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Bigger Than Us, un ADN moral en pleine transmission

Les 20 et 21 septembre derniers a été diffusé en avant-première pour tous les nouveaux entrants à emlyon, le documentaire « Bigger Than Us » réalisé par Flore Vasseur.  Stéphanie Kergall, Head of CSR Projects à emlyon business school, considère que « les planètes se sont alignées » pour permettre à ce projet de grande ampleur de voir le jour. Avec le soutien de la Direction RSE et de la Direction Générale de l’école, elle a initié des modifications dans l’organisation de la rentrée 2021 pour pouvoir y introduire des visionnages du film dans les plannings des différents programmes. Dix-sept salles de cinéma dans trois villes différentes ont ainsi été réservées en exclusivité pour les étudiants entrants qui ont pu, à travers le visionnage de ce documentaire, découvrir l’ADN moral de l’école, fait d’engagement, de respect et, de plus en plus, d’actions concrètes.

Par Victoire Pouret,

Comment avez-vous entendu parler de ce film avant sa sortie ?

Cette affaire est dès le départ une histoire d’amitié, puisque la réalisatrice, Flore Vasseur et moi sommes très proches. Notre connivence remonte au temps où j’étais grand reporter, bien avant d’arriver à emlyon. Je suivais son travail de près et j’avais d’ailleurs déjà rencontré Melati, l’activiste centrale du film, il y a plus de cinq ans. J’ai vu la construction progressive du film, de l’émergence de l’idée chez Flore jusqu’à sa projection sur les écrans quatre ans plus tard. J’ai eu la chance de participer à plusieurs débriefings de rentrée de tournage, de rencontrer les différents protagonistes, et d’accompagner Flore lors de la présentation du film au Festival de Cannes.

Quel portrait vous a le plus touché ?

Ceux de Memory et Mohammad. Après la première projection j’avais demandé aux étudiants présidents d’association quel était leur activiste préféré, afin de voir quels jeunes faire venir à emlyon en priorité. À la quasi-unanimité, ils ont également été le plus touchés par Memory, qui vient de venir nous rendre visite, et par Mohamad Al Jounde, qui viendra à emlyon le 12 avril prochain. J’espère sincèrement que les étudiants se mobiliseront pour un tel évènement.

Quelle réflexion vous a conduite à mener ce projet Bigger Than Us à emlyon ?

Au fil du tournage de ce film, je me suis dit qu’il fallait vraiment trouver un moyen de le lier à emlyon. J’ai la chance de travailler dans le secteur de l’éducation, un univers où ce que l’on propose peut impacter durablement l’esprit de la jeunesse. Or ce documentaire est une inspiration, un appel à l’action et à l’engagement, un témoignage de la grandeur de ces héros du quotidien qui changent la donne à leur échelle dans leurs pays respectifs. J’en ai parlé à Bénédicte Bost, directrice RSE, qui a tout de suite été très enthousiaste puis j’ai proposé à Flore de faire une avant-première à l’école. Lors d’un premier visionnage avec le Comex, quelques professeurs et des étudiants présidents d’association, et après des retours très positifs, nous avons reçu le soutien d’Isabelle Huault pour avancer sur ce projet. Annabel-Mauve Bonnefous, directrice des programmes, a également soutenu l’idée que tous les nouveaux entrants voient le documentaire, et nous nous sommes vite mis à réorganiser les rentrées. S’en est suivie une organisation logistique assez folle, notamment pour la réservation de tant de salles de cinéma à Lyon, Paris et Saint-Étienne. Mais il nous semblait vraiment  intéressant de proposer ce visionnage aux nouveaux étudiants dès la rentrée afin de leur présenter un postulat moral fort de l’école pour pouvoir ensuite, tout au long de l’année, leur proposer des cours et activités en lien avec les messages du film. 

Quelle importance devrait avoir le militantisme dans la vie d’un jeune ?

Il n’y a pas de règles en ce domaine, surtout pas de « il faut ». Je ne pense pas qu’il faille être dogmatique ou contraignant et ne surtout pas créer de sentiment de culpabilité chez les jeunes qui ne ressentent pas le besoin de s’engager. C’est une démarche très personnelle. À chacun de trouver le bon rythme, et son équilibre. Il faut bien différencier le militantisme de l’activisme : là où le militantisme peut atteindre une forme de radicalité dont je me méfie, l’activisme, que je préfère, fait référence à un individu, un “change maker” qui s’interroge et s’implique dans son environnement. Aussi, l’idée toute simple est d’encourager chaque étudiant, à son petit niveau et dans son espace, à donner un peu d’attention aux autres et de partager certaines valeurs. Beaucoup d’étudiants aimeraient s’engager mais ne savent pas comment. L’idée est de leur donner des clés, des outils, en lien notamment avec le programme d’Engagement Responsable de l’école.  Car demain, ce sont eux qui vont changer le monde et diriger ses entreprises : à nous de les sensibiliser aux bonnes choses au moment où ils sont en formation chez nous. 

Avez-vous déjà eu vent d’actions entreprises par les jeunes d’emlyon suite au visionnage du documentaire ?

Nous avons travaillé avec l’équipe de Christine di Domenico du Programme d’Engagement Responsable, pour que le 14 septembre dernier, lors du Forum des associations, soient présentes certaines associations partenaires du film dans lesquelles les étudiants peuvent s’impliquer.  Peut-être verrons-nous aussi naître cette année, un Maker’s Project en lien avec une des problématiques du film ? Le site du film biggerthanus.film est extrêmement bien fait et donne des liens pour s’engager dans des actions concrètes pour qui est intéressé. 

L’avis de Victoire Pouret 

“Il est incroyable de voir comme le peuple, dès qu’il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de sa liberté qu’il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir” écrit en 2013 Flore Vasseur dans le thriller politique En Bande Organisée. Elle signe cette année un documentaire qui a tout d’un réveil : vivifiant et exaltant pour certains, violent et cruel pour d’autres, à en croire les témoignages des étudiants. Une chose est sûre, ce rappel à la vie et à la liberté martelé par sept jeunes activistes aura su donner un coup de pied salvateur dans la fourmilière endormie : de quoi aborder l’année du bon pied.

Au-delà de souligner la grande qualité de ce documentaire poétique, bande-son aérienne et éloquence de ses activistes obligent, et le charisme cinématographique de Melati Wijsen, personnage principal et référent sécurisant de ce pèlerinage d’une heure et demie, j’aimerais applaudir le choix judicieux et logique, puisqu’il s’agissait pour Flore Vasseur de prouver à son fils d’alors sept ans, que n’importe qui peut agir pour sauver notre planète, d’un casting adolescent, à la maturité pourtant saisissante.

En plus d’engager chez l’étudiant d’une vingtaine d’années le processus d’identification dès les premières scènes du film, nécessaire pour toute prise d’action ultérieure à son visionnage, ces enfants de Timpelbach, que l’on croirait livrés à eux-mêmes dans un monde où les adultes ne tiennent plus que le second rôle, semblent confier aux jeunes spectateurs la responsabilité de la protection d’un monde que nous dirigerons bientôt, mais que nous habitons déjà.

Seulement, ainsi mis en lumière un par un, ces jeunes m’ont d’abord trop impressionnée. Tandis que leurs portraits se succèdent, et avec eux leurs victoires respectives, ils me paraissent être moins la norme que l’exception. Quelle importance pourrais-je avoir, quelle différence pourrais-je faire, moi qui n’ai jamais été personnellement affectée par la violence et la misère ? À la tombée du rideau, le Malawi comme le Liban me paraissent si loin, et la montagne de misérables gilets de sauvetage de migrants si haute, et les causes à défendre si nombreuses, et le combat tellement plus grand que moi que je ne peux m’empêcher de ressentir un abattement certain, voire un désespoir devant tout le travail qu’il me reste à accomplir.

Oui mais voilà, ce documentaire n’est pas intitulé Bigger Than Me. Et le pressentiment, sinon la certitude que je peux, à mon échelle, avoir un impact conséquent, ne naît que lorsque je comprends que derrière chaque Memory Banda, Mary Finn ou Xiuhtezcatl Martinez se cache une famille, une communauté, un village. Il n’y aurait donc plus qu’à se demander, ensemble : par où commencer ?