Le board d’emlyon alumni se renouvelle, certes, mais quels sont les enjeux ?
Cet événement survient tous les deux ans : le renouvellement en partie du Conseil d’Administration de l’ADEM, l’association des diplômés d’emlyon business school. L’enjeu de ce renouvellement est grand et intervient à un moment charnière de l’histoire de l’école. L’ADEM ? Suis-je la seule à n’en avoir jamais entendu parler ? Alors, en voyant plusieurs posts sur le sujet passer dans mon fil d’actualité LinkedIn et poussée par un membre Verbat’em du mandat précédent, je me suis penchée sur la question.
Cette année, l’école invite les alumni à contribuer à une étape clé de sa transformation majeure, période où emlyon business school va ouvrir son capital à ses diplômés afin d’investir dans des projets de diversification vers de nouveaux domaines pédagogiques et de développement à l’international. L’école et l’ADEM le précisent : il s’agit d’une “opération de soutien sur le long terme” à l’école, afin de “garantir les valeurs éducatives et sociétales de l’école”, le tout étant réglementé par un Pacte d’Actionnaires. Le Conseil d’administration de l’ADEM nouvellement constitué sera ainsi dans le feu de l’action. Un groupe de travail composé de ressources internes à l’école et de membres de l’ADEM se sont attelés depuis plusieurs mois afin d’offrir un cadre sécurisé et réglementé aux actionnaires alumni. Mais l’enjeu pour les étudiants de l’école ne se situe pas à ce niveau, il faut regarder ailleurs, ou plus loin.
Les alumni sont au fondement d’un des piliers des écoles de commerce. Pour évaluer la performance et la qualité d’une formation, nous avons le réflexe d’ouvrir une page Google et de fouiller dans les archives de l’école en nous intéressant aux profils des anciens élèves : qui sont-ils ? Qu’ont-ils fait ? Où sont-ils aujourd’hui ? Tels diplômés, telle école. Cette légitimité à s’identifier par comparaison à nos aînés vient du sentiment d’appartenance cultivé par les écoles. Cultiver le réseau alumni est primordial pour la stratégie de rayonnement et d’image de marque des business school. Jamais le terme de “communauté” n’a été mieux utilisé pour parler des alumni. “We share more than memories” – emlyon business school forever. Les alumni sont des personnes qui ont partagé et continuent de partager des valeurs et des idées en symbiose avec leur époque.
Je vous invite dans les coulisses de ce réseau. En pleine “course électorale” – les valeurs brandies par les candidats peuvent varier d’un profil à l’autre -, je suis partie à la rencontre des alumni membres du bureau du Conseil d’Administration de l’ADEM – plus précisément de Guillaume Touze, Président de l’association – et des alumni, porteurs d’idées nouvelles, parmi lesquels François Hoehlinger, ambassadeur alumni en Allemagne.
Qu’est-ce que l’ADEM et quel est son rôle ? Qu’est-ce qui diffère entre l’ADEM et emlyon business school forever ?
La partie qui suit est écrite à partir de l’interview menée avec Guillaume Touze, Président de l’ADEM.
Il y a encore une dizaine d’années, l’ADEM était un organe complètement séparé d’emlyon business school avec une équipe de permanents alumni dans l’association qui travaillaient bénévolement pour animer cette immense communauté essaimée à travers le monde. “Forever” était le nom donné à la cotisation payée par les membres adhérant à l’ADEM, le terme s’est ancré dans les usages, pour devenir aujourd’hui l’appellation courante de cette équipe : l’équipe emlyon forever. Pour avoir un ancrage dans l’école et pour être au plus proche de ses composantes, parce qu’après tout l’adage le dit bien “plus l’école est forte, plus les alumni seront forts”, l’inverse est tout aussi vraie, l’ADEM a signé un partenariat avec l’école pour l’intégration de l’équipe de permanents à l’école – dont Marc Thiollier est aujourd’hui à la tête – et qui sera employée par l’école, sur les campus parisien et lyonnais. Ce partenariat a plusieurs avantages : une mutualisation des forces et des ressources (humaine, financière, connaissances, réseau), une cohérence de la stratégie et bien évidemment le maintien de la fibre émotionnelle chère aux alumni – “un attachement différent qui se créé par son histoire, par son origine et par son positionnement”. Le budget de l’ADEM est intégré au budget de l’école et s’élève à plusieurs millions d’euros tous les ans afin d’animer cette communauté d’alumni : des événements organisés partout dans le monde, par exemple l’envoi des bougies dans le monde entier pour rappeler la fête des lumières (2020), les levées de fonds…
L’ADEM a défini 5 grands axes de développement les 5 dernières années : l’international, la segmentation, la digitalisation, le fundraising et le benchmarking beaucoup plus international (création d’un peer group d’une quinzaine d’universités mondiales pour voir comment les écoles se comportent et animent leur réseau alumni). Depuis plusieurs années, des évolutions ont eu lieu : processus d’élection des alumni ambassadeurs par région et par pays, à l’échelle nationale et internationale, mise en place de collèges par secteur géographique pour travailler la représentabilité du conseil d’administration de l’ADEM. Pourtant il semblerait qu’à la tête de cette association, les profils se succédant se ressemblent quelque peu.
L’ADEM se penche sur de nouveaux axes de développement : la dimension sociétale dans la dynamique alumni, c’est-à-dire être plus actif au travers de la Fondation emlyon et créer des champions alumni sur les sujets sociétaux à impact tel que l’ISR (NDLR : l’ISR (Investissement socialement responsable) est un placement qui a pour objectif de concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises qui contribuent à cette cause – ESG en anglais (Environment, Social, Governance)) qu’il faut arrêter de penser comme des problématiques annexes, mais les intégrer complètement à la stratégie de l’école. Il faut aussi renforcer le lien avec les étudiants, cela passe notamment par la présence d’un plus grand nombre d’alumni dans l’école, ce qui permettrait de renforcer la performance par la proximité directe.
A la question de savoir quels sont les enjeux de ce renouvellement. Voici les mots de Guillaume Touze.
“Ces élections sont importantes sur plusieurs points. Quand on évolue dans le secteur de l’éducation, on est toujours dans un mouvement long et lent, pourtant, il faut avoir une continuité avec le mandat précédent et le mandat à venir pour conserver une cohérence au niveau des axes stratégiques : la question de l’internationalisation, l’entrée des alumni au capital, le lien avec l’école, avoir des membres de l’école dans l’ADEM, travailler sur la mentalité de l’école en entretenant un environnement de valeurs sain et le faire perdurer dans le réseau. L’idée est de faire perdurer dans la continuité. Par ailleurs, on est dans un moment où l’école a vécu et vit des changements forts : d’abord le changement de source de financement en passant de la CCI aux acteurs externes tels que BPI et Quanlium, puis le changement managérial au niveau de la Direction. Je pense que le réseau alumni est à même d’aider l’école : avoir un corps alumni fort leader, équilibré, qui joue en équipe est à même de jouer plus que l’école dans ce moment charnière où le nombre de nouveaux partenaires augmentent. Il s’agit pour nous de les accompagner et d’accompagner l’école.
Tous ces points convergent vers cette élection. Au Conseil d’administration, il faut mettre des personnes pour qui les nouveaux axes sont clés, on s’emploie à recruter des alumni qui ont cet angle de pensée. Il faut que l’on fasse exister une dimension sociétale plus forte, c’est une des raisons pour lesquelles on est très emballés par les candidats cette année, ils sont plus à même de s’associer avec leur cœur à la démarche de l’ADEM.
Quels sont les enjeux de ce renouvellement pour les étudiants de l’école ?
Les étudiants ne peuvent pas voter, seuls les membres de l’association le peuvent. Pourtant, nous avons aussi notre rôle et notre voix à faire porter auprès des alumni pour participer à la construction de “l’école de demain”, celle qui nous ressemble, sans vouloir entrer dans les clichés héroïques et héroïsés. Je cite par exemple le makers’ project sur le futur LH de Gerland : compiler les besoins des étudiants pour construire emlyon. Nous pouvons souhaiter bien évidemment que ce type de projets se multiplie pour donner la parole aux étudiants, par des intermédiaires et/ou relais afin d’éviter la cacophonie.
La partie qui suit est écrite à partir de l’interview avec François Hoehlinger, ambassadeur alumni en Allemagne. Son rôle consiste à rassembler les alumni partout en Allemagne, sur LinkedIn notamment puis de trouver des relais sur place dans les grandes villes allemandes pour organiser des events locaux et animer la communauté. Être ambassadeur alumni c’est être le relais administratif, le relais opérationnel de l’école et répondre aux questions des alumni liées à l’orientation de l’école par exemple.
Vous le savez sûrement mais est inclue dans vos frais de scolarité la cotisation à vie dans le réseau emlyon business school forever. Les avantages sont nombreux : accompagnement carrière à vie pour évoluer tout le long de votre carrière professionnelle, formation continue avec une visée de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, accès à un carnet d’adresse pour être “mentoré(e)” et conseillé(e) par des anciens de l’école professionnellement ou pour s’installer dans une région, accès à un “marché secret et/ou caché” – par-là il faut entendre la détention d’informations peu connues, partagées entre membres du réseau, les offres de stage privées i.e. dédiées à emlyon illustrent ce privilège -, conseils sur la mobilité etc. Vous l’aurez compris, le réseau alumni est un catalyseur d’opportunités. Les étudiants ont donc intérêt à ce que les alumni restent impliqués dans l’école. Comment nourrir cette relation entre étudiant et alumni ?
Nous sommes nombreux à nous poser des questions sur la stratégie de l’école. L’école est en train de changer, mais avons-nous toutes les informations en main pour comprendre ces changements et en saisir les enjeux ? L’école a fait face récemment à une crise de management, attaquée et tannée de toutes parts par des acteurs externes parmi lesquels Mediapart. Ce manque de visibilité peut être le premier pas qui plantera la mauvaise graine. Ce qui inquiète François Hoehlinger c’est la possibilité d’un décrochage entre les différentes promotions – à commencer par la sienne et celle qui la précède – et que les étudiants “n’osent plus venir frapper à sa porte”. Ce qui fait la force d’un réseau alumni est sa capacité à créer des liens entre les différentes générations et cela passe par la transparence – et non pas par “des discours politiques” -, que ce soit au niveau de la fluidité de l’information, la clarté et la simplification des informations partagées ou encore l’implication directe des acteurs concernés à tous les niveaux dans les nombreux débats décisionnels (alumni aux quatre coins du monde, l’école, les étudiants et des parties prenantes externes).
J’ai abordé dans la partie précédente le devoir de représentabilité du Conseil d’administration de l’ADEM. Nous souhaitons tous voir au board des personnes qui nous ressemblent, ancrées dans la réalité au jour le jour et qui incarnent des valeurs similaires aux nôtres – et cela est encore plus vrai lorsque nous sommes attachés émotionnellement à l’école. François Hoehlinger est de cet avis et opte pour un rajeunissement du board, ce qui permettrait aux jeunes de s’identifier plus facilement et de rajeunir là-aussi les mentalités et apporter le dynamisme qu’il manque à des organisations trop bureaucratiques. L’action après la parole !
“Pour mener un bateau, il faut qu’il y ait des gens dedans”. L’école doit faire face aujourd’hui à plusieurs enjeux si elle souhaite rester dans le top 5 des écoles de commerce – à l’échelle nationale certes, mais l’école a aussi des ambitions à l’échelle internationale : la RSE et le digital. Pour mener à bien ces projets, il faut bien évidemment y placer à la tête des profils experts sur le sujet. L’arrivée d’Isabelle Huault a marqué un tournant en ce qui concerne la RSE, devenue le fer de lance d’emlyon business school.
Pour ce faire, François Hoehlinger propose plusieurs solutions à essayer : l’organisation de commissions de travail comme dans les mairies, très spécialisées et expertes sur un sujet précis avec la rédaction d’un livret blanc pour la transparence et qui aideraient à la prise de décision. “La représentation au Conseil des étudiants pour qu’ils se sentent motivés dans la prise de décision ; après tout, ce sont aussi les étudiants qui doivent et peuvent concevoir l’école de demain”.
Et vous, comment voyez-vous emlyon business school dans quelques années ? Comment imaginez-vous votre relation avec les alumni ? Quelles sont les actions à notre échelle qui pourront avoir un impact sur les voies que prendront l’école ? Que doit être changé pour gagner en efficacité ? Pour en discuter, n’hésitez pas à nous contacter via notre avatar Homer Speechson ou à me contacter directement sur Messenger : Carole Zheng ou sur mon adresse mail carole.zheng@edu.em-lyon.com.
Par Carole Zheng, rédactrice chez Verbat’em