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« En entrepreneuriat, ne pas confondre vitesse et précipitation » : l’interview de Grégory Giovannone

Gregory Giovannone est un alumni d’emlyon diplômé du master spécialisé en ingénierie financière. A l’issue de sa formation, il fonde sa première entreprise : Permigo, une auto-école en ligne. Cette aventure dure 3 ans durant lesquels le chiffre d’affaires dépasse les 4 millions d’euros. Son parcours entrepreneurial se poursuit avec Pepitelab, une start-up studio qu’il fonde avec l’ambition d’accompagner les PME et les ETI dans la digitalisation de leur métier. Cette start-up atteint près du million d’euros de chiffre d’affaires. Depuis la crise du covid, Gregory est consultant freelance et accompagne les ETI dans leurs transformations de processus digitaux. Il travaille en parallèle sur un troisième projet entrepreneurial, Dresskare.

Propos recueillis par Houssam Nobbigh

Le M : Permigo, cette auto-école en ligne, a été ta première expérience entrepreneuriale, comment vous est venu l’idée de ce projet ?

Grégory Giovannone : L’idée de Permigo est venue durant mon mastère spécialisé, j’étais à ce moment en train de passer le permis de conduire et cela me coûtait relativement cher. Mon associé de l’époque Serge et moi avons alors eu l’idée de créer Permigo. Nous avons travaillé à côté de nos stages sur l’idée. Peu après mon stage, j’ai pu intégrer l’incubateur d’emlyon au sein duquel nous avons pu peaufiner notre idée puis finalement nous lancer en juin 2014. Il s’est donc passé 1 ans entre l’idée et la concrétisation réelle avec le lancement de l’entreprise.

En quoi l’incubateur d’emlyon vous a aidé à lancer votre projet ?

J’étais de formation financière, mon associé était spécialisé en management de projet, nous n’avions pas suivi beaucoup de cours axés sur l’entrepreneuriat. L’incubateur nous a alors beaucoup bousculé sur la solidité du business model. Ils nous ont aidé à nous poser les bonnes questions très rapidement. Avec du recul, le travail a été très bénéfique puisque nous avons eu de très bons résultats sur les parties business model, market fit (ndlr : le market fit est le degré auquel un produit satisfait une forte demande du marché) et traction (ndlr : la traction est la capacité d’une startup à attirer un certain public). Nous avons aussi pu rencontrer des camarades au sein de l’incubateur qui nous ont beaucoup aidé à comprendre certains outils. L’incubateur nous a donc vraiment aidé à apprendre beaucoup et très rapidement sur l’entrepreneuriat et ses réalités.

” L’incubateur nous a donc vraiment aidé à apprendre beaucoup et très rapidement sur l’entrepreneuriat et ses réalités.”

Tu nous as parlé de ton associé, Serge, qu’est-ce qui te semble le plus important lorsqu’on choisit son (ou ses) associé(s) ?

Pour ma part, j’étais ami dans la vie avec Serge, avec lequel je partageais la même éducation. Également animés des mêmes valeurs, nous nous sommes directement projeté sur le projet ensemble. Puis c’est venu assez naturellement de travailler avec lui ! Ensuite, le point important était que nous étions très complémentaires : Serge s’occupait des opérations ainsi que de la partie commerciale, et moi de la vision, de la partie RH, de la partie financière mais aussi du produit. La complémentarité s’est vite observée avec les résultats positifs obtenus au lancement de Permigo. Il faut savoir que beaucoup trop de start-up s’écroulent du fait de la mésentente entre les associés ! Et puis rien n’est plus plaisant que de travailler avec quelqu’un avec qui on s’entend très bien.

Auto-école. Crédits : JDD.

Vous vous êtes lancés sur le marché des auto-écoles avec pour ambitions de digitaliser la profession, comment fut cette expérience ?

Nous avions 3 propositions de valeurs : 

  1. Nous étions une auto-école 100% en ligne, le client pouvait tout faire en ligne ;
  2. Pour assurer ses heures de conduites, le moniteur se déplaçait au lieu de rendez-vous qu’il avait choisi ;
  3. Nous étions 2 fois moins cher que le marché classique.

Pour que cela fonctionne, nous avons dû faire des économies d’échelle. En comparaison, les auto-écoles classiques étaient limitées à un périmètre géographique restreint. Grâce au 100% en ligne, nous avions un plus gros potentiel de clients. Ainsi nous avons réussi à diminuer le poids des charges fixes, ce qui nous permettait d’atteindre le point de rentabilité au-delà d’un certain volume de clients en étant 2 fois moins coûteux.

Aussi, lorsqu’on nous avons intégré le marché, il n’y avait pas beaucoup d’indépendants… Notre principe était de posséder une boutique par grande ville, avec un mix de moniteurs salariés et indépendants. Le fait de posséder une boutique nous a permis de bénéficier de places d’examens du code – contrairement à Ornikar, par exemple, qui présente les élèves en candidats libres . De plus, le moniteur salarié nous coûtait moins cher que le moniteur indépendant. 

Notre objectif était d’obtenir un taux d’acquisition maximum et de délivrer un maximum d’heures de conduites, ce qui est différent du business model d’Ornikar ou de Lepermislibre par exemple, qui sont constitués à 100% d’indépendants.

” Si je devais me prodiguer des conseils, à moi, plus jeune, je me dirais sans doute de ne pas confondre vitesse et précipitation.”

Avez-vous réussi à atteindre cet objectif ?

La 1ère année nous avons fait 1,2 millions d’euros de CA pour atteindre 4 millions d’euros la seconde année… Tout ça pour dire que nous avons fait beaucoup de chiffre d’affaires, très rapidement, mais était-ce une bonne chose ? L’hyper croissance c’est bien, mais derrière il faut être rentable ! L’une de nos erreurs a été de confondre vitesse et précipitation, et c’est ce qui nous a conduit à un redressement judiciaire en 3ème année. 

Peux-tu nous dire ce qu’il s’est passé ?

L’entreprise fut reprise à la barre du Tribunal du Commerce. Dans le cadre de notre développement, nous n’avons pas réussi à faire notre deuxième levée de fonds auprès de fonds en Venture Capital. Après le market fit, nous avons décidé d’attendre avant de lever des fonds. Nous avons attendu, beaucoup attendu… mais pas nos concurrents. Par conséquent, nous avions bien entamé notre trésorerie ce qui a eu pour conséquence directe de nous rendre moins attrayant auprès des investisseurs. En réalité, nous connaissions une forte croissance mais nous brulions beaucoup trop de trésorerie. Pour simplifier, la cause première de notre redressement judiciaire fut le manque de trésorerie. Je dirais que nous avons été un peu trop confiant car nous étions sûrs à 4000% que nous allions faire une  levée en vue de notre succès ! Un conseil : soyez raisonnable dans votre croissance !

Après cet échec, tu t’es vite relancé en lançant un deuxième projet ? Comment as-tu pu remonter la pente ? (Gregory a tenu une conférence TedX sur la résilience)

J’ai d’abord été soulagé de trouver un repreneur, c’était la meilleure chose à faire pour nos clients et nos salariés. J’étais partagé entre le soulagement et la déception. Pour ma part, j’ai longtemps été dans le déni. J’ai entrepris tout de suite après cet échec, ce fut une erreur et j’ai de nouveau confondu vitesse et précipitation. A l’époque, j’avais pour ambition de réussir en tant qu’entrepreneur et je me disais que si ce n’était pas avec Permigo ça serait avec une autre boîte. Si c’était à refaire, je prendrais plus de recul et je patienterais afin de développer la bonne idée et de tirer tous les enseignements de mon échec.

Tu as su rebondir à la suite de cette aventure, que fais-tu maintenant que tu as pris du recul ?

Je suis confiant sur la réalisation d’un nouveau projet “DressKare”, la première solution de vêtements de seconde main. Je crois que de nombreux vendeurs auto-entrepreneurs indépendants vont émerger sur le marché pour offrir leurs services à des particuliers. Je propose donc à ces auto-entrepreneurs de simplifier le traitement et la commercialisation des vêtements grâce à un processus basé sur une intelligence artificielle chargée du traitement des vêtements de seconde main. La solution peut paraître complexe, mais vendre des vêtements est vraiment très simple aujourd’hui !

La résilience face à l’échec – novembre 2019. Crédits : TED Talk.

Pour conclure, quel conseil pourrais-tu donner aux étudiants qui souhaitent se lancer en entrepreneuriat ?

Si je devais me prodiguer des conseils à moi, plus jeune, je me dirais sans doute de ne pas confondre vitesse et précipitation. Prenez le temps de bien réfléchir, de ne pas brûler les étapes.

Soyez également bien entourés, à la fois d’associés (ayez des personnes meilleures que vous à vos côtés), et à la fois d’une gouvernance (des personnes plus matures, souvent des investisseurs qui ont de l’expérience).

Si vous avez de la traction, levez des fonds, même si vous avez une trésorerie saine et que vous générez un important chiffre d’affaires ! Bien entendu, ce n’est pas une obligation mais si vous avez de l’ambition et que le marché s’annonce très compétitif dans le futur : levez !

Ne perdez pas de vue la rentabilité : la croissance doit tendre vers l’objectif de rentabilité. Cette dernière doit faire l’objet de mesures fréquentes. 

Le produit, c’est l’avantage concurrentiel. Commencez par travailler votre produit, c’est ce qui vous permettra de faire la différence. N’hésitez pas à tester votre produit sous la forme d’une version bêta.

Grégory Giovannone recherche des étudiants pour être associés sur la partie Sales ou en Marketing pour DressKare. Si vous êtes motivés et souhaitez entreprendre à l’avenir, n’hésitez pas à le contacter sur Linkedin