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Interview – Francis Thomine, Directeur Général de Groupama AURA

Le 13 Juillet dernier, l’OL signait l’accord du naming de son nouveau stade avec Groupama Rhône-Alpes Auvergnes. Ce projet a été porté par le directeur général de Groupama Rhône-Alpes Auvergnes, Francis Thomine. Rencontre avec un manager passionné et passionnant.

Né en 1962 en Algérie, issu d’une famille catalane, Francis Thomine grandit en Afrique jusqu’à l’âge de 12 ans. Rentré en France, il entreprend des études d’ingénieur et pratique du sport à haut niveau en tant que footballer semi-professionnel. Après parcours qui le conduit progressivement dans le monde de l’assurance (en passant par IBM, Athéna, AGF etc.), il arrive à Groupama en 2001. En 2013, il est nommé Directeur Général de Groupama Rhône-Alpes Auvergnes.

Comment décririez-vous l’entreprise Groupama ?

Créé il y a 150 ans dans le mondial, c’est un groupe qui a une longue histoire. Il fonctionne sur le modèle mutualiste ce qui implique un fort régionalisme. Cette organisation renforce les valeurs de proximité et de solidarité. Ce ne sont pas des idées galvaudées ; dans le modèle de Groupama ce sont des concepts très ancrés. Il y a une autre notion dans le mutualisme qui est intéressante, c’est la notion de responsabilité. Le mutualisme n’exclut pas la performance et le profit, bien au contraire.

La grande différence avec le capitalisme classique c’est que l’argent gagné n’est pas reversé sous forme de dividende à des fonds de pensions étrangers, des institutionnels, ou des spéculateurs. Chez Groupama, les profits sont  réinjectés dans l’économie locale, dans nos régions, pour nos sociétaires, auprès de nos salariés. Cela passe par les infrastructures et par la capacité d’embaucher des gens dans leur région, dans leur territoire.

Groupama c’est aussi beaucoup de convivialité, la joie de se retrouver autour d’un bon vin et des produits de nos terroirs.  Voilà un peu ce groupe attachant au sein duquel on peut passer de très belles années.

Vous avez été l’acteur central du naming du Groupama Stadium. Que retirez-vous de cette expérience ?

Prendre le naming d’un grand stade est un projet exceptionnel dans une carrière. Ça a été une bataille de tous les instants : une bataille pour sortir de la « short list » et entrer en négociation exclusive, une bataille pendant la négociation sur les différents aspects du contrat, mais aussi une bataille en interne au sein du Groupe. La marque n’appartient pas à la caisse régionale mais à la collectivité du Groupe, nous avions donc besoin de l’accord de l’échelon national. Une entreprise comme Groupama Rhône-Alpes Auvergnes, c’est une entreprise de plein exercice, avec son conseil d’administration, etc. Mais il y a des règles régaliennes et on ne peut pas faire n’importe quoi, notamment avec la marque.

J’en retire aussi le résultat final : nous avons réussi. C’est une fierté d’apposer le nom de Groupama sur ce stade. Plus qu’un stade, c’est un vrai lieu de vie, un lieu de rencontre. On y pratique du sport, on y organise des évènements culturels et des concerts. Au-delà de ces loisirs, le stade est une plateforme de business, de réseaux et de rencontres. Cette initiative de Groupama Rhône-Alpes Auvergnes ancre notre nom dans la région et apporte un rayonnement national, de la notoriété et valorise notre marque. Aujourd’hui, Groupama garde ses racines agricoles mais couvre également les autres marchés : particuliers, retraités, artisans, commerçants, producteurs de biens et de services, grandes entreprises, collectivité, …  Nous couvrons toute l’économie du territoire et ce stade représente notre territoire. Ce naming, s’imposait comme une évidence.

Qu’est-ce qui vous a permis d’aller jusqu’au bout de ce naming ?

Pour mener une aventure comme celle-ci, il faut avoir la conviction du bien-fondé du projet, la persévérance, un business plan solide et une capacité à emmener les gens avec soi.

Vous étiez footballeur semi-professionnel dans votre jeunesse. Aujourd’hui vous signez le naming du stade. Avez-vous gardez un lien fort avec le foot ?

Je suis passionné du sport avec une préférence pour les sports collectifs.  Le sport apporte une hygiène de vie, développe l’esprit d’équipe, la notion de performance, la rigueur et l’exigence. Toutes ces capacités sont utiles dans la vie professionnelle.

Quels liens faites-vous entre les équipes sportives et les équipes en entreprise?

Dans les deux cas, pour atteindre une performance, il faut se faire confiance mutuellement, tout en étant exigeants les uns envers les autres. J’ai la conviction que les bons résultats ne viennent pas d’une bonne ambiance : ce sont les bons résultats qui apportent une bonne ambiance. Les échecs nuisent à l’entente du groupe, même si l’amitié existe en dehors de l’équipe ou du travail. J’en ai fait l’expérience en montant une équipe avec une bande de bons copains. Tous les week-ends on se prenait des raclées ! Il a fallu arrêter pour ne pas fragiliser notre amitié.

Dans les sports et l’entreprise, on apprend la rigueur et le leadership. La rigueur dans l’effort, la rigueur les engagements que l’on prend, la rigueur du respect de l’autre et des consignes qu’on te donne.  Et le leadership à travers le capitanat ou les rôles de management. Le leader n‘utilise pas les barrettes et le règlement mais plutôt sa capacité d’entrainer, de donner de la vision, d’expliquer et de donner du sens. En donnant du sens via les objectifs et la stratégie, on décuple la performance, que ce soit dans l’entreprise ou sur le terrain.

Enfin, on retrouve dans ces deux univers la notion du collectif. Le collectif c’est être capable, avec des personnes parfois très différentes, de construire un groupe capable d’avancer vers la réussite.

Comment faire tenir l’équipe quand les échecs s’accumulent ?

On peut changer des joueurs, changer d’organisation ou de technique de jeu. Parfois, il faut aussi savoir de descendre de niveau si on joue trop haut.

Il faut un succès, n’importe lequel.  Cela commence par la capacité de se réunir pour dire les choses.  En acceptant de se remettre en cause soi-même, pour être légitime quand il faudra demander à l’autre de s’améliorer. Manager c’est amener une personne, par des instructions et un coaching adapté, à se dépasser et aller au-delà de ce qu’elle pense pouvoir faire. Un bon manager peut amener des résultats étonnants. Il ne faut pas avoir peur de rechercher la performance. Elle importante et bénéfique, à condition de la rechercher avec passion, respect et bienveillance envers les personnes. Et il est aussi fondamental de savoir partager les résultats, et de les fêter. On ne fête pas assez les résultats.

L’esprit d’équipe ça ne se décrète pas. Il faut le construire. C’est un effort, une capacité à dépasser la zone de confort pour aller chercher l’autre dans ce qu’il a de plus intéressant et de plus profond.

Quelle est la place du leader dans l’équipe ?

Je ne crois pas à la notion de « un parmi les autres ». Le leader c’est un mobilisateur, un entraineur entrainant. Le leader s’intéresse à son équipe, à chaque individu qui la compose. Il a comme objectif de faire progresser ses collaborateurs et de faire en sorte que la personne se révèle sur le plan professionnel.

[ENCART ?] Le manager, c’est l’équilibre des trois C. Un tiers de conceptuel, c’est à dire être capable de construire une vision, de donner du sens. Un tiers de cœur, pour avoir de l’humanisme, respecter et accompagner les gens dans les difficultés. Un tiers de courage, car il en faut pour dire aux gens ce qui ne va pas. Il en faut aussi pour les remercier. Le leader ne doit pas avoir trop de pudeur, pour ne pas avoir peur d’entrer en communication honnête avec les autres.

Il existe beaucoup de conseils pour apprendre à manager ses équipes, mais on parle rarement de la place des équipiers.

Un bon équipier c’est une personne qui va se respecter soi-même, respecter son travail et s’engager dans sa mission. Ensuite il va respecter les règles de la collectivité, même si il a le droit de les challenger. Un bon équipier c’est aussi quelqu’un qui est capable de prendre des initiatives. On a trop tendance à attendre l’ordre. L’équipier n’a pas peur d’agir et voit au-delà du risque de l’échec. Il saura tirer du positif de ses erreurs et se corriger pour ne pas les reproduire.

Pour apporter quelque chose à l’équipe, il faut savoir écouter, appliquer, être force de proposition, apporter de la valeur ajoutée et donc contribuer à la réussite de l’équipe en dégageant du positif.

Et il n’y a pas de petits éléments dans l’équipe. Dans mon entreprise, il y en a qui sont au courrier, d’autres sont commerciaux. On pourrait se dire que le commercial est beaucoup plus important, mais ce serait une erreur. Si la personne qui distribue le courrier se trompe ou oublie, toute la chaine de service va être impactée. Il y a des équipiers qui ne se voient pas, qui sont dans l’ombre mais ils ont toujours un rôle important.

Qui sont les membres de votre équipe ?

Mon équipe commence avec mes directeurs, mais elle ne s’arrête pas là. Les 2 000 salariés font partie de mon équipe. Et j’essaie de prêter autant d’attention à celui qui est au courrier qu’à mon général adjoint. Comme dans le corps, chaque cellule est importante.

Avec mes directeurs, je vais essayer d’être attentif à ce qu’ils aillent bien, je les écoute, je propose des axes de réflexion s’ils pensent que nous partons dans la mauvaise direction. Il faut créer le débat et faire en sorte que l’on s’écoute les uns les autres pour arriver à une décision collégiale. Si cela ne fonctionne pas, je tranche, mais c’est rare.

J’essaye aussi de toujours m’entourer d’équipiers loyaux, honnêtes et légitimes dans leur rôle. Je me permets de leur demander  beaucoup, parce que je suis d’abord extrêmement exigeant envers moi-même, je ne me ménage pas. Donc j’ai tendance à ne pas les ménager, c’est le revers de la médaille. Il faut trouver le juste milieu pour que l’élastique ne casse pas. Et pour ne pas que l’élastique casse, il ne faut pas être en mode élastique !  

Je dirige cette entreprise, comme si c’était la mienne. Sauf que ce n’est pas la mienne. C’est une situation comparable à celle d’un enfant qui t’est confié pour un soir, pour une semaine. Tu vas vouloir le rendre aux parents au moins dans le même état qu’il te l’on confié, voire mieux ! Il aura bronzé, appris des choses et grandi ! Quand je quitterai l’entreprise, je voudrai que les gens qui la récupèrent disent « il nous a rendu un beau bébé ». Avec les salariés, c’est un peu pareil. Je ne suis pas paternaliste, mais je suis attentif à ce qu’ils se sentent bien dans l’entreprise. Notre modèle d’entreprise, notre matière première, c’est l’humain. Et si l’humain ne va pas bien, la prestation de service ne va pas être bonne.


Les 5 critères d’épanouissement professionnel.

  • Le premier ce sont les valeurs. Est-ce que moi, en tant que collaborateur, je suis en harmonie avec les valeurs de l’entreprise. Quand tu es le dirigeant, c’est toi qui pousse les valeurs, il vaut mieux que ce soit les mêmes que les tiennes !
  • La deuxième chose, c’est le métier. Est-ce que je me sens bien dans les missions que j’exerce au quotidien.
  • La personne ou la structure à qui on rend compte.
  • Les collègues. Si tu viens le matin déguisé parce que tu ne veux pas être reconnu, c’est embêtant ! Il faut se sentir respecté et respecter les autres.
  • La rémunération. Est-ce que ta rémunération est en adéquation avec la valeur ajoutée que tu apportes ?