L’Ukraine possède la plus grande superficie de terres arables d’Europe. Elle occupe la cinquième place dans le classement des pays exportateurs mondiaux de céréales. En 2020, les principaux produits exportés par l’Ukraine étaient les graines de tournesol (10,8 % des exportations), le maïs (9,9%), le fer (8,6%), le blé (7,3%), l’acier et les huiles. En somme, 12% des exportations mondiales de céréales venaient d’Ukraine. De son côté, la Russie est devenue en 2016 le premier exportateur mondial de blé et représentait 20% des exportations mondiales dans le cumul de la période 2016-2021. Comment ce conflit régional peut-il ébranler l’industrie agro-alimentaire française ?
Par Sara Zoufi, membre de Diplo’mates
En affirmant qu’il « fallait s’attendre au pire », Emmanuel Macron, le Président de la République Française, ne faisait pas référence à l’agriculture. Pourtant, les conséquences de la guerre en Ukraine sur l’industrie agro-alimentaire sont particulièrement visibles.
Tout d’abord, il faut rappeler que l’Ukraine entretient une relation très étroite avec l’Union européenne et surtout avec Paris. En effet, le total des échanges commerciaux entre la France et l’Ukraine atteignait 2,1 milliards d’euros en 2021 (contre 1,6 milliards d’euros en 2020). Cela concerne surtout les échanges agro-alimentaires du fait de la place de producteur qu’occupe Kiev, notamment géographiquement, et du besoin de Paris en la matière.
Plusieurs groupes agro-alimentaires français sont implantés en Ukraine et en Russie : Danone, Lactalis et Savencia pour les produits laitiers, Soufflet, Malteurop et Limagrain pour les céréales et les sémences. Tour à tour, ces entreprises se sont implantées pour bénéficier d’une “nouvelle frontière des affaires”. Aujourd’hui, la guerre ébranle leurs certitudes. L’ampleur du conflit qui a débuté le 24 février 2022, n’a cessé d’augmenter – de plus en plus de bombes sont lâchées, de plus en plus d’Ukrainiens quittent leur pays. La situation dans la région devient de plus en plus instable.
Si le but des entreprises est de “continuer leurs activités”, la guerre risque d’entraîner une crise alimentaire dans les pays qui dépendent des exportations de l’Ukraine et de la Russie, c’est d’ailleurs peut-être déjà le cas… Le Programme alimentaire mondial (PAM) affirme que “les balles et les bombes en Ukraine peuvent amener la crise alimentaire mondiale à des niveaux jamais vus auparavant” risquant de provoquer une pénurie mondiale. Une guerre aussi importante en Ukraine a paradoxalement fait apparaître la faim dans le « grenier de l’Europe ».
Néanmoins, si de nombreux Etats sont dépendants du blé ukrainien, et risquent alors une vraie pénurie alimentaire, c’est plutôt la stratégie agricole européenne qui doit être questionnée. L’Europe a effectivement les capacités de produire davantage mais ne souhaite pas, semble-t-il, produire à hauteur de ses capacités maximales. C’est bien ce que la présidente de la FNSEA (la Fédération nationale des syndicats d’exploitants) Christiane Lambert affirme : « l’Europe dit que nous n’allons pas produire 4% de nos sols » au nom de la protection de l’environnement.
Il apparaît dès lors que cette guerre meurtrière qui déchire l’Ukraine a des conséquences sur la stabilité et la sécurité alimentaire en France, en Europe mais aussi dans le monde. Alors que l’Ukraine et la Russie représentent, à elles-seules, ⅓ des exportations mondiales de blé – qui s’élèvent à 190 millions de tonnes sur une production totale de 800 millions de tonnes – le monde entier est fortement touché et déstabilisé par cette crise dont les conséquences ne se résument assurément pas seulement aux pertes humaines et économiques. La crise de l’industrie agroalimentaire qui en résulte en est l’un des nombreux exemples.