Alors qu’il se destinait au départ à rejoindre la voie la plus prisée des étudiants en finance : le M&A, Yann a finalement décidé de se diriger vers un domaine qui le motivait réellement : le Transaction Services. À la fin de ses études à emlyon, il a finalement intégré l’équipe Transaction Services de Mazars, en Immobilier & Hôtellerie, au sein de laquelle il travaille actuellement depuis un an et demi. Yann y a alors découvert un métier passionnant mais également un secteur, l’Hôtellerie, qui l’expose quotidiennement à des problématiques et missions très variées. Dans cette interview, il nous en livre les spécificités et ce qu’il en a découvert à travers son activité.
Interview réalisée par Clotilde Neau
1.Bonjour Yann, pourrais-tu commencer par te présenter ?
Bonjour, je m’appelle Yann Lunven et je suis un ancien d’emlyon. Je suis rentré en septembre 2017 en post-AST, en ayant déjà pour objectif de travailler dans la finance plus tard. J’ai terminé mon cursus à emlyon depuis 2 ans maintenant. Après ma sortie de l’école, j’ai effectué mon stage de fin d’études chez Mazars, dans les équipes de de Transaction Services (TS) en Immobilier et Hôtellerie. À la suite de mon stage de 6 mois, j’ai alors été embauché en CDI en tant qu’analyste, poste que j’occupe actuellement depuis un an et demi.
2. Pourrais-tu revenir sur tes expériences passées ? Qu’est-ce qui t’a finalement donné envie de te diriger vers le Transaction Services ?
Il est vrai qu’au départ, je ne me prédestinais pas du tout à travailler en Transaction Services. En effet, quand je suis rentré à emlyon, mon projet professionnel était avant tout de me diriger vers le M&A, comme des centaines de personnes ici ! Néanmoins, une fois arrivé à emlyon, j’en ai beaucoup parlé autour de moi et je me suis alors remis en question. J’ai pris conscience que je n’étais pas profondément motivé pour ce métier. Ainsi, je n’ai même pas cherché à postuler en stage en M&A. Avant d’entrer à emlyon, j’avais seulement réalisé un stage de 2 mois en contrôle de gestion dans une filiale de la poste. J’ai finalement effectué mon premier stage de césure en audit chez Deloitte à Lyon. Contrairement à beaucoup de personnes, j’ai vraiment aimé mon stage en audit. Tout en étant en Big Four, j’étais au sein d’une équipe relativement petite et assez jeune donc l’ambiance était très conviviale, ce qui m’a beaucoup plu.
Le Transaction Services s’est ensuite inscrit naturellement dans la continuité de l’audit. Tout d’abord, j’ai retrouvé chez Mazars le même style d’entreprise que Deloitte avec une dynamique très jeune (la moyenne d’âge est de 29 ans) et un véritable esprit de promo qui est réellement dans la suite de l’école de commerce. En outre, il s’agissait d’un métier qui m’intéressait beaucoup car on joue réellement un rôle stratégique lorsque l’on intervient sur des deals. Le salaire est également très compétitif, y compris en tant que stagiaire. Par conséquent, le TS était un métier qui m’attirait même si, comme la plupart d’entre nous, je n’en n’avais à l’époque qu’une idée assez vague.
3.Quel est ton quotidien en tant qu’Analyste en Transaction Services chez Mazars en Immobilier et Hôtellerie ?
Premièrement, je voudrais revenir sur un point. On entend souvent, à tort, que le TS est un peu le M&A exercé en Big Four. En fait, le M&A et le TS présentent des tâches qui n’ont absolument rien à voir les unes avec les autres. Pour être assez honnête, le M&A possède une approche très commerciale des deals, avec le démarchage des cibles potentielles à racheter par exemple, alors que le TS est concentré avant tout sur la partie financière du deal dont il va réaliser une part significative.
En ce qui concerne les horaires, il faut savoir qu’ils sont très variables en TS, en tout cas chez Mazars. Habituellement, je termine mes journées entre 19h00 et 20h30. Toutefois, le TS fonctionne beaucoup selon les deals et les missions que l’on a. Par exemple, j’ai travaillé en septembre-octobre sur un deal assez important donc pendant 2 semaines je finissais entre 22h et 1h du matin. À côté de cela, j’ai connu des semaines plus creuses où j’intervenais plutôt pour venir en aide à certains de mes collègues et je finissais alors entre 17h30 et 19h.
Les missions que j’effectue au quotidien sont de 3 types, dont une qui est réellement spécifique au TS en Hôtellerie.
Tout d’abord, les missions que j’exerce le plus souvent sont les Due Diligence. Si l’on se replace dans le contexte d’une transaction, cette mission peut se faire aussi bien à l’achat que lors de la vente d’un hôtel. Par exemple, lorsqu’un groupe hôtelier comme Accor souhaite racheter des hôtels, il embauche premièrement un cabinet de M&A qui s’occupe alors de trouver quelques cibles d’hôtels à racheter, grâce à des outils de screening et des modèles très puissants. Une fois les cibles trouvées, le cabinet de M&A établit les premiers contacts avec les cibles visées. Si ces dernières acceptent d’être rachetées, le cabinet de TS intervient ensuite pour réaliser l’analyse financière de ces hôtels, ainsi que du groupe hôtelier qui souhaite procéder au rachat. Les équipes de TS font alors une analyse financière très poussée des états des entreprises, avec un accent mis en particulier sur l’étude de certains agrégats tels que l’EBITDA et la dette, afin d’aboutir au calcul de l’EBITDA normatif et de la dette nette. Cela consiste à enlever tous les éléments financiers non récurrents dans les comptes, pour qu’ils ne soient pas pris en considération dans la Valeur d’Entreprise qui déterminera ensuite le prix d’achat ou de vente. Par exemple, si un hôtel effectue des travaux sur ses toits depuis 2 ans, cela lui coûte beaucoup d’argent et va donc peser un poids important dans ses comptes. Néanmoins, on peut considérer qu’il s’agit d’une charge non récurrente car l’hôtel ne va pas refaire son toit tous les 2 ans. Ainsi, l’équipe de TS supprime une partie de ces charges des états financiers de l’hôtel. Nous réalisons donc une bonne partie de l’analyse financière de la transaction, à l’issue de laquelle nous rendons un rapport appelé Due Diligence dans lequel nous ne donnons par ailleurs jamais notre avis sur le potentiel de la transaction.
Ensuite, nous effectuons un second type de missions qui sont réellement spécifiques au TS en Hôtellerie et qui se rapprochent en fait davantage de missions de Conseil. Il s’agit des études de faisabilité. En général, un groupe hôtelier assez haut de gamme nous contacte car il a un projet d’implantation d’un hôtel quelque part avec parfois une offre spéciale pour l’hôtel (exemple : implantation d’un hôtel dont le thème est « retour à la nature »), ainsi qu’un certain nombre de contraintes (exemple : être à maximum 2h de transport de Paris). Notre but est de réaliser l’analyse du marché hôtelier en étudiant les offres similaires existantes, celles qui sont dans la même catégorie (haut de gamme ici), les tarifs pratiqués, les emplacements à privilégier, les activités à proximité ou encore les must-have dont l’hôtel doit disposer. Nous nous posons ainsi un certain nombre de questions pour répondre au mieux à la demande du client. Dans ce type de mission, la partie financière reste assez faible et se limite à la modélisation du business plan de l’hôtel. À la fin de toutes les recherches, notre objectif est de rendre un avis sur le projet, contrairement aux missions de TS classiques qui doivent respecter la neutralité (cf : Due Diligence). Nous rendons alors un rapport avec nos conclusions et des échanges ont finalement lieu avec le client. Néanmoins, depuis la crise sanitaire, ces missions sont de plus en plus rares, voire inexistantes.
Finalement, nous pouvons distinguer un troisième type de tâches, qui ne sont pas vraiment des missions de TS en général. Il s’agit notamment d’élaborations de business plans. Par exemple, lorsqu’un hôtel souhaite se relancer, changer d’image ou encore améliorer certaines choses en faisant des rénovations, notre but est de mesurer quel va en être l’impact financier afin de décider in fine si ce projet est réellement utile ou non. Au sein de cette mission, les analystes rentrent réellement dans la construction du modèle financier et à la différence des études de faisabilité, aucune réflexion n’est faite autour du concept de l’hôtel. La mission est ici de s’appuyer uniquement sur les données actuelles et celles passées, afin d’élaborer le business plan qui permettra ensuite de mesurer le potentiel de l’hôtel.
Par conséquent, les missions de TS en Hôtellerie sont assez variables. Elles peuvent se dérouler sur des périodes de 2 à 3 semaines pour les plus petites d’entre elles et peuvent aller jusqu’à plusieurs mois pour les plus conséquentes. Nous travaillons généralement sur une seule mission à la fois, afin de bien avoir en tête tous les comptes des entreprises sur lesquelles nous nous penchons.
4.Parmi les différents secteurs au sein desquels il est possible de travailler en finance, pourquoi t’être orienté vers le secteur de l’Hôtellerie en particulier ?
En fait, je suis arrivé dans le secteur de l’Hôtellerie complètement par hasard. Même en entretien, j’avais été très honnête et je leur avais dit franchement que je ne connaissais pas grand-chose à ce domaine. Cela n’a pas été un problème du tout car ils m’ont dit que j’allais justement pouvoir le découvrir en travaillant. C’est ce qu’il s’est d’ailleurs passé pour la plupart des membres de mon équipe. Ainsi, je n’avais pas particulièrement d’atomes crochus pour ce secteur avant de le découvrir. Ce qui me plaisait avant tout était le fait que l’équipe TS en Immobilier & Hôtellerie de Mazars évolue aussi avec l’équipe de TS classique. Nous sommes tous au même étage et il m’arrive régulièrement de faire des missions de TS classique. En outre, tout en étant intégrés à l’autre équipe, nous conservons la convivialité d’une petite équipe en TS Immobilier & Hôtellerie. Nous ne sommes que 8, comparé au TS classique où ils sont 60, et nous avons une excellente ambiance au sein de notre équipe majoritairement féminine, ce qui est d’ailleurs assez rare. À la fin de mon stage de fin d’études, j’aurais pu demander à passer en TS classique mais j’ai choisi de rester dans mon équipe car je m’y sentais très bien. Nous bénéficions de plus de flexibilité pour nous organiser (congés, jours de présence au bureau) et il est en outre plus facile de communiquer entre nous, ce qui est particulièrement appréciable.
5.Pourrais-tu nous dire quelles sont les spécificités de ce secteur par rapport à ton travail en Transaction Services ?
Les spécificités sont nombreuses car il s’agit d’un secteur qui est très particulier.
Premièrement, dans la mission de Due Diligence, nous faisons toujours une petite partie au début qui s’appelle la revue de contrats. Cette étape est réellement primordiale en Hôtellerie, particulièrement pour la revue du bail.
Deuxièmement, la structure de coûts et de revenus est très spécifique à ce secteur. Par exemple, les hôtels combinent souvent la partie restauration et hébergement donc cela doit être pris en compte lorsque nous analysons notamment le chiffre d’affaires. Pour un hôtel, nous retrouvons donc à la fois la consommation hôtelière mais aussi la consommation du restaurant et la consommation du bar. Ainsi, le secteur de l’Hôtellerie impose une granularité des revenus et des charges très spécifique qui transparaît dans les comptes et influence la manière dont nous les analysons ensuite.
Finalement, pour réaliser des analyses dans le secteur de l’Hôtellerie, nous nous basons sur des critères financiers et KPIs très spécifiques que l’on ne retrouve nulle part ailleurs, à l’instar du RevPAR (le revenu par chambre disponible) ou encore du revenu par client.
6. En particulier, il s’agit de l’un des secteurs les plus impactés par la crise sanitaire. Comment cela s’est-il reflété dans ton activité ?
Nous avons traversé une période l’année dernière durant laquelle nous n’avions quasiment aucune mission. Nous avions beaucoup moins de deals sur les hôtels et les études de faisabilité avaient quasiment disparu, ces dernières étant des projets trop risqués et onéreux durant cette période. Aujourd’hui, les deals sur les hôtels sont repartis à la hausse car nous assistons à beaucoup de ventes d’hôtels. Néanmoins, la fermeture des hôtels à cause de la crise sanitaire a changé la structure de notre métier en complexifiant l’analyse des comptes que nous faisons. En effet, nous devons désormais prendre en considération de nouveaux agrégats tels que les avenants Covid, les abattements de loyers ou encore les allégements Covid qui n’existaient pas avant. La comptabilité est donc bien différente maintenant. De plus, alors que lors d’une mission de Due Diligence nous avions pour habitude de nous appuyer sur les résultats historiques des hôtels, nous nous retrouvons aujourd’hui dans l’impossibilité de comparer les années 2021, 2020 et 2019 à cause des périodes creuses où l’hôtel n’a enregistré aucun revenu. C’est une situation inédite pour nous ! Aujourd’hui, le tourisme reprend peu à peu donc nous sentons que le secteur de l’Hôtellerie repart, même s’il reste encore assez sinistré à cause des nombreuses restrictions qui lui sont imposées.
7. Recommanderais-tu à des étudiants en finance de se diriger spécifiquement vers le secteur de l’hôtellerie ? Si oui, pourquoi ?
Très honnêtement, je ne vais pas dire que le secteur de l’Hôtellerie est le meilleur du monde. De nombreux secteurs sont sûrement très intéressants aussi. Néanmoins, je le recommanderais pour la diversité des missions qu’il peut offrir, par exemple, la réalisation d’études de faisabilité est une mission que l’on ne pourra retrouver nulle part ailleurs. Il s’agit donc d’un secteur plutôt original à mon sens. De plus, au sein même de chaque mission, nous sommes exposés à des problématiques très différentes qui touchent à la fois à l’aspect financier mais qui vont parfois au-delà et c’est ce que je trouve particulièrement intéressant.
8. Aurais-tu quelque chose à ajouter ? Un dernier mot à adresser aux étudiants ?
Je voudrais rassurer les étudiants en leur disant que contrairement à ce qu’ils pourraient penser ou entendre, de plus en plus d’offres de travail sont proposées et ce, notamment en finance. À titre d’exemple, Mazars a embauché 16 personnes en Junior 1 cette année donc les opportunités ne manquent pas !
En outre, je souhaiterais revenir sur une croyance qui est souvent associée au Transaction Services concernant les horaires de travail. Quand je suis rentré en TS, beaucoup de personnes m’ont dit que je m’exposais à une quantité de travail très importante, pas toujours valorisante et avec des horaires conséquents. Au contraire, je trouve que nous sommes rapidement responsabilisés en règle générale et ce, surtout au sein d’une petite équipe comme la mienne. Pour ce qui est des horaires, chez Mazars, nous ne travaillons pas tous les soirs jusqu’à 22h. Pour moi, il est primordial de conserver un équilibre entre ma vie professionnelle et personnelle, ce qui est possible en travaillant en TS. Je ne dirais pas forcément que je ferai ce métier toute ma vie mais travailler en TS permet à la fois de faire un métier très intéressant en se penchant sur des problématiques qui sont nombreuses dans le secteur de l’Hôtellerie, tout en gardant un bon équilibre de vie. Ainsi, j’encourage vraiment tout le monde à se diriger vers cette voie ! Si la partie finance peut parfois faire peur car il est vrai que l’utilisation d’Excel et de Powerpoint reste indissociable de l’activité, il faut néanmoins garder en tête que les interactions sont aussi nombreuses au sein des équipes et la part de réflexion est bel et bien présente.