verra le jour en 2000 et comporte actuellement trois saisons. Plus de 100 millions d’exemplaires ont été vendus à travers le monde depuis 1989, ce qui fait de Hajime no Ippo l’un des mangas les plus vendus de l’histoire.

Synopsis 

Fin des années 80, début des années 90, Ippo Makunouchi est un lycéen de 17 ans plutôt banal, il a d’assez bons résultats, c’est un gentil garçon qui aide sa mère à tenir l’entreprise de pêche à la ligne. Cependant à cause de cette obligation qu’il s’est lui-même imposé l’a isolé, il se retrouve sans amis et pire il est la victime de trois voyous de cour de récré qui ne supportent pas son tempérament calme et sans histoire. 

Un jour en rentrant chez lui, les trois agresseurs lui tombent dessus avec la ferme intention de lui expliquer leur manière de penser à coups de poings et de genoux dans la tête. C’est alors qu’arrive un grand gaillard coiffé d’une banane et à l’authentique démarche de loubard qui se présente : « Takamura, professionnel de boxe anglaise ». Lorsqu’il met en fuite les chenapans, sans les frapper une seule fois, il remarque la singulière condition physique de notre héros et lui propose de faire comme lui et de se mettre à la boxe. C’est une véritable épiphanie pour Ippo qui se lance dans une quête à la recherche de la véritable force.

L’histoire d’un coup de foudre : zoom sur le monde de la boxe anglaise.

« Hajime no Ippo » est l’histoire d’un jeune homme qui fait ses premiers pas sur le ring (« Hajime no Ippo » signifiant littéralement « premier pas ») tombant amoureux du noble art. L’histoire est narrée à travers les yeux de Makunoichi, un novice dans le sport, on découvre donc avec lui le monde de la boxe. On découvre les fondamentaux de la boxe anglaise et toute sa terminologie : le jab (direct du bras avant), le cross (direct du bras arrière), les crochets et les uppercuts. On découvre les règles, les entraînements spécifiques à la boxe anglaise et surtout on a une vue sur l’histoire de la boxe. 

L’auteur dissémine tout au long du manga des anecdotes sur de vrais boxeurs et presque chaque personnage est inspiré d’un boxeur ayant réellement vécu : on nous parle de légendes comme Roberto Duran (Mamoru Takamura), Sugar Ray Leonard (Miyata), Thomas Hearns (Ryo Mashiba), Mike Tyson (Ippo Makunoichi), et tant d’autres.  On y apprend les différents styles de boxe et les spécialités (signature moves) des plus grands boxeurs de l’histoire : le dempsey roll de Jack Dempsey, le style peek-a-boo popularisé par Mike Tyson, le flicker jab de Thomas Hearns (surnommé «Hitman » pour sa rapidité), le frog punch de Koichi Wajima. 

La pratique de la boxe anglaise va véritablement changer Ippo, il devient confiant et plus fort. La métamorphose du personnage principal s’opère très rapidement : il donnera une leçon à ses anciens agresseurs quelques temps après s’être inscrit à la salle, ceux-ci ont désormais peur d’Ippo. 

Why are you punching? What are you chasing? You should already know the answer to that. To become strong” (Coach Kamogawa, chapter 723)

Les mots de Genji Kamoga m’ont tout de suite interpellé car elles sont révélatrices de ce qui se passe lorsque nous faisons du sport en général, et de la boxe anglaise en particulier. En effet, pour qu’une activité puisse être qualifiée de sportive, il faut qu’il y ait un élément de risque qui puisse faire passer le pratiquant de la santé à la non-santé ou du plaisir à la douleur : il faut qu’il y ait une gamme d’expérience qui soit consonante, qui corresponde à tout ce que le corps peut le faire éprouver. Cette définition nous permet de distinguer le sport de l’activité physique, deux choses souvent confondues.

Le sport initie une sorte de lutte (le terme « lutte » est arbitraire, il peut s’agir d’une danse) avec soi à travers l’entraînement, qui est l’activité matricielle du sport, car l’entraînement implique d’adopter une discipline (on voit d’ailleurs Ippo et ses potes s’entraîner tout au long du manga). Autrement dit, le sport permet de nous dé-couvrir. Découvrir dans le sens de découverte (voir de nouvelles choses) et découvrir (ou se découvrir) c’est-à-dire enlever la couverture de soi. En effet, il s’agit tout d’abord d’en savoir plus sur son corps, par la pratique sportive, nous apprenons de nouveaux mouvements ; mais il s’agit aussi de se mettre dans des zones de vulnérabilités et prendre conscience de notre réaction face à ces vulnérabilités. Vais-je abandonner ? Vais-je continuer ? Vais-je collaborer ? N’est-ce pas mieux de continuer tout seul ? Pourquoi je continue ? Pourquoi il continue ? Pourquoi ne s’arrête-t-il pas ?

Dans la boxe, et les sports de combat en général, cette poétique du sport est beaucoup plus explicite du fait de la violence constante et palpable. Au commencement est la violence pourrait-on dire. Dans ces sports, l’antagoniste, qui est bien souvent le partenaire d’entraînement, est un autre qui cherche savamment à nous porter des coups, à nous neutraliser ou à nous mettre au sol. Dès lors, l’expérience de vulnérabilité est tout de suite ressentie par le pratiquant : ce dernier est confronté (ou mis en relation) avec sa vulnérabilité dès le début. C’est pourquoi le coach dit « pour être fort » : il s’agit bien de dompter, d’apprivoiser, de tenir la main à sa vulnérabilité, à ses peurs. La force est à entendre en ce sens : d’avoir la possibilité et la volonté de se dé-couvrir. Quoi de mieux que la boxe anglaise, un sport connu pour son caractère d’absolue sauvagerie (dû à l’acharnement à frapper au visage), pour éprouver ces expériences ?

George Morikawa, un expert du noble art : zoom sur la vie de l’auteur.

George Morikawa est né le 17 janvier 1966 à Tokyo et petit déjà, il était turbulent et bagarreur : il a eu une suspension d’une semaine le jour de sa cérémonie d’entrée au lycée pour avoir frappé un élève qui avait une arme à feu dans son casier. Durant son adolescence, il dévore les volumes de Ashita no Joe, un autre manga de boxe (très populaire à l’époque) : c’est de là que lui vient l’envie de devenir mangaka. A 17 ans, il dessine son premier manga, Silhouette Night puis enchaîne avec un autre manga, Kazuya Now (un manga sur le football). Malheureusement, ces œuvres ne connaissent pas de succès commercial. Il tente un nouvel essai, ce dernier choisit son sport préféré, la boxe : c’est là qu’est naît Hajime no Ippo

L’auteur assiste à la défaite (la première) de Mike Tyson le 02 novembre 1990 au Tokyo Dôme contre James Douglas (défaite surprenante pour l’époque tant l’aura de M. Tyson était terrifiante). Il se lance lui-même dans le monde de la boxe en rachetant un club prestigieux au Japon, le « JB Sports Gym ».

Fait encore plus surprenant : le 06 avril 2005, Morikawa est l’homme de coin de Manabu Fukushima, l’ancien champion poids plume (en 55 kg et 57 kg) du Japon et le champion super-coq (entre 53 kg et 55 kg) OPBF (fédération de boxe anglaise en Asie). Il fait également les affiches de M.Fukushima pour son titre mondial WBA, de Raika Emiko à l’occasion du championnat du monde de boxe féminine qui avait eu lieu le 10 novembre 2007 à Tokyo.

Hajime no Ippo est un shonen comme on en voit bien trop peu:  il est le résultat de la passion d’un auteur, George Morikawa (qui possède son propre gymnase de boxe), et de la maestria d’un studio d’animation (Madhouse) qu’il n’est plus besoin de présenter. Pour ceux qui ont du mal avec les dessins rétro (typique des années 1980), je conseille l’adaptation animé qui est à la hauteur de l’œuvre originale. Préparez-vous à vouloir apprendre les rudiments de la boxe : l’amour que porte Ippo pour cette discipline est contagieux.