Le 13 janvier, Emmanuel Macron annonçait devant un parterre de présidents d’Universités vouloir « rendre payantes les universités ». Le mot s’est vite répandu sur les réseaux sociaux et a occasionné levées de boucliers et indignations de toutes parts dans l’opinion publique, ainsi que parmi les premiers concernés, étudiants et professeurs.
Mais comme souvent, la controverse a pris le pas sur la réalité, et le président n’a jamais réellement déclaré vouloir rendre l’Université payante. En tous cas, pas en ces termes, et pas de manière aussi péremptoire. Interrogé sur la précarité étudiante, il répond : « On ne pourra pas rester durablement dans un système où, l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants, où un tiers des étudiants sont considérés comme boursiers et où pourtant nous avons tant de précarité étudiante et une difficulté à financer un modèle qui est beaucoup plus financé sur l’argent public que partout dans le monde, pour répondre à la compétition internationale ». Reste que cette récente polémique nous permet de revenir sur le sujet des frais de scolarité à l’Université, et de rassembler des éléments utiles à tout un chacun afin de se positionner sur cette épineuse question.
Si la France fait encore exception dans le monde, offrant des études supérieures gratuites pour tous à l’Université, ce n’est pas la première fois que l’on entend parler d’un changement de cap à ce sujet-là. Déjà en 2018, bien avant la crise du covid qui a fait surgir le sujet de la précarité étudiante, Emmanuel Macron envisageait d’augmenter les frais de scolarités pour les étudiants étrangers (passant de 170€ annuels en licence à 2770€ et de 243€ à 3770€ en master). Et déjà à l’époque, indignation de tous partis. Mais l’exception française est-elle véritablement en danger ? Peut-on passer d’un modèle totalement gratuit à un autre, payant, en l’espace d’un mandat présidentiel ?
L’Angleterre de la fin du siècle dernier nous donne un exemple probant des dérives d’une politique visant à faire de l’éducation un service public payant. Totalement gratuite jusqu’en 1997, l’Université anglaise est rendue payante par Tony Blair, qui instaure des frais de scolarité plafonnés à 1000 livres par an. Rapidement pourtant, le gouvernement réalise que ce plafond ne suffit pas à couvrir les dépenses de financement de l’éducation supérieure, et la surenchère démarre. De mille livres en 1997, on passe à près de 10 000 en 2020. Et pour les étudiants étrangers, il faut compter deux, voire trois fois ce tarif, selon le niveau d’études. Mais ce système semble montrer ses limites : les universités britanniques sont désormais dépendantes de leurs étudiants étrangers, et notamment chinois, qui représentent une majeure partie de leurs revenus.
La hausse généralisée des frais de scolarité ne semble donc pas être une solution pérenne. Il s’agirait alors de viser des formations plus “professionnalisantes”, aux débouchés quasi certains, et d’en augmenter les droits d’entrée. Car il faut raison garder : l’Université française regorge de parcours d’exceptions, qu’ils soient considérés, ou peu connus en dehors d’une niche bien spécifique, mais reconnus dans le monde entier. L’exemple du master « El Karoui » (Master 2 Probabilités et Finance) de l’Université Paris-IV, récemment commenté dans Le Monde, est frappant : la majorité des alumni trouvent une place dans les plus hautes sphères du monde de la finance londonienne. Un sort pourtant réservé, dans l’imaginaire collectif, aux meilleurs étudiants issus des grandes écoles de commerce et d’ingénieurs.
Dans ce cas-là, ne serait-il pas possible d’envisager une hausse des frais de scolarité pour une certaine frange des formations dispensées à l’Université ? Car au vu des enjeux actuels, la question du financement de l’Université mérite d’être posée, et la balayer d’un revers de main n’est certainement pas la solution. L’excellence universitaire à la française existe bien, n’en déplaise aux détracteurs du système en vigueur, mais qui pourra lui donner un prix ?