Après un premier article sur la finance de marché, penchons-nous maintenant sur la finance d’entreprise. Pour cela, je suis partie à la rencontre de Myriam Lyagoubi, coordinatrice des électifs « finance » et professeur en Corporate Finance à emlyon, Alexander Groh, enseignant en finance entrepreneuriale à emlyon et Claire Ciampi, enseignante en contrôle de gestion avec une orientation SI à emlyon.
À quoi sert la finance d’entreprise ? Au même titre qu’une petite librairie de quartier se pose des questions sur une possible extension de son activité en investissant dans un coin café et thé pour attirer de la clientèle face à ses concurrents, les grandes entreprises comme Airbus doivent aussi s’interroger sur de tels investissements : investir ou non dans la construction de nouveaux avions de ligne haut de gamme pour 200 passagers par exemple. Quel sera le retour sur investissement du produit ou du projet ? Vaudra-t-il la peine de l’investissement et de l’énergie déployés pour son lancement ? Quels moyens de financement choisir à ce moment-là ? Pour la petite entreprise, elle pourra se tourner vers sa propre épargne ou encore demander un prêt personnel auprès de la banque ; pour ce qui est de la grande entreprise, elle passera soit par une émission d’actions (capitaux propres) soit par une émission d’obligations (dettes). Le suivi de ces investissements est nécessaire pour Airbus dans la mesure où, cotée en bourse, elle doit rémunérer ses actionnaires. À toutes ces questions de financement, d’investissement et de rentabilité de l’activité des entreprises, la finance d’entreprise apporte des réponses.
La finance d’entreprise, vous l’aurez compris, aide à la prise de décision et accompagne sa mise en œuvre. Elle permet notamment de vérifier pour le start-uppeur et le manager que le modèle économique et le plan d’action choisis sont pertinents.
Levons certains tabous. Il ne faut pas être premier en maths pour faire carrière en finance d’entreprise même s’il est certains qu’il faut (un peu, passionnément !) aimer les chiffres. La logique financière est complémentaire à tous les métiers. Et le financier doit comprendre les logiques des autres métiers pour être efficace et en premier lieu desquelles la stratégie.
La finance d’entreprise au sens large comporte trois grandes disciplines : la comptabilité financière, le contrôle de gestion et la finance d’entreprise. Ces trois disciplines recouvrent plusieurs métiers qui s’exercent dans les entreprises, en général en direction financière, ou à l’extérieur de l’entreprise dans des structures de conseil financier (cabinets d’audit, boutiques M&A…) ou d’institutions financières telles que les banques.
Que propose emlyon ?
Il faut d’abord comprendre la logique de la construction pédagogique du parcours finance d’emlyon business school. Forte de son offre de parcours à la carte, il n’y a pas de parcours prédéfini en finance à emlyon. Cependant, les électifs sont structurés de manière incrémentale. Il y a un ordre à respecter qui est indiqué dans les syllabus.
Les cours proposés permettent de vous guider dans la construction de votre profil ou projet professionnel :
– « J’ai des attentes en arrivant à l’école (ou alors je les développe), j’aime la finance en général mais je ne sais pas encore quelle discipline précisément, ni si je souhaite être en cabinet de conseil ou au sein d’une entreprise. » Les électifs me permettent de tester si ces disciplines correspondent à ce que je suis et ce que j’ai envie de faire tout en apprenant. Bien sûr les stages sont là pour réajuster constamment le curseur de votre carrière dans la finance.
– « Je sais déjà ce que je souhaite faire en arrivant à l’école. » A ce moment-là, en plus de ce que vous trouverez ici, n’hésitez pas à contacter directement les professeurs pour leur demander conseil sur le parcours à construire. Leur adresse mail est toujours donnée dans les Syllabus et ils ont à cœur de vous aider !
Les cours de Comptabilité financière et de gestion (G1P06) ou encore de Corporate Finance que bon nombre d’entre vous côtoient en première année sont des cours fondamentaux ayant trait à la finance pour les managers « non financiers ». Il s’agit d’acquérir les connaissances minimales en finance qui vous serviront à tous, même ceux qui ne souhaitent pas continuer dans cette voie : s’approprier un langage spécifique, une logique financière et la maîtrise d’outils financiers. Tous les indicateurs étudiés peuvent aisément être réinvestis dans vos projets : pour les défendre efficacement face à la direction financière chargée de vous ouvrir ou non le budget en donnant de la crédibilité à votre discours (indicateurs marketing, étude de marché et indicateurs financiers de rentabilité) ; vous permettre de parler et de comprendre le langage de la direction financière mais aussi de la direction générale des entreprises. Vous êtes ainsi sur un pied d’égalité avec les personnes qui décideront du sort de votre projet. En somme, vous avez entre vos mains une boîte à outils pour comprendre l’entreprise et vous y sentir à l’aise dans n’importe quel secteur.
Comment organiser son parcours ?
Pour ce qui est des prérequis, Myriam Lyagoubi vous propose de suivre au moins les cours suivants qui sont une porte d’entrée sur la finance d’entreprise au sens large, mais attention, chaque cours a ses propres prérequis (cf les Syllabus).
- Cours de Comptabilité financière avancée GF107 avec Maïte ROUANNE
- Cours de Diagnostic financier GF12 avec Jean-Pascal BRIVADY (existe en anglais)
- Cours de Maîtrise des fondamentaux de l’analyse financière GF106 avec Géraldine HOTTEGINDRE (existe en anglais)
- Cours Advanced Corporate Finance GF120A avec Loïc BELZE ou GF120 – Finance d’entreprise avancée
Après cela, deux grands tracks s’offrent à vous – ce qui ne vous empêche pas d’aller piocher dans l’autre track des électifs qui vous plairaient : un track plutôt orienté direction financière et un track orienté banques d’affaires, de financement et d’investissement et cabinets d’analyse financière.
Pour ce qui est du track orienté direction financière, les choix de vos cours dépendent de la manière dont vous souhaitez entrer dans la fonction : par le biais du contrôle de gestion (cf. le ZOOM consacré ci-dessous), de la comptabilité (cf. développement ci-dessous), de l’audit externe ou encore celui de la banque.
Dans les quatre cas, l’électif GG100 Contrôle de gestion avec Marie-Claire LOISON est très utile. Ensuite, les électifs à choisir dépendent de la fonction envisagée et du type d’entreprise visée (PME, ETI ou grands groupes). En effet, plus l’entreprise sera petite, plus on vous demandera d’être polyvalent !
Dans tous les cas, les cours suivants sont pertinents et permettent d’acquérir une expertise générale, en plus des prérequis précédemment cités :
- Contrôle de gestion avec Marie-Claire LOISON (GG100 ou GG100A) : consolide les bases des étudiants qui même s’ils ne souhaitent pas se destiner à la finance, sont sensibles aux conséquences économiques des décisions : ce cours est incontournable !
- Contrôle interne et Risk Management avec Marie-Claire LOISON (GC38)
- Gestion de trésorerie afin de maîtriser les fondamentaux de l’analyse financière : GF106 avec Géraldine HOTTEGINDRE ou encore GF150 avec Maïte ROUANNE dans le cours d’Analyse financière des mouvements stratégiques
- Cours de fusion et consolidation : GC33 Fusion/consolidation avec Isabelle ROUSSET
- Cours de comptabilité avancée : GF107 Maïté ROUANNE
- Cours de Pratique de l’évaluation en entreprises : GF25 avec Jean-Pascal BRIVADY
ZOOM sur le contrôle de gestion
Les contrôleurs de gestion sont des acteurs fondamentaux de l’entreprise, au-delà de la définition des KPIs et de la construction des budgets, ils améliorent le pilotage de la performance de l’ensemble des unités qui constituent cette dernière et sont ainsi déterminants dans la pérennité de l’entreprise.
En matière de carrière, il faut savoir que la fonction “contrôle de gestion” existe dans toute entreprise avec une taille supérieure à 100 salariés, et recrute un grand nombre d’étudiants issus des écoles de commerces et d’étudiants diplômés d’un master en contrôle de gestion. Ces postes de contrôleurs de gestions dits juniors se trouvent au siège – on parle alors de contrôle de gestion « corporate » – ou dans des unités (contrôleurs de filiales, de division, d’usines). Pour ce dernier cas, les missions concernent principalement le suivi de la performance opérationnelle de l’unité ; on parle alors de contrôle de gestion opérationnel. Des postes seniors peuvent également être assumés par d’anciens étudiants des mêmes programmes d’abord passés par les cabinets d’audit ou de conseil, et même par des managers d’unités expérimentés intéressés par les chiffres et désireux de sortir de l’opérationnel. Finalement, toutes les routes mènent à Rome !
Les évolutions sont multiples : Un contrôleur du siège peut passer à la responsabilité d’unités pour briguer ensuite des fonctions de direction générale. Un contrôleur d’unité peut passer contrôleur au siège. Un contrôleur peut acquérir des responsabilités croissantes dans des services de contrôle de gestion avec de plus grandes responsabilité comme la supervision d’équipes de plus en plus larges, évolution transversale vers une expertise, notamment dans le conseil ou les systèmes d’information de gestion. Et plus rarement, on trouve des contrôleurs de gestion prenant des postes de directeur financier.
Pour évoluer dans ce secteur, Claire Ciampi (ndlr. Enseignante en finance à emlyon avec une orientation SI) vous conseille de prendre les cours suivants : GC38 (contrôle de gestion), GC38 (contrôle interne et risk management) et 5A2A01 (CSR reporting). Pour compléter ces trois électifs, un autre cours – qui ne fait actuellement pas partie du catalogue des électifs, mais qui l’intègrera dès l’année prochaine – nommé BI&A et Contrôle de gestion ou BI&A and Management Control (cours en anglais) est conseillé. Cet électif a pour objectif de vous apprendre à manipuler les différents outils du contrôle de gestion et à en cerner les différents enjeux pour aider les managers à prendre une décision optimale. Cet électif est incontournable pour tout étudiant qui souhaite se spécialiser en contrôle de gestion et il ajoute cette dimension SI (science d’informations) qui est de plus en plus importante. En effet, le contrôleur de gestion présente les réalisations de l’entreprise sur les plans opérationnel, économique et financier via des représentations de données issues du système d’information. Ainsi, une forte connaissance de ce dernier, permettra d’optimiser l’efficacité de traitement et d’analyse des données utiles pour les managers. On parle de plus en plus en France de business analyst, de finance analyst ou de management analyst.
Pour ce qui est du track orienté banque d’affaires, financement et investissement, vous avez les cours suivants :
- Evaluation d’entreprise : GF25 avec Jean-Pascal BRIVADY ou GF25A avec Yan ALPEROVICH
- Financements structurés : GF102 avec Jean-Pascal BRIVADY
- Capital Markets GF122 avec Loïc BELZE
- Entrepreneurial finance, Venture Capital & Private Equity avec Alexander GROH (GF26A) professeur et directeur à la tête du centre de recherche en finance entrepreneuriale, capital-risque
- Grande négociation financière : MK67 avec Philippe MARILLAT
Le cours enseigné en anglais par Alexander GROH est très intéressant que ce soit pour les futurs entrepreneurs ou toute personne qui souhaite travailler dans la finance. À la sortie de ce dernier, les entrepreneurs seront dotés des compétences financières nécessaires au développement de leur affaire tandis que les amateurs de finance seront qualifiés pour devenir gestionnaire en capital-risque. Pour cela, vous définirez les particularités de la finance entrepreneuriale (risques, avantages et inconvénient de recevoir un soutien financier d’investisseurs extérieurs), vous aborderez les définitions des flux de trésorerie, celle de la budgétisation des investissements, la détermination du taux de liquidité d’une structure, les injections de capital, etc. En somme, un large programme très coriace qui demande d’avoir suivi les fondamentaux et avoir des connaissances solides sur les fondements du financement et des investissements des entreprises (calcul NPV, opportunity cost, théorie de la tarification du portefeuille et des immobilisations, évaluation des actions, des obligations, …). Selon ses mots : « les étudiants doivent avoir un fort intérêt pour la finance et assumer clairement leur carrière professionnelle dans ce secteur pour se conformer aux prérequis du cours et au résultat escompté. Un stage dans le secteur VC ou affilié est très utile mais doit être envisagé après le cours et non pas avant. ». Si vous êtes intéressés, jetez un coup d’œil au syllabus !
ZOOM sur la comptabilité
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le métier de comptable a largement évolué depuis quelques années. Aujourd’hui, être comptable ce n’est plus simplement passer ses journées assis devant l’ordinateur à entrer des lignes de données (caricature). La mission finale d’un comptable est de faire le lien entre l’entreprise et ses partenaires extérieurs. En effet, pour rassurer ses partenaires sur son activité et sa rentabilité et pérenniser ces partenariats, l’entreprise se doit d’être irréprochable dans la transparence de ses informations financières. Le comptable est chargé de cette transparence et de la communication des informations aux parties prenantes de façon intelligible tout en respectant les normes de ce domaine très standardisé et régulé. Que ce soit l’écriture, le langage comptable qui varie d’un pays à l’autre ou la présentation des données, le comptable se doit de maîtriser toutes ces connaissances en conservant un regard critique et vigilant – proche du contrôle – sur les informations qu’on lui apporte.
L’expertise de la comptabilité financière se déploie dans l’entreprise au sein de la direction comptabilité et consolidation. Le métier interagit avec toutes les fonctions de l’entreprise et les filiales à l’étranger. Les compétences comptables sont nécessaires pour intégrer les métiers des cabinets d’audit en particulier.
Les cours recommandés sont les cours GC106 (Maîtriser les fondamentaux de l’analyse financière), GF107 (Comptabilité avancée), GC33 (Fusion/Consolidation) et GF12 (Diagnostic financier). Ils sont enseignés en anglais et en français.
Ce qui peut être intéressant pour ceux qui souhaitent faire de la finance d’entreprise et en particulier du contrôle de gestion ou de la comptabilité financière, c’est de prendre en compte une nouvelle tendance qui consiste à définir des KPIs propres aux entreprises pour mesurer la performance RSE de ces dernières depuis la sortie de la loi PACTE. Ainsi, suivre le cours CSR Reporting (5A2A01) enseigné par Marie-Claire Loison à la frontière de la comptabilité financière et du contrôle de gestion peut être très enrichissant.
Pour progresser dans n’importe quelle voie de finance, il faut certes avoir des compétences d’analyse et techniques, mais il faut aussi être un bon vendeur et les compétences commerciales prévalent tout autant pour faire accepter un projet ou une stratégie par la direction supérieure par exemple ou encore auprès de potentiels clients. Finalement, un bon financier doit être quadrupède : avoir une bonne capacité d’analyse, un bon sens critique, une écoute développée et une capacité de vendre.
Une chose est certaine, les employeurs ont une appétence réelle pour les talents polyvalents, différents et possédant de multiples compétences. Pour cela, il ne faut pas se restreindre à des électifs purement financiers, vous pouvez et vous devez élargir vos horizons en enrichissant votre parcours. Ceux qui souhaitent se spécialiser dans le capital investissement peuvent par exemple choisir des cours d’entrepreneuriat plus avancés que PCE et ne pas oublier la dimension stratégique qui est fondamentale pour apporter une solution pertinente à l’entreprise. Le parcours peut être complété par un électifs de droit des sociétés, d’entrepreneuriat social, de marketing ou de gouvernance d’entreprise.
Pour finir, quelques conseils pour maximiser vos chances d’intégrer l’entreprise que vous souhaitez dans la finance :
- Pour commencer votre carrière dans la finance, penser à faire un stage en direction financière – les 3 disciplines précédemment cités i.e. en comptabilité, en finance d’entreprise ou en contrôle de gestion – ou encore en cabinet d’audit au sein duquel des départements d’évaluation, de conseil et de service de transaction se développent, ce qui peut être intéressant pour se familiariser avec l’environnement financier, dans un processus d’acculturation tout en ne se fermant aucune porte (le M&A après est aussi possible !)
- Pour les étudiants qui souhaitent travailler dans la direction financière, il faut avant tout déterminer si vous souhaiter aller vite sur un poste de directeur financier ou si vous êtes prêt(e) à prendre votre temps et/ou n’êtes pas sûr(e) de viser ce poste – du moins pas pour le moment. Dans le premier cas, il faut privilégier un début dans l’audit – ce passage est presque incontournable, pour une carrière en France en tout cas. Dans le deuxième cas, vous pourrez débuter dans le contrôle de gestion, la comptabilité ou la gestion de trésorerie. Ayez en tête qu’en fonction du type d’entreprise que vous choisirez, vous aurez plus ou moins facilement accès aux différentes facettes de la fonction finance, et donc à la fonction de DAF (directeur administratif et financier)
- En ce qui concerne les stages dans le secteur bancaire, possibilité de commencer par des services de relation de financement aux entreprises
- Regarder si l’entreprise en question ne propose pas de graduate program à la fin du cursus à emlyon business school en tant que stage de fin d’année ou après avoir été diplômé(e)
- Penser aussi à faire un summer : les banques anglo-saxonnes en proposent très souvent, ce qui peut être l’occasion de s’immerger à l’international aussi ; vérifier si certaines grandes entreprises le font
- Pour s’assurer de laisser une bonne impression au tuteur, penser à faire un stage solide entre le summer et le graduate program.