Face aux évolutions sociétales et légales, et sur la base d’études économiques démontrant les bienfaits de la diversité d’une entreprise sur sa performance, PwC a placé les questions de diversité et d’inclusion au cœur de sa stratégie. Afin de découvrir les actions mises en œuvre par le cabinet d’audit et de conseil ainsi que leurs effets, Le M a interrogé Isabelle Carradine, associée chez PwC en stratégie achats et transformation digitale et membre du comité de direction du consulting en charge de l’inclusion des diversités.
Propos recueillis par Léana Delaitre,
Pour PwC, que signifie agir pour la diversité et l’inclusion ?
Pour PwC, cela signifie être reconnu mondialement comme un acteur au service de ces valeurs. Nous agissons à 3 niveaux pour assurer ce succès. D’une part, nous développons auprès de nos équipes et de nos collaborateurs une culture inclusive, grâce à un environnement de travail adapté, c’est-à-dire ouvert, tolérant et qui favorise la diversité.. Cela permet aussi d’affirmer notre alignement sur la société, et prouve que nous pouvons aider nos clients à développer cette culture au sein de leurs entreprises. D’autre part, nos nombreux partenariats avec des écoles ou des associations nous permettent de rayonner et de mettre en place des actions sociétales et d’organiser des ateliers de prises de parole afin de favoriser le questionnement de ces sujets.
Pouvez-vous nous donner un exemple d’action entreprise par PWC dans le but de favoriser l’inclusion et la diversité ?
Il y a quelques semaines, nous avons signé un partenariat avec l’Inclusion, une structure qui nous permet de travailler sur nos projets avec des collaborateurs freelances en situation de handicap. Nous travaillons aussi avec l’Autre Cercle, une structure qui œuvre en faveur des travailleurs LGBTQIA+.
Vous avez récemment lancé The New Equation, une stratégie mondiale visant à uniformiser les lieux de travail de PwC. Comment conciliez-vous cette politique à celle de la diversité ?
The New Equation, c’est avant tout évoluer avec la société. Nous travaillons notamment sur 3 piliers : la technologie, la RSE, et l’inclusion des diversités. Notre but est de standardiser ces piliers et ces valeurs dans tous nos bureaux au niveau mondial.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi PwC s’est lancé sur cette voie ?
Les études économiques montrent les bienfaits de la diversité d’une entreprise sur sa performance. Le lien entre la présence des femmes dans les comités d’entreprises du CAC40 et leur performance a notamment été remarqué. Dans les entreprises anglo-saxonnes, un lien similaire s’observe entre la diversité ethnique de l’entreprise et ses performances. D’un autre côté, la société et les profils de nos clients évoluent. Il est donc naturel d’évoluer dans cette direction. La raison est également légale : la loi Rixain vient, par exemple, d’être promulguée. Notre programme de diversité et inclusion est réfléchi au niveau du Comex, c’est-à-dire au niveau stratégique.
Quels sont les programmes développés par PwC qui supportent cet objectif stratégique ?
Tout d’abord, nous avons mis en place une formation certifiante de 10 heures sur la culture inclusive destinée à tous nos collaborateurs au niveau mondial. Ensuite, nous avons développé un programme équité femmes-hommes, le programme Seed, qui offre des séances de coaching aux femmes afin de les aider à prendre leur place dans l’entreprise. Nous les formons au leadership au féminin et nous œuvrons pour faciliter la parentalité de tous nos collaborateurs. Nous organisons aussi des rencontres inspirantes avec des “role models”.
PwC a également développé un programme LGBT, appelé Shine, qui vise à libérer la parole et à se créer des alliés dans l’entreprise, pour aider les personnes LGBT lors de situations irrespectueuses, et pour qu’ils trouvent leur place dans l’entreprise.
La Mission Handicap et son réseau de référents permettent de venir en aide aux personnels handicapés ou atteints de maladies chroniques ou longues. Nous avons été récompensés par le label Cancer at Work pour l’accompagnement de nos collaborateurs durant leurs maladies de longue durée.
Comment mesurez-vous le succès de cette politique d’inclusivité ?
Nous mesurons le succès de cette politique grâce à une baseline de 7 indicateurs, les principaux étant sur les femmes, le handicap et les collaborateurs LGBT. Nous suivons l’évolution du nombre de nos collaboratrices et de nos collaborateurs handicapés, nous veillons à l’équité des salaires, etc. Nous avons également mis en place un index inclusion, basé sur notre enquête de satisfaction, la People Survey, au niveau mondial. Depuis 1 an, nous constatons des évolutions très positives au sein de l’entreprise, même si des progrès restent à faire. Nous estimons que des paliers décisifs seront franchis d’ici 5 ou 10 ans.
Peut-on observer une différence en matière de diversité chez PwC entre le début du programme et maintenant ?
Les premières actions prises l’ont été auprès des LGBT+. Il y a deux ans, nos collaborateurs n’osaient pas parler de leur vie personnelle. Nos actions, notamment les “role models”, ont montré aux jeunes qu’il était possible de réussir en étant différent. Sur le handicap, même si c’est moins visible, nous sommes fortement engagés dans le recrutement de personnels handicapés. Et pour les femmes, il y a eu une véritable transformation. L’environnement sécurisant, et notamment nos women-in, ont permis d’échanger sur nos tabous au travail comme les enfants, la famille, etc.
Comment cette politique se retrouve-t-elle dans vos recrutements ?
Nous nous assurons de recruter à peu près le même nombre d’hommes et de femmes. Nous veillons à ce que cette parité soit aussi assurée dans nos processus d’évaluation. En ce qui concerne le handicap, il est très difficile de recruter du personnel handicapé, c’est pour cela que nous travaillons avec une structure qui forme du personnel handicapé, particulièrement dans les métiers de l’informatique, souvent sujets au travail à distance.
Pensez-vous que certains potentiels collaborateurs ne postulent pas chez vous par peur de ne pas être accepté, en raison de leur handicap ou de leur ethnie ?
C’est malheureusement le cas, et c’est pourquoi nous travaillons avec l’Inclusion. Ils sont référencés et nous mettent en relation avec des personnes qui n’auraient pas pensé à postuler chez nous. Nous réfléchissons à adopter un portail de recrutement handicap, pour les encourager à se lancer.
Que diriez-vous à une personne qui n’ose pas postuler ?
Nous avons des objectifs extrêmement fermes et ambitieux en matière de recrutement de personnel handicapés, et nous avons toutes les infrastructures d’accueil nécessaires. PWC a une véritable culture d’inclusion, nos clients nous disent ressentir cette différence vis-à-vis de nos concurrents.
Quels sont les défis de PwC en matière d’inclusion dans les années à venir ?
Il y a un gros chantier parentalité : aujourd’hui, les collaborateurs qui ont des enfants veulent pouvoir profiter de leur vie de famille, dîner avec eux, partir en vacances, etc. Nous proposons donc de nouveaux parcours parentalité à nos collaborateurs parents. Le handicap est aussi un gros défi, il faut que nous attirions plus de collaborateurs avec des handicaps.
En parlant de parentalité, on entend de plus en plus de témoignages de jeunes, et particulièrement de jeunes femmes, qui ne veulent pas d’enfant pour privilégier leur carrière. Que leur répondez-vous?
L’entreprise s’adapte aux collaborateurs. Quelqu’un avec de l’ambition ne doit pas avoir besoin de sacrifier sa vie de famille. Michelle Obama a évoqué lors d’une récente interview l’importance de conserver ses liens avec ses amis, sa famille, et sa passion, même lorsque l’on a un travail prenant. Selon elle, les femmes d’aujourd’hui ont compris qu’elles pouvaient tout avoir, mais pas qu’elles ne pouvaient pas tout avoir en même temps. Elles n’ont plus un moment et un environnement sécurisant où échanger avec leurs proches sur leur journée, ou leurs problèmes, car elles veulent être partout, tout le temps. Ce moment d’échange et de détente est pourtant capital ! Les hommes ont, eux, conservé l’habitude de s’aménager des moments avec leurs amis, pour pratiquer un sport ou boire un verre. C’est aussi pour cela que nous avons institutionnalisé les women-in, pour créer des moments d’échanges. Au contraire, les jeunes devraient avoir une famille et des amis, car il faut équilibrer son travail, et l’on réussi d’autant mieux que l’on a une vie équilibrée ! Les jeunes femmes n’ont pas à choisir entre les deux.