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De la volonté d’avoir un impact à l’inclusive business : l’interview de Louise Berthault

Louise Berthault, diplômée d’emlyon business school, retrace avec nous son parcours, et nous partage ses conseils, lesquels, au fil de ses expériences, lui ont permis de trouver sa voie dans l’inclusive business. Aujourd’hui consultante en stratégie en inclusive business au sein d’Hystra depuis mars 2021, elle accorde cette interview au M.

Par Angélique Grimault,

Bonjour Louise, pourrais-tu te présenter brièvement et nous parler de ton parcours ?

Bonjour, je m’appelle Louise Berthault, j’ai 25 ans et je suis originaire d’Angers. J’ai rejoint emlyon business school en 2016, après deux années de classe préparatoire au Lycée Henri IV à Paris. Ayant un fort attrait pour la course et la montagne, j’ai fait partie de l’association Raid Hannibal, au sein du pôle communication.

Dans le cadre de mon parcours à emlyon, j’ai effectué de nombreux stages qui ont forgé mon expérience. Ayant toujours souhaité voyager dans un pays émergent, et notamment en Asie, j’ai choisi d’effectuer un premier stage au Vietnam, dans une petite start-up. Par la suite, j’ai réalisé six mois de stage à la direction internationale d’EDF, qui gérait entre autres des projets dans les pays en développement. J’étais alors chargée de l’évaluation et de la gestion des impacts environnementaux et sociaux de projets que nous menions, notamment dans l’hydraulique. Pour mon année de césure, je me suis rendue à Mandalay, en Birmanie, où j’ai décroché un stage dans un institut de microfinance, se trouvant être une filiale birmane d’un groupe français. Enfin, j’ai effectué un premier stage de fin d’études au sein du groupe Air Liquide, dans le pôle inclusive business, puis un second, dans un cabinet de conseil en stratégie, spécialisé en inclusive business : Hystra.

À l’origine, je devais également partir à Casablanca puis à Dakar, dans le cadre du programme d’excellence ‘‘Social Entrepreneurship & African Business’’ avec emlyon. Cependant, la crise sanitaire nous a contraints à suivre les cours à distance. J’ai souhaité prendre part à ce programme pour en apprendre davantage sur les pays en développement et l’entrepreneuriat social. À la suite de mon voyage en Asie, c’est l’Afrique qui m’intéressait maintenant ! Cette appétence pour le continent africain m’a poussé à suivre ces cours sur la finance, le contexte historique, et la montée des business en Afrique, avec la participation d’intervenants qui géraient des incubateurs et avaient monté leur business en Afrique. J’ai beaucoup aimé ces cours sur l’entrepreneuriat social.

Aujourd’hui, tu travailles en tant que consultante en stratégie en inclusive business au sein d’Hystra. Comment as-tu trouvé ce CDI à l’issue d’emlyon et pourquoi avoir choisi Hystra ?

Dans le domaine de l’inclusive business, j’ai constaté qu’il était difficile de trouver des offres d’emploi. Effectivement, je voyais majoritairement des offres dans le secteur de la RSE, plutôt orientée communication ou ressources humaines, et moins du côté stratégie et core business que je recherchais. Lorsque je réalisais mon stage de fin d’études au sein du groupe Air Liquide, dans l’inclusive business, j’ai eu l’occasion d’étudier différents rapports sur l’impact social, et notamment un rapport d’Hystra (Hystra (2019), The Journey of Multinational Corporations to Inclusive Business : https://www.hystra.com/our-insights/the-journey-of-multinational-corporations-to-inclusive-business-2019) sur l’intrapreneuriat social au sein des grands groupes. Je me suis renseignée sur Hystra et j’ai découvert son positionnement unique : un cabinet de conseil en stratégie, avec une vraie réputation d’excellence, réalisant uniquement des missions à impact, dans le domaine de l’inclusive business, dans les pays en développement. Il y a très peu de cabinets semblables dans le monde. J’aimais l’idée de travailler sur des projets variés avec de nouveaux profils de clients, et la possibilité, avec le conseil en stratégie, de pouvoir changer régulièrement de missions et développer une vraie méthodologie de travail. Me rendant sur le site d’Hystra, j’ai vu une offre de stage à pourvoir et j’ai décidé d’y faire un deuxième stage de fin d’études. À l’issue de ce stage, on m’a proposé de poursuivre en CDI, ce que j’ai accepté avec plaisir, car j’avais adoré cette expérience. Cela fait maintenant trois mois que je suis en CDI, sur ce même poste, en tant que consultante en stratégie en inclusive business, au sein d’Hystra.

Peux-tu nous parler plus en détails de tes missions du moment ? 

Chez Hystra, quelle que soit ta position, stagiaire ou senior, tu es un membre de l’équipe à part entière. Tes missions sont certes nivelées à l’échelle de ta séniorité, mais tu seras toujours sollicité pendant les réunions et brainstormings d’équipe, pour donner ton avis. 

Actuellement, je travaille sur deux projets en parallèle. Le premier projet consiste à aider une entreprise sociale indienne à passer à l’échelle (ndlr. : transformations menées au sein d’une entreprise pour l’aider à grandir). Elle vend entre autres des produits fonctionnant à l’énergie solaire dans des villages, en passant par des femmes entrepreneurs. Aujourd’hui, ils ont quelques milliers d’entrepreneurs et visent l’objectif de passer à un million dans les prochaines années. Notre rôle est donc de les accompagner dans cette stratégie de passage à l’échelle. Le second projet s’adresse à une agence de développement, qu’on aide à mieux travailler avec le secteur privé dans des pays d’Afrique de l’Est. Plutôt que de financer des associations, ils vont par exemple financer un business, jusqu’à la rentabilité de ce dernier.  

Mes responsabilités sont majoritairement de soutenir l’équipe et de participer au ‘‘problem solving’’, autrement dit réfléchir à la stratégie qu’une entreprise doit prendre, les jalons qu’elle cherche à atteindre, et essayer de la mettre en forme. J’accompagne les consultants seniors dans leurs recherches, dans la production de rapports à présenter aux clients, et dans la préparation de business plans. Les tâches évoluent régulièrement en fonction des missions, avec un côté stratégique d’une part, où on regarde les performances de l’entreprise, on estime de potentiels changements, et un côté opérationnel d’autre part, avec des phases de réflexion et d’analyse sur le développement d’un produit, le marketing et la stratégie de distribution à adopter, avant son lancement.

Pour quels clients as-tu eu l’occasion de travailler, et sur quels autres projets ?

Historiquement, les principaux clients d’Hystra sont de grandes entreprises telles que Total, Unilever ou encore Danone. À présent, ce sont de plus en plus des bailleurs de fonds, comme l’Agence française de développement (AFD), ou ses équivalents en Angleterre et en Suisse. Un de nos clients majeurs, actuellement, est la Fondation Bill & Melinda Gates. Elle propose un programme complet, recourant à l’engagement du secteur privé (‘‘Private Sector Engagement’’), dans le but de renforcer ce secteur privé au niveau local, en aidant des entreprises locales à créer des produits bénéfiques pour leurs populations, et notamment des produits nutritifs. 

Depuis mon arrivée chez Hystra, j’ai travaillé entre autres sur une idée de projet d’élargissement d’accès à l’eau, pour les pays en développement. Il s’agissait de créer de mini réseaux, pouvant être installés dans les petites villes. J’ai également travaillé en collaboration avec la Fondation, sur deux rapports portant sur les produits nutritifs. Comment atteindre les populations à faibles revenus en milieu urbain ? Comment leur distribuer des produits liés à la santé (médicaments, produits enrichis) par des forces de vente féminines ? Ce sont-là les principales questions auxquelles on cherche à répondre dans ces rapports.

Concrètement, qu’est-ce que l’inclusive business ? Peux-tu nous le définir ?

L’inclusive business couvre plusieurs activités, notamment celle de monter des business rentables qui ont deux objectifs :

Le premier est d’atteindre les ‘‘Base of the Pyramid people’’ – dans la pyramide de richesse d’un pays, il s’agit des individus se situant en bas, c’est-à-dire avec moins de 2 à 5 dollars pour vivre par jour. Selon les pays, cela peut représenter une plus ou moins grande part. À titre d’exemple, en Inde ou au Nigeria, le bas de la pyramide sera beaucoup plus large que pour un pays développé comme la France. Il s’agit de toucher ces personnes, en leur vendant des produits, dont le but est d’améliorer leurs conditions et leur niveau de vie. Si l’on s’adresse à des personnes n’ayant pas accès à l’électricité, il pourra être question de leur vendre des lampes solaires. Si ce sont des personnes souffrant de carences, ce qui est souvent le cas dans les pays en développement, on pourra leur vendre des produits nutritifs ou fortifiés en fer. S’ils n’ont pas accès à l’eau, il sera possible de créer des mini réseaux, afin qu’ils puissent s’alimenter en eau directement chez eux, plutôt que de se rendre au puits.

Le second est de créer un rapport gagnant-gagnant, en initialisant des activités qui soient à la fois rentables pour l’entreprise et bénéfiques pour les clients. Ils ont accès à un produit qui leur est utile, tout en étant à un prix juste et abordable. Il ne faut pas croire qu’il s’agit là de charité ! Un des principaux préjugés qu’on peut avoir sur les ‘‘Base of the Pyramid people’’, est que leur pouvoir d’achat est trop faible pour les considérer comme une vraie base de clients, quand ils prennent en réalité des décisions d’achats, sur un budget certes limité. Pour l’entreprise derrière, qu’il s’agisse aussi bien d’un grand groupe ou d’une entreprise locale, c’est une nouvelle source d’activité qui englobe des milliards de personnes sur Terre. Imaginez vendre une lampe solaire à chaque personne à faibles revenus au Nigeria, cela représente un business significatif.

L’inclusive business, c’est donc utiliser le business au service des personnes à faibles revenus, pour améliorer leurs conditions de vie. Ce que j’aime particulièrement dans ce domaine, c’est qu’il n’est pas hypocrite. Certes, les entreprises font des bénéfices, mais cela est logique, il faut considérer les clients potentiels comme des consommateurs normaux. Comme nous, ils préfèrent largement pouvoir s’offrir quelque chose avec l’argent qu’ils ont gagné, plutôt qu’on le leur donne. Par ailleurs, le profit de ces business permet à d’autres business similaires de proliférer, et cela aide un maximum de personnes. J’apprécie ce côté gagnant-gagnant : aider l’entreprise à devenir meilleure, et que cela ait des répercussions positives des deux côtés.

Tu t’es spécialisée dans la RSE dès ton parcours à emlyon. Comment t’es venue l’envie de travailler dans ce domaine ? Y a-t-il eu un élément déclencheur ?

Lorsque je suis entrée à emlyon en 2016, je ne savais pas encore ce que je voulais faire après. Globalement, je n’étais pas très intéressée par les métiers de chiffres comme la finance, et je visualisais plutôt quelque chose autour de la gestion de projet, la stratégie ou bien le marketing. C’est en revenant de mon premier stage, au Vietnam, que j’ai eu progressivement ce souhait de contribuer à favoriser un développement sain, durable et bénéfique aux populations dans les pays en développement. J’ai alors continué à étudier ces thématiques, et réalisé que je voulais travailler dans un métier à impact social ou environnemental, pour les pays en développement. J’avais envie de le faire dans une grande structure permettant d’avoir un impact considérable, c’est pourquoi mon choix s’est tourné vers EDF pour le stage qui a suivi. Une chose en entraînant une autre, je souhaitais désormais avoir une expérience dans la microfinance – étant un pan essentiel dans le développement de ces pays, pour de nombreuses personnes à faibles revenus. J’ai alors eu cette expérience en institut de microfinance, qui m’a permis de comprendre comment fonctionnent réellement les choses sur le terrain. Tout mon parcours s’est construit au fil de l’eau. Suite à cette expérience, j’ai à nouveau voulu travailler dans un grand groupe. 

Je dirais que c’est ce premier voyage au Vietnam qui m’a fait entrer dans le bain, et a construit la base sur laquelle s’est établie tout ce qui a suivi. J’étais à Hô Chi Minh-Ville, qui est une ville relativement développée, mais cela a vraiment ouvert mes horizons. Avant le Vietnam, je n’avais vécu qu’à Angers, Paris et Lyon. Arriver dans un nouveau pays, ce fut une réelle sensation de liberté, des rencontres très sympathiques, et plein de découvertes. J’ai adoré le Vietnam et cela m’a d’autant plus attirée vers les pays en développement. Ils dégagent le sentiment que tout est encore à construire, que tout est possible. Si tu veux aller vivre à tel endroit tu peux, si tu veux monter ta boîte, c’est possible aussi. Le fait d’être témoin de l’existence de ces personnes, vivant de manière tellement plus simple que nous, m’a fait beaucoup réfléchir à ma propre vie. J’ai véritablement accroché.

Des conseils pour les étudiants qui aimeraient se lancer dans l’inclusive business ? 

Je dirais qu’il est important de bien se renseigner et de se faire une vue d’ensemble de l’écosystème. Plus on s’y intéresse, plus on découvre de nouvelles entreprises. Aujourd’hui, il est devenu plus aisé de trouver des stages, de se renseigner sur ce que l’on veut faire et dans quel domaine. Par le biais de LinkedIn, les membres commentent et partagent des posts, qui peuvent permettre de connaître de nouvelles entreprises. Il est alors possible de trouver des entreprises locales dans l’inclusive business, de se renseigner sur les personnes qui y travaillent, et éventuellement de prendre contact avec elles. Il peut être intéressant d’appeler ces personnes, qui ont réalisé leur stage dans des entreprises ou secteurs qui nous inspirent, pour avoir une meilleure vue des missions qu’ils occupent, et trouver encore de nouvelles idées. À l’époque, j’avais construit une base de données, que je remplissais au fur et à mesure, avec les nouvelles entreprises que je découvrais, et qui suscitaient mon intérêt.

As-tu des projets particuliers pour plus tard, souhaites-tu rester dans l’inclusive business ou te spécialiser dans un autre domaine ?

Je me projette sur le long-terme dans l’inclusive business et également chez Hystra, où j’apprends beaucoup, et où j’apprécie tout particulièrement les projets et les personnes avec qui je travaille. J’aimerais aussi repartir vivre dans un pays en développement, en Asie ou en Afrique ; lorsque je repense à mes expériences passées, je prends conscience que j’aimais cette vie là-bas. Je pourrais éventuellement rechercher un poste davantage sur le terrain, dans une entreprise sociale ou dans un équivalent d’Hystra à l’échelle locale. Étant donné que j’ai toujours construit mon parcours au fil de l’eau, je ne me mets pas de pression pour réfléchir à la suite, je sais qu’elle viendra en son temps.