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Découverte de la location chez Décathlon avec Yann Carré, leader of rental experiences

Diplômé d’emlyon en 1990, Yann Carré a exploré plusieurs secteurs durant sa carrière. Tout d’abord celui de l’assurance des risques de l’entreprise en exerçant notamment le métier d’ingénieur d’affaires chez IBM. L’informatique, ensuite, en tant que patron d’agence au sein de la société Transiciel. Il s’est également lancé dans l’entrepreneuriat en créant une société en 2000, Waprisearch, autour de l’internet mobile, revendue rapidement à Devoteam avant de rejoindre une petite structure créée dans le domaine du streaming vidéo et du brand content, StreamPower. Rachetée par Havas Média, il accompagne cette transition et prend ensuite la direction générale d’une agence média du groupe FullSix. Il rejoint finalement Decathlon en 2011 comme directeur de la communication des vélos de la marque B’twin et travaille sur plusieurs projets de transformation. Depuis 3 ans, il est chargé du développement des activités de location chez Decathlon. La location est en effet un modèle qui se diffuse dans toute l’économie, et notamment chez les retailers, qui comptent bien surfer sur la vague. Le M a rencontré Yann Carré pour comprendre le système de location chez Décathlon et son intérêt. 

Propos recueillis par Diane Schneider et Vincent Loeuillet,

Le M : Bonjour Yann, on peut être étonné par l’intitulé de votre poste, « Leader of rental experiences », Décathlon étant un retailer. À quoi correspond la location chez Décathlon ?

Yann Carré : La location chez Decathlon se scinde en 2 types : la location par abonnement mensuel et la location courte durée. La première est un peu comme Netflix ou Spotify. On s’abonne à un service de location comprenant un ou plusieurs produits ou services que l’on utilise sans avoir à les acheter. Aujourd’hui, vous n’achetez plus de musique ou de vidéo, c’est la même chose pour le sport, sauf que les produits concernés sont des biens physiques, de consommation, des biens de sport. 

Le nom ‘Décathlon” a été choisi en référence aux dix sports principaux présentés en magasin / Danny Gys.

Nous proposons à la location : vélos as a service, bancs de musculation as a service, tapis de course as a service. Nous définissons une offre composée de produits et de services qui fait sens pour l’utilisateur sportif et qui diffère selon la pratique de son sport, selon son âge et selon son niveau. Nous proposons l’usage plutôt que la propriété du produit ce qui a l’avantage d’être plus accessible en matière de prix et plus intéressant en matière de services puisque l’on définit tous les services autour du produit lui-même ce qui donne du sens à la pratique. Par exemple, pour le vélo de piste, c’est l’assurance contre la casse, le vol, la réparation, la maintenance. Pour chaque sport, nous imaginons les produits importants et tout ce qui peut venir compléter la pratique de ce sport pour qu’il y ait moins de freins et plus de plaisir à la pratique sportive. La location courte durée quant à elle se comprend en heures ou en jours : le client a un besoin particulier pour un produit qu’il n’a pas envie de posséder, de transporter, d’entretenir. Cette location de courte durée peut correspondre aux skis, aux canoë kayaks, aux stands de paddle, aux surfs, aux vélos…

“Nous sommes confrontés à un dilemme: continuer de croître sur un modèle linéaire entraîne une pollution croissante, même si certaines mesures peuvent être prises pour atténuer cet impact.”

Vous êtes actuellement « Leader of rental experiences » chez Décathlon, en quoi consiste concrètement votre métier ?

Mon métier consiste principalement à faciliter la transformation du business model de Decathlon pour que nous puissions proposer de la location. Lorsque l’on fait de la location, nous sommes sur un modèle économique différent. Il y a beaucoup d’impacts sur l’organisation de l’entreprise : dans les systèmes d’information, la logistique, la finance, la traçabilité des produits. Cette transformation implique un accompagnement nécessaire des collaborateurs dans la compréhension des enjeux, dans l’analyse de la performance, dans la formation, la communication, etc. 

Mon métier consiste à organiser une transformation efficace dans une grande entreprise très subsidiaire avec beaucoup de services. Il s’agit de créer, ou de diversifier, une activité à l’intérieur d’une grande entreprise afin de rendre l’expérience locative possible pour nos utilisateurs et collaborateurs. 

Illustration location d’un vélo / Urbaan.

Dans de nombreuses industries, les offres de location fleurissent. Quel est l’intérêt et la motivation pour Décathlon de proposer des offres de location ?

La location fait partie de l’économie circulaire comme la réparation, le recyclage et la revalorisation des produits. Cette économie est une des briques qui permet à Décathlon de tenter d’atteindre des objectifs de réduction de son impact environnemental. C’est principalement pour cette raison que nous explorons ces business models et que nous essayons de les déployer. Le but est qu’in fine, les produits durent plus longtemps, qu’il y ait davantage d’utilisateurs et moins de produits. Nous devons atteindre un moindre impact planétaire tout en conservant un modèle économique vertueux pour les actionnaires et les collaborateurs de l’entreprise. Nous sommes confrontés à un dilemme : continuer de croître sur un modèle linéaire entraîne une pollution croissante, même si certaines mesures peuvent être prises pour atténuer cet impact. Il faut donner plus de poids aux modèles circulaires qui contribuent à bâtir l’édifice d’une croissance plus vertueuse.

Assiste-t-on à un changement de paradigme avec l’expansion des offres de location ? 

Nous, Décathlon, ne sommes pas si originaux de ce point de vue. Nous sommes une grande entreprise de conception et distribution de produits sportifs. Toutes les grandes entreprises ont le même problème que nous : le modèle linéaire qui consiste à concevoir des produits et à les vendre sans se soucier, ou peu, de ce qui se passe en amont et en aval nous emmène dans le mur. Nous essayons de réagir avec une vitesse, une implication, des succès et des difficultés qui varient d’une industrie à l’autre. Nous sommes tous concernés par notre impact sur la planète : destruction des écosystèmes, consommation de l’eau, émission de CO2, etc. Bien que nous soyons habitués à devoir faire de la croissance pour continuer à développer l’entreprise car le modèle capitaliste actuel se fonde sur la croissance. Une entreprise qui ne fait pas de croissance est une entreprise mal en point. Alors comment concilier croissance et moindre impact ? Il y a une prise de conscience et un besoin d’action de la part des entreprises qui n’existaient pas il y a quelques années. 

Chez Décathlon, quelle est l’importance de l’activité rent ?

Pour l’instant, le chiffre d’affaires et les volumes alloués à cette activité sont petits par rapport au total de l’entreprise (15 milliards d’euros de chiffres d’affaires). La location est une activité qui démarre mais le but est qu’elle prenne sa part dans l’édifice pour avoir un impact. Si notre activité a un impact mais concerne très peu de sports, de produits et de clients, ce ne sera, à la fin, qu’un succès d’estime. Néanmoins, le chiffre d’affaires n’est pas forcément le meilleur indicateur pour estimer le succès de la location. Si l’on compare le chiffre d’affaires d’une location avec celui d’une vente, il est forcément moins intéressant. L’important est le nombre de nos clients et de nos produits qui basculent d’un modèle économique linéaire vers un modèle circulaire. Les modèles économiques sont différents donc les marges et rentabilités le sont aussi.

“Une entreprise qui ne fait pas de croissance est une entreprise mal en point. Alors comment concilier croissance et moindre impact?”

Decathlon a choisi pour cela de s’entourer et notamment de travailler avec la start-up experte du retail Lizee (location de matériel de trekking Forclaz ou encore équipements de camping Quechua). Pourquoi avoir choisi de travailler avec cette start-up ?

Nous travaillons avec Lizee mais aussi avec d’autres sociétés : Lizee, Ziki, Loki, Zuora etc… Nous choisissons de travailler avec ces sociétés car c’est ce qui nous a permis de mûrir dans la manière de cerner notre besoin propre. En outre, ces entreprises nous permettent de réagir vite : elles apportent des solutions techniques qui permettent de concevoir une expérience de location. Par exemple, Lizee permet à un retailer qui fournit un stock de produits donné d’opérer l’ensemble du service : le site web, les back office nécessaires pour les opérateurs en entrepôts ou magasins et la gestion du stockage, du transport et de tout ce que l’on appelle le reconditionnement entre plusieurs activités. Les start-ups permettent aux grands groupes de tester des choses différentes et ainsi d’obtenir une agilité dont ils ne sont pas pourvus. 

Les associés de la start-up Lizee: Timothée Emery (CTO) à gauche, Anna Balez (CO-CEO) au milieu et Tanguy Frécon (CO-CEO) à droite / Lizee.

Selon Great Place To Work, une société spécialisée dans la mesure de la Qualité de Vie au Travail, Décathlon est la seconde Best Workplace de plus de 2500 salariés en France en 2022, Décathlon a aussi été désignée première entreprise Française dans le classement Forbes « Meilleurs Employeurs Monde 2022 ». Pourquoi fait-il bon travailler chez Décathlon ?  

En ce qui me concerne, je trouve que Décathlon est une entreprise qui a des vertus intéressantes. D’abord, c’est une entreprise qui crée des produits sportifs et contribue à rendre le sport accessible ce qui est un objet social assez noble. Je trouve plus intéressant de développer l’activité du sport avec tous les bienfaits que cela génère que de développer l’accessibilité à la cigarette, par exemple. Ensuite, c’est une entreprise qui laisse beaucoup de place à ses collaborateurs pour entreprendre : le management est ouvert, respectueux. Il laisse la place à tous pour s’épanouir, ce qui n’est pas forcément le cas dans d’autres entreprises. Il peut y avoir des burn out chez Decathlon, bien-sûr, mais je pense qu’il y en a davantage chez Amazon. Et lorsque l’on est un sportif, travailler dans une entreprise qui fait du sport, c’est génial. De plus, Décathlon est une entreprise qui possède des valeurs dans lesquelles beaucoup de gens se reconnaissent aujourd’hui, une entreprise qui essaye de prendre la mesure de son impact environnemental et d’y réagir, ce qui n’est pas le cas de toutes les entreprises. Cette entreprise répond à mes inspirations profondes et me laisse entreprendre, moi qui ai été entrepreneur. Je dirais même intraprendre ce qui me permet de m’épanouir.  

Votre histoire professionnelle avec Décathlon a débuté en 2011 lorsque vous devenez Head of Marketing and Communication pour la marque de cyclisme de Décathlon, BTWIN. Est-ce une entreprise qui favorise la promotion et le mouvement interne ?

Oui mais pas seulement parce que je suis rentré dans cette entreprise à l’âge de 43 ans. Cela veut dire qu’il est aussi possible d’intégrer Décathlon en ayant déjà parcouru un bout de chemin. C’est une entreprise qui favorise beaucoup la promotion interne et l’épanouissement des hommes et des femmes à travers la diversité des métiers qu’ils peuvent pratiquer. 

Vous avez été membre du BDE et Président du Ski Club lors de vos études à emlyon, quel souvenir gardez-vous de ces expériences ? Ont-elles contribué d’une manière ou d’une autre à vous façonner professionnellement ?

Je garde de bons souvenirs de ces années à une époque où il était plus facile de s’amuser et on l’on avait un peu moins de contraintes que maintenant. J’ai intégré ces associations car je souhaitais participer à la vie de beaux projets. J’ai toujours été quelqu’un d’assez actif par rapport aux projets et je voulais intégrer des associations ou l’on s’amuse à côté des études. Je ne sais pas si ces expériences ont fondamentalement changé ma carrière mais elles m’ont appris un certain nombre de choses complémentaires par rapport à mes études : aller chercher des sponsors, organiser des soirées, des évènements, etc. J’y ai rencontré des gens avec qui je suis encore ami et cela fait aujourd’hui partie de qui je suis. 

Aviez-vous prévu de travailler dans l’industrie du sport quand vous étiez à emlyon ?

Non, j’étais parti sur d’autres choses. J’ai davantage saisi les opportunités qui se présentaient avec intérêt et curiosité et j’ai rebondi d’opportunités en opportunités mais je n’avais pas décidé que je travaillerais dans le sport et uniquement dans le sport.

Auriez-vous des conseils à donner aux étudiants qui souhaitent travailler dans cette industrie ? Y a-t-il des parcours à privilégier ?

Ce qui est vraiment important est de savoir ce que l’on a envie de faire, de prendre le temps de s’écouter. Le monde du travail actuel est de toute façon différent de celui que j’ai connu. Vous êtes confrontés à un monde du travail qui a des codes et fondements différents. L’essentiel est de se trouver en adéquation avec ses valeurs et avec ce que l’on est, ce que l’on aime. Parfois, quand on se sent perdu, il faut se mettre devant une feuille blanche, la diviser en 4, et déterminer : 1 – ce que l’on aime faire et ce que l’on sait faire, 2 – ce que l’on aime faire mais que l’on ne sait pas faire, 3 – ce que l’on n’aime pas faire mais que l’on sait faire, 4 – ce que l’on n’aime pas faire et que l’on ne sait pas faire. Cela permet tout de suite de voir vers quel angle il faut regarder. Nous sommes aujourd’hui dans une logique où les carrières longues et sans incident, les CDI, n’existent plus. Il faut être capable de prendre le meilleur de chaque expérience professionnelle et tracer un chemin singulier. Pour Décathlon, l’important est d’être passionné par le sport pour pouvoir être en résonance sur certains sujets. Decathlon est une société qui permet de faire des carrières commerciales, financières, managériales et dans plein d’autres domaines. C’est une société de 120 000 collaborateurs aujourd’hui présente dans 60 pays : il y a beaucoup d’opportunités. Il faut commencer par faire ce que l’on aime et essayer de le faire toute sa vie pour mieux digérer les situations compliquées qui pourraient arriver. 

“Il faut être capable de prendre le meilleur de chaque expérience professionnelle et tracer un chemin singulier.”

Que préférez-vous dans votre métier ?

Ce que je préfère dans mon métier est ce qui a souvent caractérisé ma carrière : partir d’un univers peu balisé et essayer de trouver son chemin, tout cela au sein d’une équipe. J’aime défricher des territoires pas encore travaillés. Dans ce sens, travailler à la transformation d’un business model et à une nouvelle manière de faire, c’est l’aspect que j’aime beaucoup dans mon métier, bien que cela soit fatigant. Cela signifie aussi construire et faire grandir des équipes d’homme et de femmes, l’excitation de trouver des solutions dans des situations ou il n’y a pas d’autres solutions que la vôtre.

Pour finir, de grands évènements sportifs vont prochainement avoir lieu. La France organisera notamment les JO 2024 ou la Coupe du Monde de Rugby 2023, quelle est l’implication de Décathlon pour ces évènements ?

Nous sommes partenaires des Jeux Olympiques, nous accompagnons au travers des bénévoles et d’un certain nombre d’athlètes. Une des missions de Décathlon est de faciliter l’accès au sport, de faire faire du sport aux gens pour tout ce que ça procure de positif. Nous ne pouvions pas ne pas nous impliquer en tant que grande entreprise de sport française dans un événement aussi emblématique qui, de surcroît, rejoint les valeurs de l’entreprise : le dépassement de soi, l’amateurisme, même si beaucoup sont professionnels. Les valeurs de l’olympisme qui entrent en résonance avec celles de Décathlon sont aussi la vitalité, la responsabilité, le partage et l’accessibilité. Les JO font rêver, des collectifs s’affrontent dans une solidarité très forte, c’est un moment de communion humaine génial. 

Décathlon est partenaire officiel des JO de Paris 2024 / Décathlon.