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« Évitez de vous poser trop de questions et lancez-vous ! » : l’interview de l’entrepreneur Sacha Gallo-Parouty

Sacha Gallo-Parouty est un ingénieur de formation issu de l’ECAM de Lyon. En 2014, à l’issue de ses études, il monte une start-up dénommée « WUHA » (WUHA n’existant plus) qu’il développe pendant 6 ans avec un ami de promotion. Il est aujourd’hui Manager de l’incubateur Manufactory situé sur le campus de La Doua, qui accompagne plus de 20 projets par an. Sacha intervient sur tout type de problématique en lien avec l’entrepreneuriat : financement, recrutement, test marchés, levée de fonds, management, etc. Retour, pour Le M, sur son expérience entrepreneuriale.

Propos recueillis par Houssam Nobbigh, 

Le M : Pourquoi avoir choisi de se lancer dans une aventure entrepreneuriale, WUHA, avec un associé et non seul ?

Sacha Gallo-Parouty : Au lancement de WUHA, mon associé et moi avons décidé de nous lancer à deux parce que nous savions que nous aurions chacun besoin des  compétences de l’autre pour avancer. Nous sommes très différents bien que nous soyons issus de la même formation à l’ECAM. Il est davantage compétent sur la partie marketing et communication, alors que je suis plus compétent sur le  financement ou l’administratif. En revanche, nous nous rejoignons sur le volet commercial. Nous disposons de caractères complémentaires qui permettent que nous ne nous marchions pas sur les pieds. Grâce à cela nous avons pu nous répartir les rôles au fur et à mesure, en fonction de nos domaines d’expertise. C’est aussi plus facile de se lancer à deux que tout seul, nous l’avons donc fait pour une bonne raison : pour que le projet réussisse.

On comprend que la complémentarité dans une équipe est primordiale, mais il y a aussi le projet en lui-même. Peux-tu nous parler de WUHA ?

WUHA est un projet qui part de l’idée simple que dans un certain nombre d’entreprises (les entreprises du secteur juridique : les cabinets d’experts-comptables, de notaires et de juristes), les collaborateurs passent beaucoup de temps, trop, à chercher de l’information en interne et dans la jurisprudence. Partant de ce constat, nous avons créé un système qui permet, à partir d’un même point de recherche, de recueillir les informations en interne et les informations juridiques. Ce système s’intègre dans le moteur de recherche Google et s’inscrit sous la forme de plug-in, extension d’un navigateur. L’objectif était ainsi de faire gagner beaucoup de temps aux collaborateurs travaillant dans le  secteur juridique.

“L’erreur à éviter est de développer une solution par “intuition ” sans la tester.”

Lorsque vous avez lancé votre projet, avez-vous été accompagnés par des partenaires externes ou internes (mentorat, incubateurs, etc.…) ? 

De manière externe, nous nous faisions accompagner par des “mentors” qui n’étaient pas forcément issus du même corps de métier que nous, à savoir juridique et informatique. Néanmoins, ils ont pu nous apporter un certain nombre de “bricks” en management, en financement, en négociation de contrats, etc… Nous avions au total 3 mentors : un travaillant pour la CCI (Chambre de Commerce et d’Industrie), un autre issu du MEDEF et enfin un membre du Réseau Entreprendre. Ils nous “challengeaient” sur la vision de notre start-up, les chiffres commerciaux, le fonctionnement du management et du recrutement, nos objectifs, etc.

Avec du recul, penses-tu qu’il est possible de se passer de cette forme de mentorat ?

Non, il est nécessaire de disposer d’un accompagnement lorsque l’on ne dispose pas d’expérience ! Ces personnes sont passées par l’entrepreneuriat en général, ils ont expérimenté beaucoup de choses. Leurs retours sont donc précieux pour éviter des erreurs basiques auxquelles on ne s’attend pas ou que l’on ne s’imagine pas au  lancement d’un premier projet. 

En ce qui concerne le financement de l’entreprise, comment avez-vous financé le développement de WUHA ?

Le premier tour de table a été lancé en septembre 2015, quelque mois après la création de l’entreprise. Nous avons fait entrer des business angels à hauteur de 90 000€ en contrepartie de parts de la société. L’objectif de ce premier tour de table était de provoquer un effet de levier bancaire pour pouvoir aller chercher plus d’argent auprès de la BPI ainsi qu’auprès de la banque pour financer le développement de la start-up.

“[…] ayez cette “créativité naïve”, évitez de vous poser trop de questions et lancez-vous !”

“Vendre l’idée avant de la produire”, on entend souvent cette phrase lorsqu’on s’intéresse à l’entrepreneuriat, qu’en penses-tu ?

Dans tous les cas, il faut se forcer un maximum d’essayer de vendre la solution qui répond au problème que vous souhaitez résoudre… et ce avant de l’avoir conçue pour être certain que le problème est bien compris. Il faut ensuite s’assurer de l’aptitude à concevoir une solution prête à être achetée. Dans notre cas, pour WUHA, nous avons développé des simulations et animations à partir d’un PowerPoint conçu par nos propres moyens : nous simulions nos résultats lors de nos présentations commerciales. Ce faisant, nous avons pu constater si les clients étaient intéressés par notre solution ou non. Cette solution nous a aussi permis de bien segmenter notre future clientèle : nous avons d’abord testé la finance, la santé, etc. C’est comme cela que nous avons observé que les prospects qui étaient le plus apte à acheter notre solution étaient les acteurs du secteur juridique. Puis nous en avons profité pour tester les prix et les fonctionnalités les plus essentielles pour le développement du logiciel. Cela nous a permis de ne pas débourser de l’argent pour un développement qui aurait pu se révéler inutile si la solution n’était pas vendable in fine. L’erreur à éviter est de développer une solution par “intuition ” sans la tester. Gardez en tête que “la solution on ne se la vend pas soi-même mais on la vend à un marché !”. Il est donc primordial de bien tester le produit/le service pour évaluer si des clients seraient prêts à l’acheter avant même de créer les statuts finaux de l’entreprise.

Logo Wuha. Crédits : Wuha. (WUHA n’existe plus)

En l’occurrence, le Business Model que vous avez proposé était basé sur un système d’abonnement.

C’est bien ça ! Nous proposions un abonnement mensuel (principalement pour les petites structures) ou annuel. L’abonnement débutait à 9€ HT/mois ou 7€ HT/mois (si engagement annuel), ensuite l’abonnement était dégressif en fonction du nombre de licences que l’entreprise acquérait.

Le client est-il roi lorsque l’on lance une start-up ? On peut facilement oublier le SAV lorsque l’on développe une start-up, que pouvez-vous nous dire là-dessus ?

Disons que c’est ce qui tient le client au départ. Il y a bien évidemment l’offre commerciale de base avec une réduction et puis il y a, par la suite, tout le SAV qui permet de tester, avec le client, la solution parfaite (ergonomie, interface etc…). L’idée d’un SAV extrêmement qualitatif au départ pour accompagner la montée en puissance du logiciel est donc très importante !

Sacha Gallo-Parouty est le manager de l’incubateur de La Doua. Crédits : LeProgrés..

En tant qu’entrepreneur, as-tu rencontré des difficultés sur le projet WUHA ? Si oui quelles étaient-elles ?

Il y a des hauts et des bas lorsque l’on entreprend. Nous faisons face à des moments d’euphories mais aussi à des moments difficiles. Nous avons dû nous séparer de certains salariés, nous avons perdu des clients, nous n’avons pas toujours obtenu les financements que nous espérions… Mais les moments d’euphories motivent à poursuivre nos projets ! Personnellement, j’ai appris énormément grâce à cette expérience, notamment en matière de RH, de finance, de financement, de management, en levée de fond, en commercialisation… Il ne faut pas craindre de se confronter au réel et surtout aimer la transversalité !

Tu es désormais Manager et Incubateur, quelles sont les qualités à posséder si l’on souhaite entreprendre ?

La posture est importante. Un entrepreneur c’est avant tout quelqu’un de persévérant, mais sans être obstiné. La persévérance est très importante dans les moments les plus difficiles où il ne faut pas lâcher ! Un entrepreneur cherche aussi à “créer quelque chose qui va finir par vivre par lui-même, à savoir : une structure avec un business model rentable”. Enfin, ayez cette “créativité naïve”, évitez de vous poser trop de questions et lancez-vous !

“Notre prérogative est d’accompagner l’entrepreneur davantage que le projet en lui-même, ce dernier pouvant changer avec le temps.”

Pour finir, peux-tu nous dire quelques mots à propos de l’incubateur Manufactory sur le campus de la Doua ?

Nous sommes gérés par un organisme qui est le Centre d’Entrepreneuriat de Lyon-Saint-Etienne, une entité publique qui dépend de l’Université de Lyon. Nous disposons de 4 incubateurs : Lyon 3ème, La Doua, Lyon 2ème et Saint-Etienne. Au sein de ces incubateurs, notre principale mission est d’accompagner des entrepreneurs étudiants et/ou des jeunes diplômés. Nous accompagnons une centaine de projets par an de manière très attentive, avec un suivi sur 2 ans maximum par projet. Pour chaque projet, nous mettons à disposition un mentor, un accompagnateur dédié, des ateliers experts sur le volet  juridique, le financement et des ateliers de co-développement entre entrepreneurs. Notre prérogative est d’accompagner l’entrepreneur davantage que le projet en lui-même, ce dernier pouvant changer avec le temps. N’hésitez pas à suivre le “Centre d’Entrepreneuriat Lyon Saint-Etienne” sur Linkedin si vous souhaitez vous renseigner à ce sujet !