Rencontre avec Jennifer, devenue consultante en stratégie à Bain après déjà dix années d’expérience dans la vie active.
Peux-tu brièvement résumer ton parcours ?
Après le lycée, j’ai fait une licence de Mathématique de la décision à l’Université Paris Dauphine puis j’ai passé les concours parallèles pour intégrer l’emlyon business school en 2005. J’ai effectué mon stage de césure chez HSBC, et mon stage de fin d’études chez BNP Paribas en finance de marché. Après une très brève expérience à la Société Générale, je suis retournée à la BNP, cette fois-ci à Londres en tant que trader, où je suis restée plus de 6 ans.
Même si j’appréciais beaucoup ce métier, j’avais l’impression d’être un peu bloquée au niveau de mon évolution de carrière dans ce secteur, et j’avais besoin de changement. Je suis donc partie aux Etats-Unis, faire un MBA à la Wharton School à Philadelphie. Là-bas, j’ai beaucoup appris aux côtés de gens ayant tous des expériences différentes, puis j’ai postulé dans les cabinets du Big Three pour finalement être embauchée chez Bain où je travaille depuis septembre 2018.
Pourquoi avoir choisi de te réorienter vers le Conseil en Stratégie ?
Pour être honnête, je n’avais jamais pensé du Conseil avant de faire mon MBA mais j’ai été convaincue d’y entrer par les personnes que j’ai rencontrées et qui travaillaient dans ce secteur. Pour moi, la diversité des missions, l’environnement international, les perspectives de carrière et la possibilité de se développer aussi bien sur le plan professionnel comme personnel ont été des facteurs déterminants. En effet, les cabinets de conseil sont vraiment là pour nous former et la mobilité est très forte, avec des promotions au grade supérieur tous les 1 à 2 ans : après 10, voire moins, on peut déjà être promu partner.
Comment t’es-tu préparée aux entretiens pour ces cabinets ?
Premièrement, je me suis beaucoup renseignée sur les cabinets, en appelant beaucoup de gens qui y travaillaient. Pour moi c’est essentiel de faire ce travail car je pense que la culture d’entreprise est reflétée par les gens qui y travaillent, et que c’est donc en leur parlant que l’on peut savoir si on se plaira ou pas dans leur cabinet. Par exemple, il y a certains cabinets parmi les plus prestigieux où je n’ai même pas postulé car je n’avais pas eu un bon feeling avec les contacts que j’avais eu là-bas. Finalement, je n’ai postulé qu’à deux cabinets, car c’était les seuls que je voulais vraiment.
Pour me préparer, je n’ai pas beaucoup lu d’ouvrages. En fait, je me suis directement entraînée en situation réelle, c’est-à-dire en faisant un maximum de cas en binôme avec des membres de mon groupe de travail. Il ne faut pas hésiter à se lancer directement dans des cas en live, car cela permet de voir dès le début les points sur lesquels il faut travailler et le chemin qu’il nous reste à parcourir avant d’être vraiment prêt pour passer ses vrais entretiens. Pour moi, la lecture d’ouvrages devrait même venir après ces cas en live pour répondre aux problèmes que l’on a éprouvés lors de nos entraînements.
Sachant que l’on nous donne systématiquement au préalable le nom des personnes qui nous font passer ces entretiens, je pense qu’il est important de se renseigner sur eux afin d’avoir des questions à leur poser et ainsi rendre la conversation plus dynamique. Toutefois, il est très important de rester soi-même et de ne pas s’inventer une personnalité en fonction de son interlocuteur. De toute façon, on ne recherche pas des gens qui rentrent dans un moule prédéfini, mais au contraire des gens avec des aspérités et une personnalité propre.
Que retiens-tu de tes entretiens chez Bain ?
J’ai passé mes deux premiers tours d’entretien à New-York, puisque j’étais aux États-Unis pour mon MBA à ce moment-là, puis les deux derniers à Paris. Ils duraient 45 minutes, avec 15 minutes de fit, puis 30 minutes de cas. C’était avec des partners de l’entreprise, car je postulais directement un poste de Consultant. En revanche, si vous postulez en sortie d’école, donc pour un poste d’Associate Consultant, vous serez interviewés par des gens de mon rang. Ces nombreux tours d’entretien peuvent rebuter, mais ils permettent aux cabinets de recruter de manière « objective », selon les qualités réelles des candidats et pas selon le biais d’un seul recruteur.
Selon toi, quelles sont les qualités à avoir pour intégrer un cabinet de Conseil en Stratégie comme Bain ?
Les principales qualités recherchées sont selon moi différentes selon le poste pour lequel on postule. En sortie d’école par exemple, le problem solving, c’est-à-dire la capacité à résoudre des problèmes de manière méthodique et ordonnée, est la première qualité à avoir et à montrer en entretien, au travers du cas et de ses expériences passées que l’on raconte. Il faut aussi être capable de fournir de bonnes et rigoureuses analyses, parfois dans un délai très court. La capacité à travailler efficacement en équipe et à bien communiquer sur son travail est également très importante car les équipes changent à chaque mission. Après, au fur et à mesure que l’on monte dans la hiérarchie, il faut développer des qualités en termes de relation clients, de prise de décision et de leadership. Toutefois, il est malgré tout important de montrer que l’on a des qualités relationnelles avancées peu importe le poste pour lequel on postule, car même en sortie d’école on est en interaction directe avec le sommet de la hiérarchie de l’entreprise cliente.
En revanche, il faut à tout prix éviter d’être hautain ou de poser des questions trop touchy.
Quelle est la journée type d’un consultant ?
À 9h, j’arrive au cabinet ou chez le client, et je prépare des analyses toute la matinée, puis après mon déjeuner je présente notre travail à différents départements de l’entreprise cliente et nous prenons des décisions pour la suite de la mission. Ensuite, je tire les conclusions de ces réunions et en informe toutes les personnes impactées par les décisions qui ont été prises. Puis nous réalisons un brief d’équipe pour voir quelles sont les prochaines étapes et évaluer le timing pour ce qu’il nous reste à faire avant de partir.
Qu’est-ce qui te plaît le plus et le moins dans ce métier ?
Ce qui me plaît sans doute le plus, c’est le fait d’avoir un vrai impact et de voir mes recommandations être directement appliquées dans l’entreprise cliente. C’est également très intéressant d’être constamment en interaction avec le sommet de la hiérarchie de grandes entreprises. Enfin, et on a tendance à en sous-estimer l’importance, la qualité des gens avec lesquels je travaille y est pour beaucoup dans mon épanouissement professionnel : ici chez Bain, je ressens une réelle bienveillance et une envie de me faire progresser de la part de mes collègues, et on s’amuse beaucoup lors des missions que l’on réalise ensemble.
Pour le négatif, je dirais l’imprévisibilité des horaires de travail, qui rend difficile l’organisation de sa vie sociale ou de sa vie de famille.
Toutefois, comme le métier de Consultant est difficile et exigeant, les cabinets mettent beaucoup de choses en œuvre pour nous garder : on peut travailler de chez soi quand cela est possible, partir dans un bureau du cabinet à l’étranger pour 6 à 18 mois (il est toutefois plus difficile de rejoindre les bureaux les plus prisés, pour lesquels il faut avoir de très bonnes évaluations), se faire payer un MBA pour gagner en compétences ou carrément prendre une année sabbatique.
Quelles sont selon toi les transformations en cours et à venir dans le Conseil en Stratégie ?
Les clients ont de plus en plus de besoins sur le plan digital, et les cabinets de Conseil en Stratégie sont en train de devenir des spécialistes du domaine, capables de donner vie à des projets d’envergure très rapidement. Cela à une incidence sur les types de profils recherchés et les compétences qui sont développées en interne.