Le 21 mai dernier à Turin, l’équipe féminine de football de l’Olympique Lyonnais s’impose 3-1 en finale de Ligue Des Champions face au FC Barcelone, alors tenant du titre. En 11 ans, les Fenottes (nom affectif des joueuses de l’Olympique Lyonnais) ont largement écrasé la compétition mondiale avec 8 victoires. En comparaison, l’équipe ayant remporté le plus de victoires après l’Olympique Lyonnais est Francfort avec 4 victoires, soit deux fois moins. Comment l’OL a-t-il bâti cette domination depuis dix ans malgré la concurrence de plus en plus féroce d’autres grands clubs européens ?
Par Diane Schneider,
La domination des féminines de l’Olympique Lyonnais n’est en rien le fruit d’une conjonction hasardeuse. Ces succès à répétition sont le résultat d’une stratégie spécifiquement lyonnaise reposant sur plusieurs leviers : investissements, institution forte, recrutement ambitieux et professionnalisme.
Genèse de l’Olympique Lyonnais féminin
Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais qu’il rachète en 1987 après avoir fait fortune dans l’informatique, réussit à faire grimper sa section masculine en ligue 1 et ligue européenne : l’Olympique Lyonnais masculin est 7 fois vainqueur du championnat de France de 2002 à 2008 et réalise de bonnes prestations en Ligue des Champions.
En France, le club de football de Montpellier, le MHSC, est le pionnier du football féminin en devenant le premier club professionnel à intégrer en 2001 une section féminine et à rémunérer ses joueuses. Cela grâce à son président symbolique, Louis Nicollin. Jean-Michel Aulas et la direction de l’Olympique Lyonnais choisissent de suivre cet exemple pour développer leur propre section féminine.
C’est en 2004, lorsque les compétitions au niveau européen du football féminin ne sont pas encore établies, que Jean-Michel Aulas initie ce projet ambitieux : il rachète la section féminine du FC Lyon dans le but d’en faire, avant les autres grands clubs, un géant européen sous les couleurs de l’Olympique Lyonnais. Cette stratégie porte ses fruits rapidement car la section féminine de l’OL remporte son premier championnat national (D1 Arkema) en 2007. Le club finit même par rafler tous les prochains titres à l’exception d’un, remporté par le PSG en 2021, ce qui monte à 15 leur nombre de victoires.
L’investissement humain alloué à cette section est aussi imputable à Thierry Braillard, maire adjoint de Lyon chargé des sports depuis 2001. A cette époque, la section féminine de l’Olympique Lyonnais peut compter sur un budget de 50 000 euros pour pouvoir investir dans un projet plus qu’ambitieux. Ce budget lyonnais sera multiplié par 100 en 15 ans pour pouvoir s’aligner avec le budget de la section féminine parisienne notamment (budget de 7 millions d’euros pour le PSG en 2015).
Les Lyonnaises participent à la première Ligue des champions féminine en 2010 sous le format que nous connaissons actuellement et échouent en finale contre Potsdam. L’équipe française gagne la finale de cette compétition les deux années suivantes (2011 et 2012) puis de 2016 à aujourd’hui à l’exception de 2021.
Le recrutement, la formation et la bonne gestion de l’effectif : une clé du succès
Le succès de l’équipe est en partie fondé sur un recrutement actif d’excellentes joueuses du monde entier, dans une période où seul le football masculin est le théâtre de mercatos onéreux. L’Olympique Lyonnais est pionnier dans ce domaine : en 2005, Jean-Michel Aulas recrute 6 internationales américaines que sont Aly Wagner, Hope Solo, Christie Welsh, Lorie Flair, Danielle Slaton et Jilian Nicks. C’est au tour du futur ballon d’or 2019, l’internationale américaine Megan Rapinoe, de rejoindre l’Olympique Lyonnais en 2013. Megan Rapinoe dispose d’une influence énorme aux Etats-Unis, le football (soccer) étant le sport le plus populaire chez les jeunes filles du pays. La star américaine Alex Morgan viendra ensuite rejoindre le collectif pour la saison 2016-2017.
L’équipe féminine de l’OL reste constamment compétitive au fil des années grâce à la volonté du club de mélanger stars internationales et jeunes joueuses formées au centre de formation lyonnais. En effet, l’Olympique Lyonnais possède le meilleur centre de formation pour les jeunes (le club a été élu pour la 10ème année meilleur club formateur de France). Des joueuses internationales jouant au plus haut niveau comme Amel Majri, Delphine Cascarino ou Selma Bacha sont issues de l’OL Academy situé à Meyzieu, centre de formation d’excellence. Le club choisit de faire confiance à ses jeunes pépites et de très vite les intégrer au collectif afin de les faire goûter au plus haut niveau le plus tôt possible. C’est grâce à cette stratégie que l’ailière gauche Selma Bacha, à 21 ans, est devenue une pièce maîtresse du 11 lyonnais. Ces jeunes joueuses, qui resteront au club, deviendront ensuite assez expérimentées pour pouvoir incarner les modèles de nouvelles joueuses, à la manière de la capitaine Wendie Renard.
Bien que le club rhodanien ait pris quelques années d’avance […] vis-à-vis de ses concurrents, celui-ci se fait petit à petit rattraper.
La consécration du club rhodanien est atteinte lorsque l’attaquante norvégienne phare du club, Ada Hegerberg, remporte en 2018 le tout premier ballon d’or féminin de l’histoire décerné par France Football. Le club de l’Olympique Lyonnais rentre dans l’histoire de manière tonitruante et montre au monde entier qu’il est le meilleur club au monde (l’OL venait de gagner la Ligue des Champions féminine de l’UEFA) et possède la meilleure joueuse au monde.
La concurrence étrangère : l’opportunité de développer de nouvelles stratégies
Depuis 2010, l’équipe féminine de l’Olympique Lyonnais doit composer avec une concurrence de plus en plus féroce de la part des autres mastodontes européens que sont le PSG, Chelsea, le FC Barcelone, Arsenal, Manchester City ou Wolfsburg. En effet, bien que le club rhodanien ait pris quelques années d’avance en termes de recrutement, de formation et d’investissement dans la section féminine vis-à-vis des autres clubs, celui-ci se fait rattraper petit à petit par ses concurrents. Le club de FC Barcelone est un exemple révélateur : la section féminine du FC Barcelone existe depuis 2002 mais n’est devenue professionnelle qu’en 2015. L’élément déclencheur du développement puis du succès de cette équipe est la construction du stade Johan Cruyff en 2019, destiné à l’équipe féminine. Ce stade constitue un investissement de 12 millions d’euros mais permet au club d’attirer des joueuses de classe mondiale comme l’internationale néerlandaise Lieke Martens en 2017 (Joueuse de l’année de l’UEFA 2017 et « The Best » de la FIFA 2017) ou plus récemment Lucy Bronze en 2022 (Joueuse de l’année de l’UEFA et « The Best » de la FIFA 2020).
Les clubs européens ont changé de mentalité et n’hésitent plus à dépenser des sommes importantes pour s’accaparer les meilleures joueuses. En effet, les sections féminines sont plus que rentables.
Le FC Barcelone féminin a réussi à remplir le Camp Nou (91 553 spectateurs) en quart de finale de la Champions League contre le Real Madrid, ce qui constitue un record pour un match féminin de football. Le club attire énormément de supporters et les droits télévisuels explosent. Cette ascension semblable pour Chelsea, Arsenal ou le Bayern Munich permet à ces clubs de rivaliser avec les cadors traditionnels que sont l’Olympique Lyonnais, Wolfsburg et Manchester City. Ces clubs offrent des contrats professionnels depuis seulement quelques années et la rémunération est enfin digne du talent des joueuses.
Après la lourde défaite en finale de Ligue des Champions féminin contre l’Olympique Lyonnais (4-1), Le FC Barcelone est enfin récompensé de tous ses efforts en gagnant en 2021 la compétition avec en prime, le ballon d’or desservi en 2021 et 2022 à sa meneuse de jeu fétiche, Alexia Putellas.
Les clubs européens ont changé de mentalité et n’hésitent plus à dépenser des sommes importantes pour s’accaparer les meilleures joueuses car les sections féminines sont plus que rentables.
« Il faut augmenter le budget face à la concurrence en France du PSG, l’émergence du FC Barcelone – qui a un budget nettement plus important – et les clubs anglais qui ont aussi des finances supérieures […] Nous avons pisté deux ou trois joueuses au cours des deux dernières années, et à chaque fois les joueuses sont allées à Barcelone. C’est un grand club mais aussi les offres données à ces joueuses étaient plus élevées que ce que nous avions proposé. » Jean-Michel Aulas. L’Olympique Lyonnais doit donc faire face à des clubs beaucoup plus entraînés et préparés pour les échéances européennes. Cependant Jean-Michel Aulas, icône d’un management sportif devenu stratégique, conserve quelques avances sur ses rivaux.
Le club rhodanien prend notamment un tournant médiatique en rachetant fin 2019 un des clubs constitutifs de La National Women’s Soccer League (NWSL), la ligue professionnelle américaine de soccer (football) féminin représentant le plus haut niveau du sport aux États-Unis. L’Olympique Lyonnais de Jean-Michel Aulas rachète le club de Seattle Reign FC et change son logo et son nom pour « OL Reign », référence au lion de la ville de Lyon et aux couleurs historiques du club de l’Olympique Lyonnais. Ce rachat permet de construire une filière durable et forte outre-Atlantique et donc de faciliter les transferts de joueuses (l’internationale galloise de l’OL Reign, Jessica Fishlock a joué la saison 2018-2019 en prêt à l’Olympique Lyonnais tandis que l’internationale française Eugénie Le Sommer de l’OL est prêtée pour 6 mois à l’OL Reign en mai 2021).
En définitive, la section féminine de l’Olympique Lyonnais est devenue, grâce à différents choix stratégiques, une référence mondiale dans le milieu du football féminin. Le président du club, Jean-Michel Aulas, y est pour beaucoup grâce à une politique sportive visionnaire. Les féminines de l’Olympique Lyonnais symbolisent aujourd’hui la réussite et l’excellence du sport féminin français dans le monde.