Le marché du luxe africain se révèle aujourd’hui essentiel dans la stratégie des marques de luxe, à la fois pour les marques occidentales telles que LVMH et Richemont -qui se partagent 60% des points de vente du secteur- mais aussi pour les marques locales telles que l’enseigne de joaillerie Vanleles Diamonds ou le styliste africain Laduma Ngxokolo. Fort d’une croissance annuelle d’en moyenne 10%, ce marché représente à la fois un enjeu stratégique et un moteur pour les initiatives régionales.
Par Valentine Reichert, Lux’em
Un marché en expansion
Le secteur du luxe en Afrique représentait déjà 3% du marché mondial en 2016, générant 5,9 milliards de dollars. Depuis, ce marché n’a cessé de se développer, profitant de facteurs socio-économiques et démographiques favorables. Tout d’abord, l’émergence d’une classe aisée en Afrique subsaharienne a créé une nouvelle clientèle très attractive pour les Maisons de luxe. Cette classe des High Net Worth (HNW) tend à croître et pourrait compter 198 000 clients d’ici 2026. De plus, la population africaine tend également à rajeunir : la moitié des habitants sont aujourd’hui âgés de moins de 20 ans.
Ces caractéristiques représentent une opportunité pour les Maisons de luxe qui se positionnent déjà sur des territoires à fort potentiel. Notamment l’Angola et le Nigéria, destinations de choix grâce à leurs revenus provenant de l’industrie pétrolière, qui ont vu Prada, Zegna ou encore Armani ouvrir des points de vente ces dernières années. Des concessions Porsche ont également été implantées dans les pays africains comptant les plus importants taux d’augmentation des fortunes particulières (High Net Worth Individual) tels que l’Afrique du Sud, le Kenya ou l’Egypte. D’autres marques ne souhaitant pas encore s’engager directement sur le continent africain choisissent de passer par des corners ou des boutiques, auxquels elles attribuent des licences pour la distribution de leurs produits. C’est le cas des Maisons Christian Louboutin et Balenciaga, mais aussi de l’horloger Rolex ou encore du joaillier Chopard.
L’engagement des femmes africaines
L’expansion du marché du luxe en Afrique découle également de l’engagement important des femmes, à la fois en tant que clientes mais aussi entrepreneures du secteur. Le développement de l’entrepreneuriat féminin en Afrique subsaharienne a permis l’émergence d’une nouvelle classe de consommatrices. En effet, 96% des étudiantes africaines déclarent considérer l’entrepreneuriat comme un choix de carrière possible d’après l’étude Women in Africa datant de 2019. Cette nouvelle tendance a donné lieu à l’émergence rapide de créatrices et femmes d’affaires africaines dans l’industrie du luxe qui n’hésitent pas à venir à la rencontre des marques françaises. Une délégation composée d’une quinzaine d’ « entrepreneuses » nigérianes est venue passer quelques jours à Paris en 2019 dans le but de rencontrer les présidentes de grandes Maisons françaises telles que Chanel, Puiforcat ou Mellerio. Les participantes ont pu présenter leurs projets et profiter des liens tissés pendant ce voyage pour bénéficier d’un appui de ces marques dans le développement de leur projet.
L’exemple de Jendaya
Le développement et la démocratisation du numérique offrent également des opportunités pour le continent africain par le biais de plateformes e-commerce.
Fondée par l’entrepreneur britannique Ayotunde Rufai, la plateforme Jendaya a pour mission de répondre aux besoins des consommateurs africains en quête de vêtements de luxe et de promouvoir les créateurs du continent. La marketplace lancée en 2021 ne s’arrête cependant pas aux consommateurs africains, et permet également aux acheteurs du reste du monde de se procurer des vêtements et accessoires de grandes Maisons africaines et occidentales. Afin de mettre en avant les créations africaines, Jendaya travaille aux côtés de labels locaux tels que Rich Mnisi, Imad Eduso ou AAKS, marques de vêtements et accessoires s’inspirant de l’héritage culturel des pays africains dans la conception de leurs pièces. Finalement, la plateforme multi-marques met en avant la valeur de durabilité et soutient une approche plus lente (en opposition à la fast-fashion) du luxe en encourageant les pré-commandes. Elle cherche également à distribuer davantage de licences de marques éco-responsables dans une perspective de développement durable.
Alara, temple du luxe en Afrique
Au cœur de Lagos, capitale du Nigéria et hub créatif de l’Afrique de l’Ouest, le concept store Alara propose de multiples articles de luxe au sein d’un vaste complexe. En plus des espaces d’exposition et de vente, Alara comprend un restaurant ainsi que des espaces de rendez-vous d’affaires, et est rapidement devenu une référence au-delà des frontières nigérianes. L’établissement ambitionne de devenir un des leaders de l’industrie du luxe en Afrique, en axant ses stratégies sur la compréhension fine des comportements des consommateurs du continent. Alara se différencie par un mélange des cultures grâce aux relations de sa fondatrice Reni Folawiyo, d’une part avec les entrepreneurs africains et d’autre part avec les représentants commerciaux des marques de luxe occidentales. Ce concept store ouvert au monde et promouvant les créations africaines vise à devenir une référence mondiale dans la vente d’articles de luxe, promouvant la découverte de créations originales auprès des élites du monde entier et ouvrant la voie au développement du marché du luxe en Afrique.
Le développement de l’industrie du luxe sur le continent africain connaît une croissance importante depuis plusieurs années sous l’impulsion de multiples acteurs et des évolutions technologiques. Les créateurs, les entrepreneurs et les consommateurs auront tous un rôle significatif à jouer afin d’exploiter tout le potentiel de ce territoire dans les prochaines années.
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