Par Amaury Duhesme
D’emlyon business school à l’une des GAFAM, il n’y a qu’un pas ! Nous avons rencontré Stéphane Feuillebois, alumni et président du Club Digital de l’école, il travaille depuis plusieurs années chez Amazon en tant que Senior Partnership Manager. Il nous raconte son parcours et nous parle de son expérience chez Amazon.
Comment as-tu trouvé ton premier travail en 2008 pendant la crise ?
En sortant de l’em, je cherchais un poste dans le marketing, chef de produit par exemple. J’avais suivi des cours de marketing et c’est ce que je voulais faire. Malheureusement, nous étions en pleine crise de 2008 et donc quasiment impossible de trouver une place en marketing.
J’avais fait trois stages. Le premier dans une start-up dans la tech à Barcelone, le second chez P&G en marketing pour de la lessive, le troisième chez CMA CGM pour comprendre pourquoi elle marchait si bien.
Ne trouvant pas de stage en marketing certains ont accepté des postes mixtes comme la vente avec la possibilité d’aller progressivement vers du marketing. L’histoire a montré qu’il était très compliqué de revenir vers le marketing stratégique après des expériences de vente sur le terrain. Ceux qui ont fait le choix du conseil ou du digital ont eu par la suite plus d’opportunités de retourner vers des postes de pur marketing.
De mon côté j’ai cherché quels secteurs étaient en recherche d’emploi. Le digital employait beaucoup. J’ai donc candidaté dans des cabinets de conseil en stratégie digitale et finalement obtenu une place très intéressante et avantageuse en termes de perspective et de salaire dans un cabinet en 2009. Mon premier stage me donnait une première expérience dans la tech et le nom de P&G me donnait une certaine crédibilité.
Les conseils que je pourrais donner suite à cette expérience sont les suivant : ne pas insister ni accepter un demi-job si un secteur est bouché mais chercher les secteurs porteurs et d’avenir. Dans l’envoi des candidatures, je m’appliquais à changer mon CV avec les mots clés de l’offre. Cela fonctionnait très bien pour obtenir des entretiens.
Le secteur du digital est en effet porteur car rapidement le cabinet prend de l’ampleur. Je deviens manager d’une équipe en 3 ans. Enfin quelques années plus tard je postule et rentre chez Amazon où je suis actuellement Senior manager.
Comment est-ce de travailler chez Amazon ?
J’aime énormément. Il y a une super ambiance de travail, beaucoup de libertés, plein d’avantages, le management est très américain. Venant du conseil, j’étais prêt à faire beaucoup d’heures, mon supérieur me disait de ne pas partir après 19h. Tant que le travail est fait tu peux partir quand tu veux. C’est intense quand on est dedans mais relax à côté. J’apprécie également la possibilité de pouvoir changer facilement de département ou de métier en interne, même avec peu ou pas d’expérience. Enfin, les salaires sont plutôt élevés et ce à tous les niveaux de la hiérarchie.
Je remarque à quel point l’entreprise est productive. Je ne m’attarde que sur les projets qui sont bénéfiques sur le long terme. Je peux par exemple refuser un contrat de 100k€ exceptionnel pour me concentrer sur des contrats de 1 million renouvelable sur 5 ans.
On entend souvent la critique suivante « Amazon est trop gros et prends toute la marge des e-commerçants français », que répondrais-tu à cela ?
Faire du e-commerce est beaucoup plus compliqué que ce qu’on peut croire. Si quelqu’un crée juste un site web et essaie de revendre des produits via ce site, il ne va rien se passer. Être trouvable sur internet et ensuite être capable de fournir la qualité de service d’Amazon nécessite des investissements énormes. Les seuls en France qui ont investis en masse dans le e-commerce est le groupe Fnac Darty, qui en voit les fruits aujourd’hui. Les e-commerçants qui ont très peu investi et vendent des produits peu différenciés sont à un niveau incomparable. Certains petits arrivent toutefois à exister et bien vendre sans investissements massifs. Mais ce succès s’appuie sur un produit très différencié, aguicheur et de qualité.
De plus Amazon est une place de marché qui permet également de propulser certaines PME françaises (Plus de 10.000 entreprises françaises génèrent chaque année des centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires en vendant à des clients français et plus de 80% d’entre elles exportent vers l’étranger via Amazon). Elles ont accès à un immense marché directement. Si le produit se hisse en haut des recommandations, les ventes peuvent exploser rapidement.
En somme, on observe avec Amazon ce que l’on pouvait observer avec les boutiques lors du développement des grandes surfaces : une destruction créatrice. Les moins performants ne peuvent faire face à ce service plus avantageux et meurent, tandis que ceux qui ont un vrai avantage compétitif subsistent, voire en tire profit.
Il y a également la question d’un groupe américain qui capte la marge des commerçants français. Est-ce qu’on ne pourrait pas essayer de créer un Amazon français, ou du moins européen, en le protégeant et en favorisant son développement au travers de mesures protectionnistes ?
Je ne pense pas que ce soit un bon état d’esprit de vouloir détruire ce qui est déjà en place. Le risque est que cela se fasse aux dépends du consommateur. Je pense que le mieux est plutôt de vouloir créer. La France et l’Europe ont raté la première vague, il vaut mieux à présent s’employer à ne pas rater la suivante et notamment celle de l’intelligence artificielle. Au lieu de protectionnisme, je souhaiterais un programme français ou européen de soutien aux entreprise spécialisées dans ce domaine.
Enfin, je trouve presque naïf de raisonner en termes de groupe français ou américain. Dans les deux cas, les distributeurs vendent des produits qui sont fabriqués partout dans le monde et créent une valeur tout à fait comparable sur le territoire national. La nationalité est d’abord une question d’image pour les consommateurs, mais il faut aussi prendre en compte les 2+ milliards investis en France par Amazon et les milliers d’emplois créés directement et indirectement.
Je ne vois donc pas de problème à travailler pour un groupe américain. Je dirais que cela vaut mieux pour les commerçants français qu’il y ait des gens qui puissent comprendre leurs intérêts au sein de ces groupes.
Pour conclure, tu es le président du Club Digital d’emlyon, peux-tu nous en toucher un mot ?
Le Club Digital réunit des anciens d’emlyon et les leaders du digital pour des conférences par des professionnels et entrepreneurs dans le monde du digital. Depuis le confinement nous avons créé notre chaine YouTube et y avons mis les dernières interviews, avec par exemple Thomas Rebaud, alumni emlyon et fondateur de Meero qui a fait la plus grosse levée de fonds en France en 2019 avec 205 millions d’euros. N’hésitez pas à aller jeter un coup d’œil !
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