Le 9 mars 2021, l’association de finance d’emlyon business school, Transaction, organisait une table ronde sur le thème de la place des femmes dans le monde de la finance. Au programme, des intervenantes de marque : Ghislaine Chevalier, Directrice Transaction Services chez PwC ; Rachel de Valicourt, Directrice Générale Ingénierie et Développement chez Primonial ; Laetitia Fabre, Directrice M&A chez Lazard ; et Cécile Levi, Head of Private Debt chez Tikehau Capital.
Le mot d’ordre de cette rencontre : la déconstruction des mythes autour des métiers de la finance et de la place qu’y prennent les femmes. L’image de ces quatre professionnelles est différente de l’idée que l’on pourrait se faire de la finance. Il s’agit alors de remettre en question les idées reçues mais aussi de s’exprimer sur ce qui est réellement important lorsqu’on parle de femmes de la finance.
Le leadership au féminin : une idée reçue ?
Nombreux sont les articles qui mettent en avant les différences fondamentales de caractère entre hommes et femmes afin de justifier des différences de leadership en entreprise. En effet, alors que les clichés de l’homme charismatique et puissant et de la femme sensible et émotive persistent, certaines études prouvent, quant à elles, que les femmes ont une vision sur le long-terme, qu’elles sont plus organisées et qu’elles prennent moins de risques, ce qui rend leur performance en tant que leader tout aussi valable voire même plus efficace sur le long-terme. Pour nos intervenantes, exerçant pourtant dans de grosses structures et à des postes variés, les différences de management ne dépendent pas du sexe, mais bien des compétences et des valeurs propres à chaque individu. Elles affirment ainsi qu’on ne peut pas limiter l’empathie à une qualité exclusivement féminine, et que les hommes comme les femmes peuvent exceller en mathématiques ou en science. Chaque individu a des spécificités pouvant être mises à profit dans les secteurs financiers.
L’importance de l’exemplarité
D’où vient alors l’écart de représentation entre hommes et femmes dans le secteur financier ? Le problème se pose en réalité dès le recrutement : les hommes sont dès le départ beaucoup plus nombreux à postuler, et sont donc majoritairement représentés par la suite. Contre toute attente, nos intervenantes insistent sur l’inexistence de disparités d’évolution, à poste et diplôme égaux. De leurs points de vue, seuls les compétences et les résultats comptent.
L’éducation vient alors comme la solution pour inverser la tendance, et pousser plus de jeunes femmes vers le secteur financier. Ses métiers sont trop souvent méconnus : rares sont celles et ceux qui rêvent de travailler dans le M&A ou dans l’audit dès leur plus jeune âge. Les écoles de commerce, mais également l’État, ont alors un rôle clé à jouer : organiser davantage de rencontres entre étudiantes et professionnelles, comme la Women’s Rights Week au sein d’emlyon ; multiplier les occasions de rencontres et d’échanges autour des parcours et carrières afin de casser les préjugés des métiers de la finance, faussement limités aux horaires impossibles, à la pression constante, au machisme, et à l’absence de vie personnelle. Et enfin, proposer plus d’opportunités dès le collège et le lycée pour permettre aux élèves de passer du temps en entreprise, ne serait-ce qu’une semaine par année scolaire, afin de se familiariser avec davantage de métiers, et d’élargir ses horizons.
Les quotas et leurs effets à double tranchant
Si la discrimination envers les femmes n’a pas été ressentie par nos intervenantes lors de leurs expériences professionnelles respectives, celle-ci est bien présente pour des milliers de femmes en France, et pas seulement dans le secteur financier. Les entreprises, poussées par les mouvements indépendants tels que « Balance Ton Porc », qui ont dénoncé le sexisme et les comportements répréhensibles au sein des institutions et des entreprises, réagissent de plus en plus à ces problématiques qui ont un impact sur les performances professionnelles et surtout sur le bien-être au travail de leurs employées.
Qu’en-est-il alors des quotas imposés par l’État ? Quels effets ont-ils réellement sur la discrimination au sein des entreprises ? La problématique sur les bienfaits des quotas réside dans le sentiment qu’ils procurent aux différentes personnes qu’ils touchent directement ou indirectement.
Si on impose aux ressources humaines de recruter 50% de femmes dans leurs effectifs, mais que ces dernières ne représentent que 25% des candidatures, l’entreprise doit-elle attendre que des femmes viennent se présenter à sa porte et leur offrir directement le poste parce qu’un quota l’oblige ? La connaissance d’une discrimination positive ne gâcherait-elle pas le plaisir qu’a une femme lorsqu’elle se voit offrir un poste pour lequel elle a durement travaillé ? Ceux pour qui les problématiques de sexisme sont superficielles n’en profiteront-ils pas pour la faire culpabiliser ? Les questions que suscitent les quotas et la discrimination positive en général sont multiples et ne trouvent pas toujours de réponse unanime.
N’est-il alors pas plus sérieux d’éduquer les collaborateurs, les managers et enfin les recruteurs sur les questions de sexisme et de biais cognitifs plutôt que de leur imposer un quota qui n’a aucune légitimité à leurs yeux ?
Une rupture intergénérationnelle
La féminisation des métiers financiers ne concerne pas uniquement les femmes, les engagements pris par les hommes sur ce sujet encouragent largement une dynamique de changement. L’évolution des mentalités des dernières décennies a foncièrement modifié l’environnement professionnel des milieux financiers. Bien que le plafond de verre soit encore une réalité dans certains cas, il est loin d’être une généralité pour celles qui veulent se faire une place : “Nous ne sommes pas des exceptions statistiques“, martèle l’une des intervenantes. Les seules et uniques limites sont celles qu’on s’impose à soi-même, d’où l’importance de l’exemplarité professionnelle, pour montrer que tout est possible.
La finance est un métier exaltant, prenant, et passionnant. Particulièrement au cœur de cette crise sanitaire, toutes et tous peuvent y trouver leur place et contribuer à “la reconstruction du monde de demain“.
Par Laure Sabot et Mathilde Mellerin, membres chez Transaction