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Vers l’écologie spatiale : une solution pour les piliers du développement durable ?

L’illustration est trompeuse. Nous ne discuterons pas ici d’un projet consistant à envoyer nos déchets terrestres dans l’espace, ni du fait que certaines personnes confondent les débris spatiaux en orbite avec les déchets humains rejetés par nos astronautes. Pour cette semaine du développement durable nous allons parlons de l’espace. Submergés d’informations, entre descriptions anxiogènes, portraits d’individus mettant leurs mains dans le cambouis en créant des start-ups à visée environnementale et sociale, politisation de l’environnement, nous en oublions que l’espace est désigné du doigt comme la réponse à une partie de nos maux. Du moins est-ce ainsi que les agences spatiales vendent leurs actions. Pourtant avec la NASA qui décide aujourd’hui d’ouvrir l’ISS (la Station Spatiale Internationale) aux touristes, il est temps de questionner la finalité de ces investissements dans l’espace sous couvert de développement durable. Outils de régulation et de surveillance des catastrophes ou encore nouvel espace d’extension de la pollution humaine ? A l’heure où le dérèglement climatique meurtrit la Terre et où l’urgence de quitter cette dernière n’est pas une solution pragmatique, la conquête spatiale est-elle vraiment une priorité ?

Commençons par résumer brièvement comment la conquête de l’espace a changé nos vies depuis les années 1960. Au cœur de nos déplacements, de nos modes de vie numérisés, de nos navigations à répétition sur Internet, de la nouvelle course à la 5G, on retrouve cette ancienne rivalité entre les Américains et les Soviétiques née de la Guerre Froide qui a conduit à la création d’outils satellitaires désormais inhérents à nos sociétés. En 1957, c’est Spoutnik, en 1961, c’est Gargarine en orbite, en 1969 c’est Neil Armstrong sur la lune, en 1975, c’est la création de l’ESA, en 1990 c’est Hubble le premier télescope spatial mis en orbite, en 1998 c’est le début de la construction de l’ISS, et enfin en 2019, l’alunissage du module d’exploration « Chang’e-4 ».

Nous connaissons tous cette définition établie dans le rapport de 1990 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, le développement durable c’est « satisfaire les besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les besoins qui seront les leurs ». Alors que la faim touchait 821 millions de personnes dans le monde en 2018, que le covid-19 menace de faim près de 50 millions de personnes en Afrique de l’Ouest, il semble peu éthique que les stations spatiales continuent leur activité. La conquête spatiale répond-elle aux objectifs de développement durable fixés par l’ONU en 2015 ?

Ce qui nous vient à l’esprit quand on parle de conquête spatiale en matière d’environnement c’est avant tout la masse importante de débris spatiaux rejetés, que ce soient les étages supérieurs de fusée ayant aidé les satellites à atteindre l’orbite souhaité et qui s’en sont détachés flottant dans l’espace ou les propulseurs, les coiffes et les premiers étages que l’on retrouve dans la partie sud de l’Océan Pacifique. Le problème malgré la multiplication de prototypes par les agences internationales pour épurer l’espace (filet, magnétisme, harpon) est plutôt d’ordre juridique : la notion de propriété sur les débris, le droit de « balayer » l’espace ; dans une zone de non-droit, il est difficile d’y appliquer des lois. L’espace, c’est aujourd’hui plus de 1600 satellites en activité, près de 34 millions d’objets supérieurs à 10cm et près de 4-5 manœuvres d’évitement par an pour l’ISS afin d’éviter des collisions – sans compter les missiles envoyés dans l’espace comme démonstration de force à l’origine de milliers de nouveaux débris – soient près de 7000 tonnes de débris. Mais attention, il ne faut pas se méprendre. La pollution spatiale n’est pas à comprendre au sens de la pollution sur Terre : il n’y a pas de destruction d’un espace fragile, un milieu naturel mettant en danger un écosystème. Ou du moins, pas directement. Le danger provient de la retombée de ces derniers et de leur lancement : pollution de l’atmosphère, utilisation massive d’eau, de carburant et d’éléments chimiques. A chaque lancement c’est un nuage composé d’alumine, d’acide chlorhydrique, mais aussi de monoxyde et de dioxyde de carbone qui est rabattu au sol par près de 1 500 mètres cubes d’eau. L’eau qui permet de refroidir les installations devient alors acide et doit aussi être épurée.

Vous connaissez peut-être le syndrome de Kessler ? L’étude menée dans les années 1970 par Donald Kessler travaillant à la NASA qui évoque la réaction en chaîne qui se produirait si jamais trop de débris spatiaux se retrouvaient en orbite, puis entrant en collision les uns les autres, produisant d’autant plus de débris… Pour le moment, il semblerait que nous soyons encore loin de la réalisation de cette théorie, mais la démocratisation de l’utilisation de très petits modèles – les CubeSats avec la taille d’un Rubik’s Cube – ainsi que les « méga-constellations » de satellites accroissent ce danger. Space X prévoit d’en lancer près de 4 400 en 5 ans avec pour but de couvrir toute la surface de la Terre, même projet pharamineux pour OneWeb (un projet de constellation visant à fournir un accès à Internet aux populations à l’horizon 2022 au moyen de satellites de télécommunication). Pourquoi n’y a-t-il pas de lois pour réguler ces lancements alors ? La France est l’un des seuls pays à avoir mis en évidence dans la loi de 2008 relative aux opérations spatiales le concept de nuisance due à des débris spatiaux qui est punissable par la loi.

Le versant positif de la conquête spatiale pour le développement durable

L’espace ou du moins les satellites sont pourtant des alliés de taille dans la lutte contre les changements climatiques et autres dérèglements causés par l’activité humaine. Selon une étude menée en 2018 par l’UNOOSA associée à l’Agence spatiale européenne pour évaluer l’impact des technologies spatiales (systèmes d’observation et de navigation par satellite) pour les objectifs du développement durable, ces dernières répondent à 65 des 169 cibles des ODD. N’oublions pas que le projet L’espace pour les femmes répond aussi à l’un des objectifs du développement durable, tout comme le Programme des Nations Unies pour l’exploitation de l’information d’origine spatiale par tous à des fins de gestion de catastrophes et pour des interventions visant à sauver des vies. Une plateforme d’échange des informations spatiales créée sous l’Initiative sur les retombées bénéfiques des technologies spatiales pour l’humanité (HSTI) a même été lancée par l’UNOOSA en 2010. Selon les dires de Jan Woerner, directeur de l’ESA au moment de l’European Space Talks 2019, les satellites fournissent 54% des données sur le changement climatique : augmentation du niveau de mer, quantité de gaz à effet de serre, surveillance des écosystèmes, protection de la faune et de la flore via des observations sur la déforestation et la désertification.

A ce regard omniscient porté sur la planète vue de l’espace, il faut coupler des actions humaines terrestres. En tant qu’individus nous pouvons toucher à plusieurs des objectifs de développement durable rien que dans notre quotidien. Prenons conscience de notre capacité d’agir. 

Pour finir, quelques gestes écologiques pour changer notre façon de consommer le numérique : 

  1. Opter pour un moteur de recherche plus écologique – moins énergivores 
  2. Opter pour Padlet et toute forme de plateforme collaborative 
  3. Faire le ménage dans sa boîte mail 
  4. Utiliser vos favoris pour accéder aux sites que vous préférez 
  5. Fermer vos onglets inactifs ! 
  6. Nettoyer fréquemment votre ordinateur 

Bon ménage !