Par Aurélien Bruere, étudiant à emlyon
Vous avez sans doute lu ou entendu ces chiffres dernièrement : 12 milliards d’euros levés en 2021 par les startups françaises, plus du double par rapport à 2020, des taux de croissance à 3 chiffres qui font rêver plus d’un entrepreneur…
Si ces chiffres évocateurs sont bien réels et ont au moins le mérite de faire parler de l’écosystème entrepreneurial français, ils cachent de nombreuses réalités. Dans ce papier, je compte m’essayer à une déconstruction du mythe de la levée de fonds, et apporter ma vision pour un entrepreneuriat plus sain.
D’abord, il faut comprendre que lorsqu’on parle de « levée de fonds », on parle de choses très différentes selon l’état d’avancement de la startup visée : pré-seed, seed, série A/B/C/D/E… D’une entreprise à l’autre, les sommes levées sont plus ou moins élevées. Par exemple, le fonds de capital-risque G.Venture accompagne des startups d’étudiants en « pré-seed » avec des tickets de 50 000€ contre 5% du capital – portant ainsi la valorisation à 1 000 000€ – tandis qu’une startup comme N26 levait fin 2021 775 millions d’euros en série E.
Il y a donc startup et startup, et donc levée de fonds et levée de fonds. Le risque en accordant trop d’importance aux levées de fonds est de faire perdre les pédales aux entrepreneurs qui deviennent obnubilés, d’autant que c’est un long processus qui prend en général plusieurs mois, et demande des efforts délirants. Et je ne parle même pas des fonds vautours qui vampirisent littéralement les startups dans lesquelles ils investissent.
A ce propos, combien d’entrepreneurs ont perdu – ou failli perdre – leur startup à cause d’un
processus de levée de fonds trop prenant ? Pour n’en citer qu’un, le dirigeant de la startup Germinal avouait il y a quelque temps sur LinkedIn avoir failli mener à sa perte son agence de conseil en stratégie digitale nouvelle génération. Afin de développer une nouvelle offre, il a engagé des démarches pour lever des fonds sans prendre en compte suffisamment la dynamique de son équipe. Résultat, le processus lui a fait perdre de nombreux clients, le forçant à licencier nombre d’employés, et à passer la main pour son rôle de dirigeant.
Mais alors, que faire pour financer sa startup ? Si j’écris ce papier, c’est que je m’intéresse vivement aux solutions alternatives, notamment ce qu’on appelle le « bootstrapping » (littéralement : enfiler ses bottes). Bootstrapper désigne le fait de se débrouiller par ses propres ressources et les flux de capital générés par son propre business pour financer son lancement et son développement.
Concrètement, il est possible de partir d’un « business model » plus sûr en se focalisant sur un marché déjà existant avec un produit que les clients connaissent, en apportant une légère nuance pour bénéficier d’un avantage comparatif. En utilisant la trésorerie générée par cette première activité, il devient possible de développer une nouvelle offre sur un marché en cours de développement en entrant en concurrence avec les pionniers de ce marché. Enfin – après peut-être quelques échecs – une fois ce nouveau flux de trésorerie obtenu, il devient possible de financer une troisième forme d’activité sur un marché inexistant ou en signal faible pour avoir l’avantage du « first mover » dont ont bénéficié Coca-Cola, Apple, Amazon, Uber, etc.
En somme, j’estime plus sain d’user de débrouille que de facilité, quitte à prendre le temps qu’il faut. Mon héritage de maker n’y est sans doute pas innocent.