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Quel avenir pour la « mode jetable » ?

Pour commencer l’année 2022 l’esprit tranquille, vous décidez de trier votre penderie. Fidèle à Zara, H&M, ASOS ou Topshop, vous vous êtes lassé de ces vêtements vus et revus à tous les coins de rues. Pour vous en débarrasser, vous les déposez dans le conteneur de collecte Relais situé près de chez vous. Vous ne les reverrez plus jamais. Pourtant, ils n’ont pas disparu, un avenir nébuleux les attend.

Par Claire Juttet, de Dresscode

La fast-fashion est définie par le e-shop responsable Wedressfair comme une mouvance de marques apparues dans les années 90 qui produisent des vêtements « très vite, très souvent et pour pas cher », avec jusqu’à 36 collections par an contre 4 pour une marque de mode classique. Il est fondamental de se questionner sur le sort de ces vêtements : 40% des textiles vendus en France sont donnés dans le courant de la même année.

La face cachée du recyclage des vêtements déposés en conteneur

80% des français déposent tout ou partie des vêtements dont ils souhaitent se débarrasser dans des conteneurs prévus à cet effet. Installés en centre-ville ou en périphérie, sur les parkings de magasins ou d’immeubles ou encore dans les déchetteries, ces points d’apport sont bien connus des français. Pourtant, le sort réservé aux vêtements que l’on y dépose est souvent méconnu : chaque semaine, plus de 15 millions de ces vêtements sont envoyés au Kantamanto Market, marché situé au Ghana, pour être revendus à des prix dérisoires.

 Afin d’informer et d’alerter les jeunes générations des risques que provoquent ces décharges de tonnes de vêtements, sur les plages du pays notamment, Liz Ricketts a cofondé l’association The OR Foundation. Elle témoigne dans la newsletter « Une mode meilleure » de la journaliste Chloé Cohen : « uniquement 20% des marchands locaux parviennent à vivre de cette activité, les autres sont endettés ». Au bout de la chaîne, on observe que le sort des vêtements déposés en bornes de recyclage rencontre des limites. Cette situation incarne à elle seule le manque de transparence de la filière textile à l’égard de ses consommateurs.

Dès lors, faut-il prioriser le circuit court pour offrir une seconde vie à ses vêtements ?

Cette alternative est préférable pour limiter le nombre de kilomètres parcourus par les vêtements (et l’empreinte écologique qui en découle) mais soulève d’autres questions.

Le don aux friperies : bien que tous les vêtements issus de la fast-fashion ne soient pas à jeter directement après usage, les matières utilisées pour les produire sont la plupart du temps synthétiques et les coupes sont désajustées dès leur sortie d’usine. Ainsi, les chances d’offrir à ces pièces une seconde vie sont minimes. Les vêtements de marques reconnues pour leur robustesse sont bien plus à même de trouver preneur sur le marché de la seconde-main. De même, elles s’offrent la possibilité de rééditer des pièces vintages intemporelles comme Levi’s avec son jean 501, ce qui semble compliqué lorsqu’il s’agît de fast-fashion. On se demande quelle pièce issue de la fast-fashion marquera suffisamment les esprits pour être rééditée dans 30 ans. Avec 36 collections par an, les options sont infinies et le mystère reste entier.

Quid de la vente de vêtements ? Le marché de la vente en ligne de vêtements de seconde main connaît depuis quelques années une croissance soutenue. Les plateformes d’achat, de vente ou d’échange se multiplient. Vinted, licorne lituanienne, est l’une de ces plateformes intuitive pour vendre, acheter, et échanger des vêtements et accessoires d’occasions. Anissa Pomies, enseignante chercheuse à emlyon souligne toutefois son plus grand défaut : pousser à la consommation en prenant l’utilisateur par la main et en lui donnant la sensation de « jouer à la marchande ». L’argent gagné est stocké dans une cagnotte et peut être aussitôt réinvesti. Vinted s’apparente alors – malgré ses avantages – à une énorme mécanique qui brasse des vêtements vendus à 3 sous, 24H sur 24, 7 jours sur 7.

Quelle solution durable pour ces tonnes de vêtements usagés ? 

Sûrement produire moins. Le principe de la Responsabilité Élargie du Producteur, promulgué le 1er janvier 2007 (article L541-10-3 du Code de l’environnement), oblige les marques (entre autres) à contribuer à la gestion de ces déchets. En ce sens, la Redoute a lancé en décembre 2020 son site de seconde main ‘la Reboucle’. Cette réponse légale est une avancée dans la lutte contre le gaspillage et la pollution mais elle n’incite pas les entreprises à produire moins. Aujourd’hui, aucune n’envisage de ralentir son rythme de production. Liz Rickett est catégorique : « les vêtements de fast-fashion ne sont pas faits pour avoir une seconde vie ». Un changement de mentalité s’impose, il est grand temps de redonner aux vêtements les valeurs intrinsèques et sentimentales qu’ils méritent.