Marie Wattel est vice-championne du monde 2022 sur 100m papillon, championne d’Europe 2021 sur 100m papillon, multiple championne de France, 9ème performeuse de l’histoire sur 100m papillon. Pourtant, malgré ses performances, Marie a décidé de continuer ses études et de se former au management en parallèle de sa carrière. Passée tout proche de la médaille d’or sur 100m papillon aux derniers championnats du monde, Marie ne compte pas en rester là, se fixe des objectifs ambitieux et met le cap sur Paris 2024.
Propos recueillis par Vincent Loeuillet,
Le M : Bonjour Marie, après une année 2016 compliquée et des résultats en demi-teinte, vous avez décidé de tenter une nouvelle expérience de l’autre côté de la Manche, dans le campus universitaire et sportif de Loughborough en Angleterre, pour suivre des études supérieures en Sport Management. Pourquoi avoir choisi d’étudier là-bas ?
Marie Wattel : Pour 2 raisons principales. Tout d’abord parce que c’est un très bon centre sportif. Les sportifs de l’Université ont décroché de nombreuses médailles aux Jeux Olympiques et Paralympiques, il y a une véritable culture de l’excellence. Ensuite parce que cette Université est ouverte à tous et pas seulement aux sportifs de haut niveau. Je souhaitais pouvoir étudier comme une étudiante lambda. Il est plus compliqué en France de pouvoir à la fois s’entraîner dans les meilleures conditions et à la fois être considérée comme une étudiante classique, le sportif de haut niveau est souvent l’exception.
Aujourd’hui, vous êtes engagée dans d’un Executive Master Management Général d’emlyon, comment suivez-vous cette formation ?
Le programme nous donne la possibilité de suivre la formation à distance, ce que j’ai choisi de faire car je m’entraîne désormais à Marseille.
Vous n’avez jamais abandonné les études malgré vos très bons résultats sportifs, on sait que les carrières des sportifs de haut niveau sont assez courtes, avez-vous déjà une idée pour l’après natation ?
Honnêtement, pas vraiment. Le monde du sport me passionne mais je me dis parfois qu’il serait bien d’aller voir ailleurs. A long terme je pense que ce qui me plairait le plus est d’être à mon compte, mais ça n’est pas pour tout de suite !
Lors de votre participation aux championnats d’Europe de Natation à Rome en août dernier vous avez terminé à une superbe seconde place en finale du 100 m papillon, mais ce fut une grande déception pour vous qui visiez l’or, comment l’avez-vous vécu ?
Oui, j’avais été vice-championne du monde en terminant meilleure européenne mais aussi championne d’Europe l’an passé alors mon souhait était de confirmer et d’aller chercher l’or à Rome. Sur le coup, il y a toujours de la déception parce que cela représente des années de travail, j’avais l’impression d’avoir échoué. On réagit toujours à chaud devant les caméras, sans avoir digéré l’information. Mais après quelques semaines j’ai réalisé que c’était tout de même une médaille de vice-championne d’Europe. J’espère avoir l’occasion de me rattraper rapidement.
“J’ai reçu de nombreux messages sur les réseaux, une victoire collective touche beaucoup plus les supporters.”
Vous avez ensuite été titrée lors de ces mêmes championnats en relais mixte 4*100 nage libre notamment, j’imagine que cela vous a aidé à relativiser, vous qui avez pratiqué beaucoup de sports collectifs plus jeune ?
C’est vrai. C’était vraiment un challenge parce que ce relais 4*100 crawl mixte avait lieu moins d’une heure après la finale du 100m papillon. Je devais vite rebondir et évacuer la frustration pour pouvoir me mobiliser à 100%. Gagner à plusieurs est toujours spécial, c’est plus fort qu’une victoire individuelle. J’ai reçu de nombreux messages sur les réseaux, une victoire collective touche beaucoup plus les supporters. La natation est autant un sport individuel que collectif et c’est pour cela que j’adore ce sport. Je peux accomplir des choses individuellement et vivre des expériences collectives superbes.
Vous vous êtes offert 2 nouveaux titres aux championnats de France petit bassin de Chartres notamment sur 100m papillon (57″11) début novembre. Cela vous réconcilie-t-il avec le petit bassin, vous qui préférez le grand ?
Pas vraiment (rires). Après les championnats d’Europe, il a fallu faire une pause pour récupérer. Alors début novembre je n’étais pas vraiment au meilleur de ma forme, ce qui explique mes résultats en demi-teinte en petit bassin. Le bassin olympique, de 50m, est ma priorité mais je n’abandonne pas le petit bain, c’est peut-être un projet d’après 2024 (date des JOP de Paris, ndlr). En 2017, j’ai été vice-championne d’Europe en petit bassin alors j’espère gagner à nouveau plusieurs médailles, mais c’est un objectif secondaire. Chaque chose en son temps.
À la suite de ces championnats vous avez déclaré forfait pour les Mondiaux en petit bassin de Melbourne (du 13 au 19 décembre). Pourquoi avoir pris cette décision ?
J’ai besoin de repos. La crise du covid a été difficile mentalement pour les sportifs. Nous avons fait 2 années olympiques : 2020, année pendant laquelle les JO étaient initialement prévus, puis 2021, année à laquelle ils ont été reportés. La préparation a demandé énormément d’énergie. Finalement, j’ai fait des supers JO en décrochant la 6ème place du 100m papillon. Puis lors de l’année post olympique, nous avons eu les championnats d’Europe et les championnats du Monde, ce qui n’avait jamais été le cas, pour rattraper l’année blanche du covid. J’ai dû prendre sur moi et m’engager à nouveau pour une année très éprouvante. Déjà à la suite des championnats d’Europe je sentais que je n’avais plus beaucoup d’énergie mentale et émotionnelle et qu’il fallait faire une pause. Les jeux de Paris arrivent vite, il faut savoir choisir ses batailles : le petit bain n’est pas ma bataille cette année.
Cela signifie que vous allez faire une coupure totale pendant plusieurs semaines, ou vous allez continuer à vous entraîner ?
Le but est de continuer à s’entraîner, avec une implication mentale et émotionnelle modérée. Je dois récupérer à ce niveau car les compétitions durent plusieurs semaines et demandent énormément d’énergie.
A votre retour il y aura une barre symbolique pour le 100 m papillon, les 56 secondes, à aller chercher, comment comptez-vous l’atteindre ? Ou avez-vous une marge de progression ?
L’objectif est désormais de se rapprocher le plus possible du record du monde. Il y a déjà 2-3 filles sur le dossier qu’il va falloir rejoindre assez vite. Au très haut niveau, cela se joue sur des détails. Par rapport à la championne olympique, je dois progresser sur les parties non-nagées (les coulées par exemple). Elle fait vraiment la différence sur ces parties car je ne suis pas une nageuse de petit bassin. Elle excelle dans le virage mais j’ai une bonne marge de progression. Je dois conserver ma puissance et mon efficacité sur mes bras et travailler les éléments non-nagés pour aller chercher cette barre.
Vous êtes triple championne d’Europe, médaillée aux championnats du Monde, multiple championne de France, il vous manque la breloque des JO, c’est pour 2024 ?
C’est vraiment l’objectif. Bien sûr je ne suis pas une machine mais je vais tout donner pour y arriver. Il ne faut pas oublier que les JO sont une course d’un jour, le facteur chance rentre en compte. Je crois en mes chances et je sais que beaucoup de gens croient en mes chances aussi. Pouvoir réaliser cela à Paris, ce serait incroyable.
“Par rapport à la championne olympique, je dois progresser sur les parties non-nagées.”
Qu’est ce qui est le plus important pour se maintenir au haut niveau pour un sportif ?
Se remettre en question et ne jamais prendre les choses pour acquises. Toujours vouloir évoluer, être meilleure jour après jour à tous les niveaux : entraînement, nutrition, sommeil, etc. La recherche constante d’excellence tout en trouvant un équilibre parfait dans sa vie. Beaucoup de sportifs tombent en dépression car le sport prend beaucoup de place, mais ça n’est pas toujours très sain. Il faut trouver cet équilibre pour rester heureux et épanoui dans sa vie tout en pratiquant du sport au très haut niveau.