Pauline Richard : Bonjour Jade, peux-tu commencer par te présenter ?
Jade Nguyen : Je suis actuellement en deuxième année du Programme Grande École d’emlyon business school, que j’ai intégrée après trois ans de classes préparatoires littéraires, spécialité anglais, à Henri IV. Suite à ma première année, j’ai effectué un stage de 6 mois au Centre Pompidou dans le service du développement des publics et de la vente, et plus particulièrement le service des adhésions.
P.R : Durant ton stage au Centre Pompidou, quelles missions as-tu été amenée à réaliser ?
J.N : Mon stage comprenait tout d’abord une mission d’animation du programme d’adhésion. En effet, le Centre Pompidou dispose d’une base de plus de 40 000 adhérents en France, et pas seulement basés à Paris. Le service propose des animations, des soirées, des inaugurations dédiées aux adhérents, comme par exemple des créations artistiques collaboratives avec des artistes. Durant mon stage, mon rôle a été d’assurer le lien entre la programmation et les adhérents. J’ai participé à l’animation régulière du programme, en éditant par exemple la newsletter mensuelle. J’ai également travaillé sur le développement de partenariats, avec des musées (le musée du Louvre, le Palais de Tokyo, etc.) ou d’autres institutions (l’Opéra de Paris, le théâtre de l’Odéon, etc.). Via ces partenariats, nous proposons à nos adhérents des réductions pour certains événements culturels ou encore des journées porte-ouvertes. Durant mon stage, j’ai été chargée de développer de A à Z de nouveaux partenariats avec des écoles supérieures – dont emlyon business school – afin de proposer aux étudiants des tarifs préférentiels. C’était assez gratifiant de pouvoir offrir cela à mon école par l’intermédiaire de notre partenariat avec verbat’em. J’espère que les étudiants d’emlyon seront nombreux à en profiter. Enfin, j’ai également effectué des missions plus ponctuelles, comme la réalisation de benchmarks et d’analyses des différentes campagnes que nous avons menées.
P.R : Un projet t’a-t-il particulièrement marqué ?
J.N : J’ai eu la chance d’arriver à un moment assez intéressant dans l’histoire du programme d’adhésion du Centre Pompidou. J’ai pu contribuer à la refonte complète de l’identité visuelle et de certains aspects du programme d’adhésion. Le Centre Pompidou a effectué une refonte complète de son site internet, et j’ai donc aidé à élaborer les pages d’adhésion sur celui-ci. C’était très intéressant car j’ai pu mettre à profit mes compétences en rédaction et en anglais. En parallèle de la refonte du service d’adhésion, il y avait vraiment une volonté d’ouvrir davantage l’adhésion aux moins de 26 ans. C’est pourquoi nous avons mené une étude tout à fait intéressante auprès d’un panel de jeunes, afin de sonder leurs envies, leurs attentes, et leur rapport au Centre Pompidou. Mon stage a donc été une expérience qui m’a particulièrement apporté en me permettant d’acquérir des compétences en prise de décision sur certains axes stratégiques. J’ai également apprécié l’autonomie et la prise d’initiative qui m’a été accordée sur le développement des partenariats avec des écoles. Chaque partenariat était particulier, de la prise de contact à la négociation finale.
P.R : Quelles stratégies compte mettre en place le Centre Pompidou afin de rajeunir sa cible adhérente ?
Pour atteindre cette cible, nous avons repensé certaines animations du programme d’adhésion. Par exemple, nous sommes en train de travailler sur le développement d’événements d’éloquence, avec des ateliers de débats liés aux œuvres d’art, ainsi que des ateliers d’écriture. Le but est que l’adhérent participe non seulement à la vie du musée, mais qu’il s’enrichisse également en termes de compétences. Il est très intéressant d’allier le culturel à cette idée de formations/enrichissement/apprentissage. De plus, la refonte de l’identité visuelle avait pour but de moderniser et dynamiser l’image du musée, dans le but de séduire la cible des moins de 26 ans. En outre, les adhérents peuvent bénéficier de nombreux avantages : en plus de tarifs préférentiels et d’un accès prioritaire au musée, nous leur proposons une offre riche et variée. Il y a des temps où le Centre Pompidou est réservé uniquement aux adhérents pour des soirées ou des inaugurations. Par ailleurs, l’ensemble de la programmation cinéma est gratuite pour les adhérents avec des invitations ponctuelles pour des avants premières, grâce à notre partenariat avec les Inrockuptibles par exemple.
P.R : Comment as-tu développé ton parcours et ton ambition de travailler dans le secteur culturel ?
J.N : La culture a toujours fait partie de mon parcours, à commencer par ma formation littéraire dès le baccalauréat. J’ai toujours baigné dans l’art, mais c’est mon passage de la classe préparatoire à l’école de commerce qui a réellement marqué un tournant dans mon ambition. Cela a entraîné un réel questionnement sur mon futur et sur mes objectifs. J’ai décidé que je voulais travailler dans la culture en développant une double compétence reconnue : à la fois opérationnelle, commerciale, managériale, et artistique, en suivant une licence en histoire de l’art à l’université Lyon 2. Mon stage au Centre Pompidou a confirmé cette orientation. Et puis au-delà du parcours académique, c’est vraiment quelque chose qui me passionne ! Je me suis sentie extrêmement privilégiée lors de ces 6 mois au Centre Pompidou de pouvoir côtoyer les œuvres de près alors même que les musées étaient fermés.
P.R : Comment envisages-tu la suite de ton cursus ?
J.N : Je souhaite tout d’abord poursuivre ma double formation : suite à la validation de ma licence, j’ai commencé cette année un Master Recherche d’anglais, à distance avec la Sorbonne Nouvelle. J’ai orienté ce master de telle façon à ce qu’il soit centré sur l’histoire de l’art. De plus, je vais suivre les cours que propose emlyon business school en management culturel. Enfin, je vais continuer de me rapprocher du secteur culturel via mes futurs stages. Je conseille aux étudiants qui cherchent également des stages dans la culture, d’ancrer concrètement leur appétence culturelle dans leur CV. Il faut montrer aux recruteurs que travailler dans la culture n’est pas seulement un intérêt mais que cela s’inscrit bien dans votre parcours. La culture est un milieu très compétitif, aussi il faut bien préparer son entrée dans ce secteur, surtout si vous ne souhaitez pas souffrir de la précarité des salaires. Cela passe par une formation académique, mais aussi par des expériences associatives ou extra-scolaires.
P.R : En tant que future active dans le secteur culturel, quel regard portes-tu sur les futurs défis auxquels le secteur culturel devra faire face ?
J.N : J’ai été plongée dès le début de mon stage dans une transition numérique accélérée par le contexte COVID. Par exemple, notre exposition phare « Matisse comme un roman » n’a pu être ouverte au public que pendant 9 jours ! Mes missions ont donc été légèrement transformées. À ce titre, je tiens à souligner que j’ai pu mettre à profit certaines de mes compétences en code, pour certaines tâches. Le Centre Pompidou avait la chance d’être assez digitalisé, avant même la pandémie, et l’effort s’est intensifié avec les confinements. La réactivité de tous les services a été admirable ! On a pu observer un changement dans la prospection des publics avec la crise du coronavirus. Le Centre Pompidou est passé d’une prospection de publics internationaux, au public local. La pandémie a ainsi permis un retour aux sources, sur lequel il était intéressant de travailler.
Il y a également eu tout un travail de réflexion et de préparation autour de la fermeture du Centre à Beaubourg pour 4 ans à partir de 2023 : l’activité du Centre Pompidou se poursuivra, mais pas dans ses locaux historiques qui doivent être modernisés. Le travail actuel consiste aussi à préparer cette période de fermeture et assurer une transition. Où les œuvres vont-elles être exposées ? Comment assurer la continuité de la mission du Centre Pompidou en dehors des murs de son espace principal ? Heureusement, on pourra continuer d’admirer les collections dans d’autres espaces, grâce à des expositions itinérantes et des prêts. Et le Centre Pompidou va continuer de se développer numériquement. Je vous invite à aller voir ce qui se fait en termes d’expositions virtuelles (Kandinsky en ce moment !) ou de cours en ligne comme celui sur les femmes artistes du 20e et 21e siècle illustré par Pénélope Bagieu.