Par Alexandre Elleuch
C’est un coup dur que vient de subir la Net-Zero Banking Alliance (NZBA) :
les six principales banques américaines, Morgan Stanley et Bank of America en tête, l’ont quittée coup sur coup en janvier 2025, entre l’élection et l’investiture de Donald Trump. Cette alliance bancaire pour le climat avait été crée en 2021 dans le sillage de la COP 26 et ras semblait des acteurs de la finance totalisant 40% des actifs bancaires de la planète. Son objectif ? Réduire les émissions de CO2 des banques (scope 1), y compris les émissions indirectes liées aux financements (scope 3), de manière à contribuer à atteindre la neutralité carbone en 2050. Un enjeu crucial donc, car selon Yves Perrier, président du Conseil d’Administration d’Edmond de Rothschild, la finance a un rôle important à jouer « en allouant le capital nécessaire au financement des investissements de la transition écologique ».
Pour les responsables des principales banques européennes membres de l’alliance – qui n’ont pour le moment pas quitté le navire, ces défections ne sont pas une immense surprise : depuis sa création, les banques américaines avaient battu en brèche toute mise en place de réglementations juridiquement contraignantes.
Et de manière générale, c’est tout le secteur de la finance verte qui patine aux Etats-Unis. Si le montant des financements alloués à des projets verts avait quadruplé entre 2019 et 2022, il a stagné et 2023 et même baissé en 2024. En cause, notamment, une croisade du parti républicain contre une finance jugée trop « politisée ». Ce retour de bâton porte indéniablement un coup très sévère à la finance verte. Signe-t-il pour autant sa fin ?
Pour le chercheur Alain Naef la réponse est non, pour la simple et bonne raison que la finance verte n’a « jamais vraiment commencé ». Selon lui, la plupart des investissements continuent de suivre une logique financière classique, guidée par la recherche du rendement et de la sécurité. Il pointe l’ambivalence des critères ESG (Environnemental, Social et Gouvernance), trop vastes et trop peu hiérarchisés.
Par exemple, BP – la major pétrolière britannique – parvient à se glisser dans les portefeuilles « responsables » car il dispose d’une majorité de femmes dans son conseil d’administration (gouvernance).
Ses critiques font écho à une étude du MIT publiée en 2024 sur l’efficacité de la NZBA : les banques membres ont certes augmenté leurs financements verts, mais cette hausse est très légère et surtout, les taux d’intérêts des projets à impact environnemental ne sont pas plus faibles que les autres. Selon Naef, il faut donc profiter de ces temps troublés pour repenser la finance verte, et lui donner un nouvel élan.

Car un renouveau est possible, et surtout nécessaire. Selon une étude menée par KPMG, en 2023 « les investisseurs ont obtenu de meilleurs rendements avec des fonds durables qu’avec des fonds traditionnels dans toutes les grandes classes d’actifs et régions ». La même année, les émissions d’obligations à impact ont atteint un record de 929 milliards de dollars. Alors bien sûr, la plus grande partie du chemin reste à faire : en 2023, 1600 milliards d’euros étaient investis dans des projets environnementaux, bien loin des 14 000 milliards recommandés par l’Accord de Paris. Mais la finance verte est loin d’être un handicap pour les banques : toujours selon KPMG elle a un effet positif sur « la gestion des risques, la stabilité des revenus, l’image de marque et la résilience des acteurs économiques ».
Quant à l’Europe, où en est-elle ?
Entre tentation de suivre Trump et d’alléger les contraintes environnementales et fixation de nouveaux objectifs (-90% d’émissions de C02 d’ici 2040), l’Union Européenne cherche sa voie. En tout cas, selon Yves Perrier, qui fait écho à Alain Naef, la réforme par la Commission Européenne du CSRD (reporting environnemental composé de centaines de critères ESG à remonter à l’UE) est une bonne chose : réduire et simplifier les critères ESG pour revenir au cœur des enjeux de la finance verte.