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EM LYON BUSINESS SCHOOL EARLY MAKER CHALLENGE JOUR 1 LUNDI 3 SEPTEMBRE 2018

Rencontre avec Madame Sylvie Jean, directrice de programme grande école d’emlyon business school

Comment faire un M de rentrée sans vous présenter la directrice de votre programme ? Nous sommes allés, pour vous, à la rencontre de Madame Sylvie Jean qui nous en a dit un peu plus sur sa vision d’emlyon et ses projets au sein de notre belle école.

Bonjour Madame Jean, dans un premier temps pourriez-vous vous présenter : qui êtes-vous ? Quelles sont vos valeurs ? Quel est le parcours qui vous a conduit aujourd’hui à la direction de notre Programme Grande Ecole ?

Sylvie Jean, Directrice du PGE d’emlyon

Bonjour, je suis Sylvie Jean, directrice du programme grande école depuis le 17 août, date exacte de ma prise de fonction. La direction du PGE emlyon est un cadeau que je m’offre, une troisième étape de ma carrière. Je m’explique : je fête cette année mes 20 ans de carrières en école de commerce et je me suis dit que, pour ces 20 ans (soit l’âge des étudiants entrant à l’école), il fallait célébrer. Pour cette célébration, je cherchais à trouver une école avec un modèle proche de mes valeurs. En effet, en vieillissant on progresse dans sa carrière et, si on s’en donne la peine, il est très intéressant de chercher toujours plus de sens pour soi-même dans sa profession. Pour ma part, je suis animée de valeurs qui me sont très chères et notamment d’une, que j’avais déjà à votre âge et que j’ai toujours 20 ans après : un goût pour la liberté. Goût pour la liberté intérieure avec, bien sûr, la liberté de pensée mais j’ajouterai également la liberté de choix et d’appartenance.

Cette valeur de liberté a toujours été présente dans mon parcours professionnel. En effet, dans ma première partie de carrière à l’EDHEC où j’étais responsable du département marketing et gérais un groupe important de professeurs j’avais déjà une belle liberté d’action, avec la possibilité de donner mon avis et de m’affirmer quand je n’étais pas d’accord sur un sujet.

Ce goût pour la liberté a donc toujours été très présent dans ma vie privée comme dans ma vie professionnelle : il faut que je me sente libre ! Cela n’empêche pas l’attachement, la loyauté ou la fidélité mais je veux pouvoir dire ce que je pense, bien qu’avec le temps, j’ai appris qu’il vaut parfois mieux se taire. Je sais également m’adapter et doser en fonction de la situation mais j’ai besoin de me sentir libre dans l’essentiel de ce qui constitue mon quotidien.

J’ai donc commencé ma carrière dans une école où j’ai pu faire, apprendre et expérimenter beaucoup de choses. A la fin de ma période à l’EDHEC, je dirigeais les admissions, j’étais responsable des premières années et dirigeais un MSI en global business qui m’a permis de voyager entre Singapour, Boston et Londres une fois par an. J’avais donc de belles responsabilités mais j’avais envie d’aller exprimer ma liberté en dehors des écoles du top 5 et du duel EDHEC VS emlyon ; j’étais au cœur de ce duel en tant que directrice des admissions. Après dix-sept ans d’EDHEC, j’ai donc eu envie de m’oxygéner, de reprendre ma liberté et d’aller voir autre chose. A ce moment-là, j’ai été attirée par les “challengers” : les écoles du top dix qui, je le pressentais, voulaient et allaient faire bouger les lignes quand celles du top cinq étaient assez figées. J’ai donc eu envie d’aller goûter à cette énergie et cette liberté des challengers qui s’autorisent et osent plus, plus vite et avec, peut-être, un peu moins de contraintes. C’est ce que j’ai trouvé à NEOMA ou j’ai expérimenté une école fusionnée avec son PGE sur deux campus.

La liberté est donc, vous l’aurez compris, très importante mais ce n’est pas la seule valeur qui m’anime. Une autre valeur très importante quand on dirige un PGE et qui fait partie des miennes est le sens de la responsabilité : accompagner une ou plusieurs générations de l’école à l’employabilité est une grosse responsabilité. J’ai le sens des responsabilités et cette valeur est importante pour moi. C’est pourquoi j’ai trouvé intéressant, dès 2017, d’aller du côté des challengers et de leurs nouvelles perspectives intéressantes. Pendant trois ans, à NEOMA, j’ai dirigé le PGE sur deux campus avec toutes les difficultés que cela peut engendrer et où tout est “x2”. Ce qui est intéressant est que je ne faisais jamais les choses exactement deux fois de la même façon; d’abord par goût de la diversité mais aussi parce que j’aime faire les choses en fonction de ce que je ressens à l’instant T. J’ai donc passé trois années “puissance deux” à NEOMA. Pour utiliser une métaphore : un emploi, une école, c’est un peu comme une relation amoureuse : on peut avoir de belles histoires intenses qui durent dix-sept ans et d’autres, plus courtes, qui ne durent que trois ans mais qui sont tout aussi intenses, magnifiques et tumultueuses. Aussi, au bout de trois belles années à NEOMA j’avais le sentiment d’avoir fait le tour de cette l’histoire et j’ai donc décidé de changer. Cela dit, pour filer la métaphore, je reste assez amoureuse et nostalgique et ne cesse donc pas d’aimer une école ou une entreprise pour laquelle j’ai travaillé du jour au lendemain. Ce que j’aimais particulièrement à NEOMA, c’était les étudiants mais j’aime déjà beaucoup les “bisounours”, selon l’expression du Conseil de Corporation pour parler de leurs camarades, d’emlyon.

Tout ça pour vous dire que j’ai eu envie de revenir parmi les leaders du top cinq et que, dans la vie, il y a parfois des perches que l’on vous tend et que vous devez décider de saisir ou pas. J’ai donc réfléchi intensément mais j’ai finalement pris ce poste comme un cadeau pour mes vingt ans de carrière : je n’ai pas eu l’impression de prendre un risque, même s’il y a toujours un risque quand on change d’institution ou d’entreprise. Cela dit, l’élément bien plus essentiel dans ma décision a été que le modèle d’emlyon et de son PGE est complètement en phase avec la valeur de liberté dont je vous parlais tout à l’heure. En effet, pour que la liberté s’exprime pleinement il lui faut un cadre, et ce cadre est posé par emlyon qui accompagne ses étudiants dans leur cheminement plus ou moins rapide vers ce qu’ils veulent faire, leurs objectifs. Ce que j’aime énormément dans mon métier c’est de voir, depuis vingt ans, le moment où tel des étincelles vous vous réveillez et trouvez votre chemin, votre sens et le souffle qui va avec. J’en ai vu des étudiants déprimés de ne savoir quoi faire à la sortie de l’école qui, trois mois plus tard, après un passage dans une association, une entreprise, l’obtention d’un diplôme ou la rencontre avec un professeur, trouvent, tout d’un coup, leur voie. C’est la beauté des études : se tromper, changer de voie, et se rendre compte que la route n’est pas si tracée que ça. Cela a toujours été vrai mais aujourd’hui, dans une période où l’incertitude est plus importante encore, on ne peut que constater l’inconsistance des voies toutes tracées. Pour moi, prétendre avoir un chemin défini et en connaître les étapes c’est aller à contre-courant de l’histoire et, d’une certaine façon, ce dont l’humanité a besoin. Cela, le PGE emlyon l’a bien compris avec son parcours “à la carte”. Je n’aime pas cette expression “à la carte” car elle est galvaudée et toutes les écoles, ou presque, revendiquent aujourd’hui de faire un parcours à la carte alors que peu d’entre elles sont en capacité d’offrir un programme réellement personnalisé. À emlyon, le programme repose à la fois sur des cours électifs que les étudiants choisissent mais aussi un séquençage en cycle de deux mois avec la liberté d’alterner entre sessions de cours et expériences professionnelles significatives sans pour autant devoir passer par la traditionnelle année de césure entre le M1 et M2. En effet, il est toujours possible de faire une année de “césure” pleine et entière en entreprise mais emlyon permet surtout de combiner cours et stage le tout sur une base de cycle de deux mois. Cela dit, je n’ai jamais eu des retours aussi positifs : la satisfaction concernant les cours et ce parcours est assez exceptionnelle même s’il est toujours possible de faire mieux. Nous avons déjà, à la base, un corps professoral de très grande qualité et, surtout, recruté pour embrasser une grande diversité. En effet, emlyon n’est pas spécialisée sur un secteur, au contraire, l’école fait en sorte d’avoir une offre de cours très large, portée par un corps professoral hyper compétent et investi en pédagogie. De plus, vous jugez peut-être que tout n’est pas encore optimal, mais emlyon dispose d’un environnement digital très intéressant avec des plateformes comme makersboard qui sont certes perfectibles mais tout de même de très bonne facture par rapport à ce qu’on peut voir ailleurs.

Dans notre école, l’hybridation s’exprime pleinement ! Cette dernière ne se limite pas à proposer des doubles diplômes avec d’autres écoles, elle passe aussi par un portefeuille de cours varié nous permettant de vous laisser le choix mais aussi de couvrir une très grande diversité de sujets parfois très pointus. Ce système suscite déjà beaucoup d’intérêt et de satisfaction mais je pense que nous pouvons faire encore mieux !

Voilà donc ce qui m’a mené jusqu’ici avec sérénité et avec, déjà, l’expérience de deux modèles différents. Ce choix découle aussi de convictions et de valeurs très fortes auxquelles j’accorde une importance particulière.

Nous allions vous demander pourquoi vous aviez choisi de rejoindre emlyon en tant que directrice du PGE mais vous y avez déjà en partie répondu. Voulez-vous ajouter quelque chose par rapport à ce que vous venez de dire ?

Tout est très imbriqué. J’ai commencé à réfléchir au mois de février puis le Covid a un petit peu mis tout cela en suspens. Durant cette période particulière, toutes les écoles s’interrogeaient pour savoir que faire et comment le faire. À ce moment-là, je vous ai observé de l’extérieur et j’ai vu avec quelle efficacité l’école a réussi à passer, du jour au lendemain, 100% de ses cours en digital: je ne sais pas si vous vous rendez compte à quel point c’est impressionnant. Toutes les écoles sont passées en digital mais il y a eu celles qui l’ont crié haut et fort et celles, comme emlyon, qui l’ont fait vraiment avec une grande discrétion !

Je vous ai vus discrètement passer, d’un jour à l’autre, à un système de cours totalement en distanciel et je vous assure que, de l’extérieur, c’était très impressionnant ! En effet, pour la plupart des écoles il a fallu en moyenne trois semaines pour réussir cette adaptation aussi je trouve que nous avons une force de frappe extraordinaire.

Je n’aime pas caractériser votre génération comme une génération en quête de sens. En effet, toutes les générations ont cherché du sens ; nos sujets n’étaient peut-être pas les mêmes mais la quête de sens était présente. Aujourd’hui, je vois beaucoup d’étudiants s’engager vers les problématiques écologiques et il est vrai que vous êtes sans doute plus avancés que les générations précédentes sur ces thèmes. Il se trouve que cette année il y a une très belle convergence de valeurs et d’idées et, Isabelle Huault vous l’a dit par vidéo interposée, la dimension environnementale va désormais constituer le quatrième pilier de notre école au côté de l’hybridation, la globalisation et digitalisation. En effet, la RSE va occuper une place très importante au sein de l’école y compris au niveau administratif et nous devons communiquer sur ce nouvel aspect et montrer les possibilités et les choix de cours offerts par emlyon. Effectivement, de véritables initiatives existent dans notre école et le pilier écologique n’est pas une façade mais il correspond à une véritable réalité et une véritable volonté. À mon sens, mettre un cours de RSE obligatoire en tronc commun parce que c’est dans l’air du temps n’est pas le véritable enjeu; le véritable enjeu (et cela est aussi porté par le projet de Gerland) est de faire une démonstration concrète, un projet d’école plus global autour de ces thématiques. L’école donne l’architecture mais, et cela est très important, elle offre surtout à ses étudiants la possibilité de s’exprimer librement et d’être maître du dosage et du temps qu’ils souhaitent accorder à chaque problématique.

Aussi, il y a, et j’en suis heureuse, cette part de liberté qui m’est chère mais il y a aussi des dispositifs et des encadrements très intéressants mis en place par l’école, qu’il faudra peut-être encore remanier un peu, mais qui posent un véritable cadre. Le projet RECAPSS par exemple est un très beau projet avec des sujets divers (cette année, orientés vers les problématiques environnementales) qui permet, encore une fois, de concrétiser nos valeurs de diversité et d’hybridation. En effet, c’est un projet transdisciplinaire et social qui pose une première pierre à l’édifice. Au sujet des noms de cours et les acronymes qui font un peu jargon, nous allons travailler dessus. Ce sont des noms qui sont nés au fil de l’évolution du programme mais certains ne sont pas très parlants : quand on observe le programme, on se rend compte que nombre de cours sont supers mais que les noms qu’ils portent ne parlent pas. Le problème de ces expressions symboliques est qu’elles ne permettent pas à un étudiant extérieur à l’école, de classe préparatoire par exemple, de se rendre compte de ce que l’on fait à emlyon. Aussi avons-nous un effort à faire sur le plan sémantique sur de nombreux sujets, et nous allons devoir porter cet effort collectivement dans des groupes de travail incluant des membres du staff et des étudiants. Cela dit, mon action ne se limitera pas, bien entendu, à de l’habillage sémantique.

Je vous ai déjà parlé de ce que je trouvais très intéressant dans le programme mais je souhaiterais ajouter que j’aime beaucoup cette première année qui vous laisse le temps de vous poser. Elle n’est pas décisive et, au contraire, vous permet de vous installer dans cette nouvelle vie, cette nouvelle façon d’apprendre et d’apprendre des autres plus qu’ailleurs, je trouve. En effet, dès la première année les étudiants travaillent collectivement: sur la fresque climat mais aussi avec “we are peers”, une plateforme d’apprentissage entre pairs qui fait échs à l’apprentissage que vous avez en association. emlyon, c’est aussi une vie associative qui, selon moi, est beaucoup plus mature qu’elle ne peut être ailleurs du fait de ce décalage lié à votre première période de stage à l’international à l’issue de la première année. Aussi, comme je le disais, cette première année n’est pas décisive, elle est rythmée par des choses très différentes et très complémentaires : les fondamentaux du droit, du marketing de la finance… et c’est très important que ça se fasse au plus vite et au mieux car vous avez, très rapidement, envie d’en arriver à du concret pour découvrir d’autres choses que ce que vous avez pu faire avant. De plus, à côté de ces fondamentaux assez classiques nous avons des cours tels que RECAPSS, PCE, Designing with web et Rupture qui sont quatre piliers créés avec beaucoup d’exigences par le corps professoral d’emlyon et qui ne se retrouvent nulle part ailleurs. Ces cours demandent énormément de travail et d’investissement de la part des étudiants et je pense qu’il faut porter encore plus loin et plus haut les exigences. Finalement, la combinaison de ces cours classiques, de ces quatre piliers et de toutes les expériences vécues à l’école fonde, à mon sens, une belle singularité dont nous devrions parler de manière peut-être un peu moins “jargonnée” en trouvant des mots qui marquent les esprits et qui parlent aux étudiants de CPGE comme d’université et même à leurs parents.

De plus, le stage de six mois en fin de première année vous apporte un vrai recul sur vos apprentissages et est donc nécessaire. Six mois est une période optimale car la durée de trois mois choisie par nombre d’autres PGE est un peu trop courte pour permettre de prendre du recul et refaire le lien avec tout ce qui a été appris durant la première année d’école. En effet, les huit premiers mois d’école sont assez frontaux, une diversité incroyable d’événements et d’activités s’enchaînent tellement vite que vous n’avez pas le temps de réaliser sur le coup et, pour moi, il faut plus de trois mois pour que vous passiez réellement un cap et reveniez sur le campus prêts à prendre des responsabilités significatives dans la vie associative ou avec une idée plus nette de ce que sera votre voie. Ces six mois vous permettent donc de cheminer et de vous donner les moyens de creuser votre sillon et d’aller vers ce que vous voulez faire. En effet, les stages font souvent capoter, d’une certaine façon, vos projets : vous découvrez réellement ce que vous aimez ou pas, vous découvrez parfois, et c’est ce que je préfère voir chez mes étudiants, que vous vous êtes trompés et avez l’occasion et le droit de changer de voie, de vous révéler. Moi-même je me suis trompée plus d’une fois durant les vingt dernières années en essayant une chose et puis l’autre et changeant de direction. Et je pense que ce sont ces hésitations et corrections qui feront de vous des futurs décideurs ou managers.

Quels sont les changements que vous envisagez de mener au sein du PGE ?

J’aimerais apporter plus de sens et de relief à la signature “early makers” afin qu’elle soit plus claire et compréhensible et apporter plus de structure dans le programme : laisser une liberté totale de choix pour ceux qui le souhaitent et proposer, en complément, d’autres choses un peu plus fléchées. L’idée est de décider de deux à trois grands principes pour notre programme et de les décliner à travers une première année non décisive et ensuite, un cycle master pour lequel il va falloir mieux visualiser ce qui est possible. Surtout sur des sujets clés comme l’entrepreneuriat ou le conseil où il faut que nos étudiants aient une vision plus claire de ce qui est proposé, mais aussi en proposant des certifications professionnelles comme le DSCG. L’idée est donc d’élargir l’offre en conservant l’élément essentiel de notre PGE qu’est la possibilité de pouvoir prendre le temps de trouver ce que vous avez envie de faire. Aussi, vous aurez toujours le temps de vous décider et, une fois votre décision prise, nous vous proposerons des dispositifs pour vous préparer à diverses certifications (en finance, analyse financière, gestion de risque …). Je souhaite donc ajouter des choses peut-être un peu plus conventionnelles mais qui ont la vertu de rassurer les étudiants qui, tout en venant chercher un état d’esprit early maker, ont besoin d’être rassurés par ses possibilités. Cela permettra de poser des jalons et de rassurer les étudiants souhaitant rejoindre notre école. Bref, il faut redonner une lecture plus claire des possibilités offertes par notre programme en tant que tel et en complétant, autour, par des parcours d’excellence avec des prérequis plus forts et une valeur ajoutée à la sortie inhérente à ce type de parcours. Il faut donc trouver un équilibre en explicitant mieux la valeur ajoutée du PGE dans sa globalité et les sujets prioritaires propres à l’école et au monde professionnel.

Vous nous avez parlé de votre vision d’emlyon en période de Covid avant que vous ne rejoigniez le programme mais, plus globalement, comment perceviez-vous emlyon d’un point de vue extérieur ?

Il se trouve que je suis ce qui se fait à emlyon depuis plusieurs années déjà et que j’ai donc une période d’observation très large d’une dizaine d’années. En effet, j’ai commencé à exercer le métier de responsable des premières années et à aller dans les classes préparatoires dès 2010. Entre 2010 et 2015, emlyon était l’école intouchable. En effet, tout ce qui a été fait dans le cadre de l’entrepreneuriat sur cette période était exceptionnel ! Je regardais cela de l’extérieur, émerveillée par ses entrepreneurs et son corps professoral d’une grande diversité avec une belle représentativité de disciplines et des figures célèbres telle Gilles Marion. Il y avait donc à la fois un corps professoral très riche et de grande qualité et, en même temps, ce sujet de l’entrepreneuriat où on assistait à des démonstrations assez incroyables. emlyon impressionnait donc énormément de par les points que j’évoquais ci-dessus mais aussi de par ses autres atouts comme sa localisation à Lyon ou encore sa globalisation puisque emlyon a été une des premières écoles à ouvrir un campus à l’étranger à Shanghai. Ensuite, à partir de 2015, emlyon a choisi de nouvelles orientations qui n’étaient pas complètement en rupture car l’entrepreneuriat reste, à mon sens, le fil conducteur (d’où la devise early makers). Cette nouvelle signature a apporté, en plus de l’hybridation qui existait déjà, toute la partie digitale. Early makers a marqué un véritable tournant dans la communication d’emlyon au moment où émergeait des acteurs comme Major Prépa qui venaient questionner les écoles sur ces sujets et les incitaient à communiquer davantage et différemment. En effet, emlyon était une école discrète, qui ne faisait pas beaucoup de communication et “early makers” est venu secouer cette discrétion. Sur le coup, j’ai trouvé cela très intéressant, tout en ne comprenant pas complètement les tenant et les aboutissants de cette nouvelle stratégie rupturiste.

L’héritage est là et nous devons maintenant nous en saisir et rassurer nos étudiants et diplômés. Les recruteurs reconnaissent toujours la valeur du diplôme emlyon, preuve s’il en fallait une que la formation qui est dispensée est la bonne même si elle ne rassure pas tout le monde pour l’instant ! De plus, le niveau d’employabilité à la sortie de notre école est exceptionnel et robuste même, et surtout, durant les crises qu’elle peut traverser. Une autre des forces d’emlyon est ses étudiants qui aiment leur école. Ce n’est pas forcément rare mais ce n’est pas toujours gagné. Dans certaines écoles qui se portent bien et sont par ailleurs bien vues de l’extérieur, il arrive de faire face, à l’intérieur, à des étudiants qui préfèrent d’autres choses, comme leur association plutôt que leur école. Mais quand on a affaire à des étudiants qui aiment leur école comme vous l’avez démontré au mois de juillet avec votre pétition, mais aussi et surtout pendant toute la période d’admissibilité avec des étudiants sur le pont nuit et jour en train de défendre et de vanter leur école, candidat par candidat, c’est exceptionnel ! À cette époque j’observais encore de l’extérieur mais je me disais qu’il y avait peut-être une tempête à traverser mais que l’essentiel était là : l’employabilité, les étudiants qui aiment leur école, les diplômés qui jouent à fond le jeu du réseau et de la marque. Les atouts sont donc là, early makers ouvre aujourd’hui un chapitre nouveau avec une nouvelle énergie portée par les nouvelles figures de direction.

Vous nous avez donc dit comment vous perceviez emlyon depuis l’extérieur, donc nous imaginons qu’à votre arrivée vous aviez déjà des objectifs et ambitions par rapport au programme. Depuis que vous nous avez rejointe, cette vision ou ces objectifs ont-ils changé ?

Non parce que j’ai retrouvé ce que j’avais observé depuis des années. La force de frappe qu’est le corps professoral est présente et si importante que nous recrutons cette année dix-sept professeurs, ce qui est énorme en pleine crise. Donc je constate que ce que j’observais depuis dix ans était exact, les atouts d’il y a dix ans sont toujours là et de nouvelles choses se sont ajoutées depuis mais l’entrepreneuriat reste une force d’emlyon avec le dispositif incubateur. Alors peut-être faut-il en parler différemment et faire de cette spécificité quelque chose d’encore plus fort mais nous verrons cela.

Aussi, jusqu’ici je n’ai pas eu d’énormes surprises si ce n’est dans le registre émotionnel. J’ai eu un séminaire de direction et je trouve qu’il y a un attachement à cette école qui est très très puissant de la part des étudiants, on en parlait à l’instant, mais aussi de la part du staff. En effet, alors que ces derniers viennent de passer des mois et des mois pris entre la crise sanitaire et les problèmes de gouvernance, j’ai trouvé exceptionnel de les retrouver aussi soudés et aussi engagés pour leur école. Finalement, cette surprise vient confirmer tout ce que j’ai pu observer par ailleurs; je pense que tout cela ne vient pas par hasard mais se construit dans le temps, en passant des épreuves, en réussissant des choses et en se relevant. Enfin, cerise sur le gâteau : avoir à la tête de l’école une diplômée d’emlyon avec un parcours académique incroyable. Je pense que vous avez vraiment beaucoup de chance! Alors, peut-être a-t-il fallu passer par tout un tas de péripéties pour en arriver là mais en six mois l’école a réussi à opérer un revirement de situation qui témoigne d’une robustesse incroyable, exceptionnelle : nous avons recruté, les objectifs fixés ont été atteints et nous avons une nouvelle équipe et cela est très encourageant. De plus, je pense que, pour vous, cela va être très intéressant de vivre ce passage. Je suis prête à parier que, quand vous irez travailler en entreprise ou que vous créerez la vôtre, vous passerez par des moments chaotiques où vous serez un peu malmenés, mais vous verrez en cela l’opportunité d’apprécier la robustesse et la fiabilité de votre entreprise.

Vous nous avez présenté énormément de points positifs que vous voyez à emlyon. Mais nous aimerions savoir quels sont, selon vous, les principaux défis que vous devrez relever en tant que directrice de notre programme. Plus globalement, quels sont les principaux enjeux pour le PGE d’emlyon aujourd’hui selon vous ?

Il y a des choses à corriger mais je veux que la sélectivité et l’excellence académique d’emlyon ne soient plus remises en question. C’est ma priorité, rétablir la vérité et corriger les éléments utilisés pour remettre en question ces deux aspects fondamentaux. Je remettrai les exigences là où il faut, pour ça vous pouvez compter sur moi ! J’ai rencontré les coordinateurs de chaque discipline et nous nous sommes mis d’accord pour récompenser ceux qui se sont donné les moyens d’être les meilleurs, sans pour autant priver de cours les étudiants qui auraient pu se laisser un peu aller à un moment donné. Cela me paraît être le b.a.-ba salutaire de toute école qui fait de l’excellence académique sa colonne vertébrale. Pour moi, l’excellence académique est tellement évidente que je suis chagrinée d’entendre qu’à emlyon on ne travaillerait pas assez. En effet, un étudiant investi a du travail et la construction du parcours en cycle de deux mois vous permet de ne rien sacrifier en pouvant vous axer plus sur les cours ou sur d’autres projets selon la période. Réussir à emlyon c’est donc aussi se responsabiliser et s’en donner la peine.

Un autre aspect très important est l’apprentissage, et plus globalement tous les dispositifs que l’école peut déployer pour vous aider sur le plan financier. Cette année nous allons opérer une importante montée en puissance dans ce domaine notamment avec l’ouverture de soixante places en apprentissage. L’idée est qu’il y en ait encore plus avec pour objectif de doubler voire tripler les effectifs. Je pense que développer l’apprentissage sur votre dernière année à l’école peut être une formule intéressante. En effet, je pense qu’il est intéressant de pouvoir financer sa dernière année. A ce moment-là vous avez déjà eu des expériences professionnelles qui vous ont permis de gagner un peu votre vie ou, au moins, d’amortir votre loyer en percevant des indemnités de stage et c’est déjà une façon de vous aider mais il faut, par ailleurs, un dispositif de bourses au mérite beaucoup plus important.

Vous faites partie d’une toute nouvelle équipe de direction composée d’Isabelle Huault, Annabel-Mauve Bonnefous et vous-même. Que pensez-vous de cette nouvelle équipe ?

Je pense que nous sommes toutes les trois dans une très belle convergence de valeurs et une complémentarité de parcours et de personnalités. J’ai choisi emlyon car je voulais aller vers une école qui correspondait le plus possible à mes valeurs et je pense que nous sommes, toutes trois, animées des mêmes valeurs qui nous tiennent à cœur. Aussi, cela ne peut que déboucher sur l’instauration de mesures très concrètes, très rapidement. Pour vous donner un exemple, le Conseil de Corporation nous a sollicités sur les questions de la valorisation de la vie associative; nous sommes déjà en train de travailler sur le sujet avec Lionel Sitz et Isabelle Huault et je pense que, d’ici deux semaines, nous serons en mesure de valoriser concrètement, par des crédits ECTS, cette expérience associative. En effet, quand les énergies sont alignées et qu’elles convergent vers des valeurs communes et très fortes, cela ne peut augurer que du positif.

De plus, sont arrivées à la tête d’emlyon trois personnes, trois histoires et trois personnalités après une période difficile. Aussi, l’essentiel à retenir, au-delà des trois personnes qui arrivent, est que l’école a su trouver les ressorts pour nous convaincre de venir toutes les trois. Pour ma part, j’ai signé mon contrat sans connaître ni mon N+1 ni mon N+2 mais cela me correspond : je travaille dans la confiance. C’est aussi cette confiance que je suis venu chercher à emlyon et je ne suis pas déçue ! Vous constatez ici toute l’expérience et l’expertise de Tugrul Atamer qui a orchestré cette reprise. Je pense pouvoir dire, aujourd’hui, que l’avenir d’emlyon s’éclaircit. Il reste beaucoup de travail mais cela va être passionnant grâce à la convergence que j’évoquais tout à l’heure.

Nous vous remercions d’avoir pris le temps de nous répondre.

C’est toujours un plaisir pour moi que de discuter avec mes étudiants, interview ou pas d’ailleurs. Et je vous accorderai toujours du temps parce que je suis comme ça et c’est aussi ce qui m’a poussé à chercher un cadre de vie où je ne dois pas toujours courir après le temps ou vivre entre deux trains. En effet, je pense que l’essentiel dans une école se passe en dehors des amphithéâtres, dans des conversations organisées ou à brûle-pourpoint. J’attache beaucoup d’importance à l’échange parce que je reçois énormément de vous ! Nous avons une chance extraordinaire dans ce métier et c’est de rajeunir au contact de nos étudiants : chaque année à la rentrée nous nous rappelons de nos vingt ans, on voit nos étudiants débarquer et c’est magnifique, nous avons une chance incroyable ! Aussi, pour faire vivre et être à la hauteur de cette chance, ce que j’aime c’est de vous donner de mon temps, de mon expérience. On peut ne pas être d’accord mais nous serons dans cette convivialité.

Par Camille Levert et Messaoud Ould-Hocine