Alice Clech, responsable marketing et communication chez CNIM Air Space est la preuve que l’on peut travailler dans la Défense sans être ingénieur, militaire, ou encore politicien. Le secteur d’Elon Musk a encore de belles années devant lui, et tous les talents sont les bienvenus : de la finance à la supply chain, en passant par les ressources humaines et la gestion de projet. Aujourd’hui, décollage avec une alumni qui a des étoiles plein les yeux, et qui pourrait bien nous en donner à son tour.
Interview menée par William Andrivon, rédacteur pour le M
William : Bonjour Alice. Pourriez-vous vous présenter rapidement, ainsi que votre parcours ?
Alice : Bonjour, je m’appelle Alice Clech, j’ai 31 ans, et je suis responsable marketing/communication chez CNIM Air Space, filiale du groupe CNIM. Après deux ans de classes préparatoires, je suis entré à emlyon business school en 2010, et je me suis spécialisée en marketing dès la deuxième année.
W : Vous travaillez actuellement chez CNIM Air Space, pouvez-vous nous en dire plus sur cette entreprise ?
Tout commence avec l’entreprise AirStar, basée à Grenoble. C’est là que j’ai commencé, juste après ma diplomation. Cette entreprise était spécialisée dans les ballons éclairants pour l’événementiel, le cinéma, la sécurité, ou encore le BTP. Désirant se diversifier, l’entreprise Air Space a racheté la division Espace de Zodiac Nautic, spécialisée en bateaux pneumatiques, pour créer Air Star Aerospace. Finalement, en 2019, cette dernière est rachetée par CNIM, et CNIM Air Space voit le jour à Toulouse.
W : Votre parcours est assez riche, vous êtes passé par le monde de l’édition, puis par celui du tourisme, chez Thomas Cook. Qu’est-ce qui vous a amené à travailler dans le secteur de la Défense ?
C’est vrai que j’ai un parcours assez riche et diversifié. Après ma diplomation, Thomas Cook, entreprise au sein de laquelle j’avais réalisé mon dernier stage, n’embauchait pas. Appréciant le secteur du tourisme, j’ai donc cherché une autre entreprise, mais je me suis rendu compte que peu d’opportunités s’offraient à moi, le secteur devenant, de plus, très compétitif. Concernant ma vie personnelle, après avoir beaucoup voyagé lors de mes études (Australie, Paris, Norvège, campus de Shanghai), j’ai décidé de me poser et de rechercher une entreprise basée à Toulouse, avec un excellent cadre de vie et proche de ma famille. Le secteur de la défense, tout comme l’entreprise (ndlr : CNIM Air Space), m’a tout de suite séduite, et j’y travaille depuis presque quatre ans maintenant.
W : Quelles sont les particularités du métier de marketeur/communicant dans une entreprise comme la vôtre ? Quelles sont vos missions ?
En tant que responsable marketing et communication, je ne suis pas seule et je suis accompagnée par toute une équipe. Mes missions sont assez diverses, allant du marketing stratégique (analyse du marché, analyse de la concurrence, définition du positionnement et de l’offre), au marketing opérationnel (création de contenu, rédaction des brochures), et à la communication (notoriété de la marque, relations avec la presse, réseaux sociaux, organisation d’événements), ce qui est assez classique. La seule particularité tient au fait que l’on s’adresse aux professionnels du secteur de la sécurité, de la défense, et du spatial, et non à des particuliers, et je dois ainsi maîtriser le langage et les codes de ce secteur, qui sont assez techniques.
W : Votre entreprise produit des ballons stratosphériques, des protections thermiques de satellites, des ballons captifs, ou encore des dirigeables. A quoi servent ces innovations ?
Le ballon stratosphérique est une technologie assez ancienne (1971 pour la France) permettant principalement de faire avancer la recherche scientifique. Nos principaux clients sont des agences spatiales, comme le CNES (le Centre National d’Etudes Spatiales), qui ajoutent à nos ballons des charges utiles, comme des capteurs permettant de réaliser des études environnementales, ou même des télescopes. Ces ballons sont lancés depuis une base de lancement, comme les satellites, et sont opérationnels à partir de 18 km d’altitude. Ils sont utilisés en astronomie, en astrophysique ou encore pour des études environnementales. Par exemple, le CNES les a déjà utilisés afin d’étudier les trous dans la couche d’ozone. Cette solution est très intéressante car le lancement coûte moins cher que celui d’un satellite, et les ballons peuvent rester plus de 4 mois dans les airs, ce qui est assez long.
Le ballon captif, lui, permet la surveillance, mais aussi la télécommunication. Les ballons captifs sont entre autres déployés sur des terrains d’opérations afin de surveiller une région ou une base militaire. La France en utilise, mais les Américains encore plus, comme c’est le cas en Irak ou en Afghanistan, pour protéger leurs hommes. Ces ballons permettent également la surveillance d’espaces maritimes, de frontières, ou d’événements. Ils peuvent même aider à rétablir la communication suite à une catastrophe naturelle, comme le réseau internet, ou le réseau mobile.
Les protections thermiques, elles, protègent les satellites contre les températures extrêmes de l’espace entre -220°c et 180°c, et sont composées de différentes couches de matériaux. Elles sont très différentes des ballons que nous produisons et représentent un pôle à part.
W : Vous faites partie du secteur privé, mais avez-vous des relations ou des partenariats avec le secteur public, comme le Ministère de l’Intérieur, l’Union Européenne, l’ASE ?
Nous travaillons et fournissons les grands donneurs d’ordres du secteur (Thalès ou Airbus par exemple), qui eux travaillent directement avec le Ministère des Armées français. Nous travaillons également avec le CNES, qui est à la fois un de nos clients, mais aussi un de nos partenaires, et L’Etat, via ses Ministères, qui nous aide de différentes manières.
W : Travaillez-vous avec d’autres entreprises privées, dans une logique de transfert de savoir et de technologies. Faisant partie de l’Aerospace Valley, travaillez-vous par exemple avec Thalès, Safran, ou encore Airbus ?
L’Aerospace Valley est un pôle de compétitivité situé en Occitanie et en Nouvelle Aquitaine. C’est une organisation à but non lucratif, et les entreprises désirant y entrer doivent participer financièrement. Elle organise des webinars informatifs pour présenter un marché à l’export, ou une nouvelle technologie, afin d’aider les entreprises membres à trouver des financements, mais favorise également la synergie entre les entreprises de la région, que les compétences de chacunes soient similaires, ou différentes. Dès lors, nous ne travaillons pas directement en collaboration avec les entreprises, qui sont davantage des clients, mais nous allons dans la même direction grâce à l’Aerospace Valley.
W : Vos produits/innovations utilisent des technologies de pointe et de haute complexité. Qu’elles sont celles qui bouleversent votre secteur aujourd’hui et qui le bouleverseront dans les années à venir ?
Si je me concentre uniquement sur l’activité de CNIM AirSpace, je peux citer l’énergie embarquée, qui constitue aujourd’hui un énorme défi. En effet, même si les ballons que l’on produit sont peu polluants car ils peuvent décoller uniquement avec des gazs tels que l’hélium, l’énergie utilisée pour les faire avancer pourrait être plus verte et plus durable. On utilise par exemple des batteries, ce qui pose un problème de recyclage, comme pour les voitures électriques. Concernant le spatial, je peux citer comme grande innovation le tourisme spatial (Space X, Virgin Galactic, …) et le tourisme stratosphérique, qui permettront très bientôt de voyager dans l’Espace comme on prendrait l’avion. Si les entreprises parviennent à lever tous les verrous technologiques, cela pourrait bien constituer une avancée majeure pour le secteur du spatial.
W : Dernière petite question : selon vous, vivre sur Mars, c’est pour quand ?
(Rires) Si on parle de vivre dans l’espace en tant que citoyen, avec sa maison et sa famille, je pense que cela se compte en dizaines d’années, et ce n’est pas pour tout de suite. Cependant, lorsqu’on voit la vitesse à laquelle certaines entreprises grossissent et trouvent de nouvelles technologies, le futur promet d’être surprenant. De plus, de nombreux pays investissent et se lancent dans la conquête spatiale, même ceux ayant moins de moyens, comme l’Inde ou le Brésil. En septembre 2020, l’Armée de l’Air a été renommée Armée de l’Air et de l’Espace, après qu’un Commandement de l’Espace eût été créé en 2019. Autant de signes de l’évolution constante de ce secteur passionnant.