Par Adam Bouaricha
C’est simple : nous nous sommes tous posés cette question. Las de constater ces ribambelles de robots-sur-pattes clamer leur ambition débordante ? Marre de ces « el famoso sharkos » faire les malins en début d’année, croyant pouvoir enchaîner des stages en M&A chez Rothschild & Co, puis en PE chez KKR (PE signifie « Private Equity » mon cher ignorant de première année…) ? Je te propose ici une analyse de ces « phénomènes », alors je te prie de te servir un bon Cappuccino afin d’accompagner cette lecture agréable.
Les origines du sharkos
Tout d’abord, j’implore ta pitié pour ces gens-là. Il s’agit de les considérer, de les comprendre, voire même de les soutenir, oui Madame (ou Monsieur) ! En effet, avant d’oser juger son prochain, il faudrait d’abord se mettre à sa place.
Nous appellerons donc notre « sharkos type » Dominique. Eh oui, tu remarqueras que je préfère me couvrir en utilisant un prénom non-binaire. Dominique vient d’arriver à l’EM, Dominique ne sait pas ce qu’il/elle veut faire de sa vie, mais une chose est sûre : Dominique veut gagner beaucoup d’argent. Dominique boit les paroles des nombreux formateurs privés, ces derniers clamant la nécessité de souscrire une formation de 2 000 balles garantissant l’obtention d’un stage en M&A (vous voyez bien de qui je parle…). Aussi, Dominique souhaite bénéficier d’un soi-disant prestige social, partant de l’hypothèse que puisqu’une carrière en M&A large cap est ultra-sélective, y arriver est synonyme de victoire glorieuse, tel Maximus dans le chef-d’œuvre cinématographique Gladiator.
Seulement, ce n’est pas la faute de Dominique. En effet, Dominique veut juste bien faire, Dominique veut garder le maximum d’exit opportunities. Dominique a peut-être un prêt étudiant de 40 000 euros à rembourser, et vite ! Il est aussi vital de mentionner le maléfique effet de mimétisme. Il est bien plus facile pour Dominique de copier-coller le projet pro de ses potes au lieu de se renseigner, de réfléchir, de parler avec des alumnis de telle ou telle industrie. Bref, la facilité.

M&A, la quête d’équilibre. Crédits : L’Agefi
L’évolution de Dominique
Tout d’abord : rappelle-toi que ce n’est pas de sa faute ! Par ailleurs, tu noteras que les arguments cités constituent soit une intention de bien faire, soit le résultat d’une pression sociale. Après avoir appréhendé ce marché, tu seras conscient de la rareté des stages dans ce milieu, face à la masse gargantuesque de candidats. Il n’y a qu’à voir la longueur des files d’attente devant les stands des banques et de fonds d’investissement lors des Forums Carrières pour constater la concurrence exacerbée dans ce milieu !

Carricature requins de la finance. Crédits : Olivier Ranson
Maintenant, il est question d’analyser l’évolution de Dominique, notamment durant son année de césure. Il est évident qu’après plusieurs expériences professionnelles significatives dans la finance, Dominique est supposé(e) revoir ses ambitions à la baisse. Tout d’abord : la masse de travail, comprenez par là le nombre d’heures de travail par semaine. Lorsque Dominique se limitait à regarder des interviews d’analystes M&A sur Youtube, il/elle s’habituait à entendre parler de semaines de 80 heures et plus. De ce fait, Dominique a tendance à prendre à la légère d’autres métiers et industries où la norme se rapprocherait des traditionnelles 40 heures. Néanmoins, après le traditionnel stage en audit chez un Big Four en pleine saison fiscale, Dominique commence à se calmer un poco. Eh oui, Dominique commence à expérimenter la vie réelle. Le stress continu, devoir rendre compte à des supérieurs, faire face à un co-stagiaire aussi sharkos qui n’hésitera pas à rabaisser Dominique afin de se faire mieux voir, amènent l’étudiant classique à revoir ses projets.
Dominique arrive alors en dernière année du PGE. Puisque Dominique était déterminé(e) à maximiser ses stages en finance auparavant, Dominique a refusé de participer à cette opportunité magnifique qu’est l’échange académique. Découvrir le monde, profiter de sa vie d’étudiant(e), finir en beauté sa scolarité, Dominique a troqué tout ça du fait de sa détermination à breaking into finance. Dominique est perdue, Dominique ne sait pas quoi faire de son stage de fin d’études aka la dernière chance. Tenter un stage dans un autre métier « moins sexy » que le M&A ou le PE, tel que le TS, la gestion de fortune ou encore le contrôle de gestion ? Ou bien songer à l’entrepreneuriat ? Il est quand même tard pour revoir l’entièreté de son parcours.
Par conséquent, s’il te plaît, ne sois pas comme Dominique. Songe bien aux avantages et inconvénients de chaque carrière. Il faut évidemment tenter plusieurs métiers afin de mieux comprendre ce que tu aimes faire. Ne sois pas borné à faire du M&A simplement parce que c’est la mode. Néanmoins, si tu éprouves un réel intérêt pour « les opérations de haut de bilan » et acceptes de dédier la quasi-totalité de ton temps et de ton énergie à ce métier, alors fonce !