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la toile, école à tisser les compétences numériques et à raviver les espoirs de réinsertion

À l’aune de sa transformation en société à mission et sous l’impulsion du plan stratégique « Confluences 2025 », les projets à visée sociale – en faveur de l’égalité des chances – d’emlyon business school fleurissent et font florès. Parmi eux, la toile, la nouvelle école de la qualification au numérique, dont la première session a pris fin le mardi 13 juillet 2021. Accessible sans pré-requis de diplôme ou d’expérience professionnelle, la toile permet à emlyon de s’ouvrir à de nouveaux publics : les jeunes en situation de décrochage scolaire et les personnes éloignées de l’emploi ou en reconversion.

Dans le but de découvrir la mission, les enjeux et le fonctionnement de la toile, le M est allé à la rencontre de Samuel Javelle, designer industriel à l’origine de la création de plusieurs fab labs – les fab labs sont des lieux ouverts au public, où sont mis à disposition des outils et des machines, notamment pilotées par ordinateur, pour concevoir et réaliser des objets – pour des établissements tels que Centrale Lyon. Il est aujourd’hui responsable du makers’ lab d’emlyon et de la pédagogie délivrée par la toile.

Par Vincent Loeuillet, rédacteur chez Verbat’em

Un projet salutaire aux bénéfices pluriels   

Depuis juillet 2021, emlyon business school est une société à mission. Ce nouveau statut permet à l’école lyonnaise de déclarer sa raison d’être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux. la toile, l’école de la qualification au numérique, est l’une des premières concrétisations de grande envergure de l’engagement social d’emlyon. Ce nouveau programme de formation, dont la création fait suite au dévoilement du plan stratégique « Confluences 2025 », a pour mission « d’œuvrer à l’insertion professionnelle des « invisibles » que peuvent êtres les personnes éloignées d’un parcours scolaire classique ou celles éloignées de l’emploi » explique Samuel Javelle. la toile vise ainsi la réduction des inégalités sociales et culturelles par le développement des compétences professionnelles, mais ambitionne également de contribuer au dynamisme économique des territoires dans lesquels elle est implantée.

Selon Samuel Javelle, la toile est un projet dont la pertinence s’observe à plusieurs niveaux. En tant que société à mission, il est du devoir d’emlyon de contribuer à l’égalité des chances et à la formation des individus. Offrir à des individus éloignés d’une scolarité classique, ou de l’emploi, l’opportunité d’acquérir de nouvelles compétences fortement valorisées sur le marché du travail ne peut être que bénéfique à leur insertion professionnelle et à fortiori, à leur bien-être social. Par ailleurs, les Grandes Écoles ont parfois ce biais d’un recrutement socialement homogène à l’entrée. Il devient alors primordial pour une institution telle qu’emlyon, de permettre, en son sein, des rencontres entre individus de différentes franges de la société et de différentes générations, au même titre que s’y opèrent des échanges culturels et interdisciplinaires. Selon S. Javelle, « ce brassage est intéressant et enrichissant pour les différents publics et, de facto, pour l’école ». En sortie, on observe que ces Grandes Écoles forment très bien aux métiers du numérique. Toutefois, les formations proposées, pour la plupart de niveau master, produisent essentiellement des managers. Samuel Javelle estime qu’il y a bien souvent un manque de qualification de premier niveau, pourtant nécessaire pour occuper des postes aujourd’hui en tension. la toile permettra d’adresser une réponse, au fil des différentes sessions de formation,  à cette demande croissante du marché. Le besoin opérationnel dans les métiers du numérique, bien que patent depuis quelques années déjà, a effectivement été renforcé et exacerbé par la crise sanitaire. L’implantation de la toile sur les 3 campus d’emlyon (Ecully, Saint-Etienne et Paris) permettra en outre de renforcer les liens qui unissent l’école aux entreprises du tissu économique local de chaque campus.

emlyon n’est pas à son coup d’essai en matière d’actions et de programmes en faveur de l’égalité des chances. Le partenariat avec l’Institut de l’Engagement – qui permet aux lauréats d’être déclarés admissibles aux concours d’admissions sur titre du Programme Grande Ecole après s’être engagés dans une mission au service de l’intérêt général – ou encore les dispositifs d’aides aux étudiants en difficulté financière portés par la Fondation emlyon créée en 1993, sont autant de preuves de cet engagement. Toutefois, Samuel Javelle estime que ces actions n’étaient jusqu’à présent pas suffisamment mises en avant. La volonté d’emlyon est de faire converger ces initiatives au sein d’une association de loi 1901 (l’AESCRA).

S’accrocher à la toile

La formation la toile cible en priorité les jeunes en situation de décrochage scolaire ou éloignés d’un parcours scolaire classique. Ces « invisibles », âgés de 18 à 25 ans, comme les appelle S. Javelle, devraient remplir à 80% les rangs de la toile. « Ces personnes ne sont répertoriées nulle part. Quand elles arrêtent leur scolarité, leur établissement précédent n’en garde aucune trace. De plus, elles ne sont pas forcément inscrites à Pôle emploi car jeunes et vivant encore chez leurs parents. C’est un public prioritaire » assène-t-il. Les 20% de places restantes sont destinées aux personnes éloignées de l’emploi ou en reconversion. la toile attire effectivement de nombreux profils souhaitant infléchir leur carrière professionnelle. Toutefois, ces derniers ont une certaine capacité de (re)conversion ou de (ré)insertion que les jeunes en situation de décrochage scolaire n’ont pas. Pour se rapprocher de ces objectifs s’ajoutera, dès la session d’octobre 2021, une « discrimination positive » sur le genre et les critères sociaux. L’objectif étant de cibler les publics pour lesquels la toile sera le plus utile et d’atteindre la parité entre hommes et femmes sur l’ensemble des parcours de formation.

Les candidats à la formation ne doivent répondre à aucune condition de ressources ni exigence financière. la toile est gratuite à 100%. L’équipement informatique nécessaire à la réalisation de la formation est prêté aux participants. Samuel Javelle aime à rappeler que le but est d’exclure tout critère de sélection basé sur le passif personnel et les connaissances, pour ne laisser place qu’à la motivation du candidat. En ce sens, aucun bagage théorique, aucune connaissance ni savoir-faire ne sont exigés.

Intensité et immersion

Concrètement, les participants, ou « stagiaires de la formation continue » selon le lexique employé, s’engagent à suivre un programme court et intensif de 18 à 24 semaines qui se déroule dans les makers’ lab (i.e. laboratoires de prototypage) d’emlyon business school sur le modèle des bootcamps américains. La présence sur site est de 3 à 4 jours par semaine pour offrir aux participants le meilleur accompagnement possible. Cette présence est, selon S. Javelle, essentielle pour un public qui « ne sait pas toujours à qui s’adresser ». Ils peuvent alors profiter des espaces collaboratifs de prototypage mis à disposition par emlyon pour « apprendre par la pratique » des compétences numériques recherchées sur le marché du travail.

la toile, qui proposait à son lancement, en mai 2021, 4 parcours au choix, a concentré son offre pour ne proposer que 2 parcours, plus riches et musclés :

1-Conception web & intelligence artificielle : les participants pourront se confronter à la programmation, au code ou encore à la gestion des données (data). Les livrables sont : applications mobiles, sites web, plateformes, produits qui reposent sur le web etc.

2-Fabrication numérique & objets connectés : impression 3D, conception d’objets en 2D/3D, électronique, code et automatisation notamment appliqués aux objets ou à la supply chain sont au programme. Les livrables sont : objets connectés, parties de système automatisées ou connectées, etc.

La pédagogie par l’action, fer de lance de la toile

Un cours de gestion de projet commun aux deux parcours est également à la carte. S. Javelle le martèle, le crédo de la toile est la pédagogie par l’action. Les participants ne sont pas enjoints à apprendre un cours théorique mais sont lancés dans le bain grisant de la gestion de projet : prototypage rapide via des phases d’idéation, test des usages auprès de l’utilisateur final, conception itérative puis documentation sont les 4 phases par lesquelles un produit ou un service se concrétise.  

la toile prend ses distances avec la traditionnelle pédagogie descendante et prend appui sur une pédagogie inversée. « Nous mettons du contenu à disposition des participants qui vont explorer ces ressources. Nous nous tenons à leur disposition pour répondre à leurs questions et les accompagner s’ils rencontrent des difficultés. Cependant, en aucun cas nous ne faisons descendre un savoir brut sur leur tête » déclare S. Javelle. Les travaux collectifs et individuels, aussi importants les uns que les autres, rythment la formation.

Les 2 parcours de la toile ont pour objectif d’ouvrir aux participants des portes sur de nombreuses formations, sur l’entrepreneuriat ou sur le marché du travail.  Les compétences qu’ils acquièrent sont effectivement en phase avec les besoins des entreprises. Une fois certifiés, les stagiaires de la formation continue pourront prétendre à des emplois tels que : développeur de sites web, opérateur en fabrication additive, UX designer, prototypiste, fab manager, maquettiste en électronique, architecte internet des objets, concepteur électronique ou encore développeur en intelligence artificielle. S. Javelle rappelle toutefois que la toile effectue un travail d’ « encapacitation » : « nous mettons le pied à l’étrier aux participants, nous leur permettons de développer des compétences, mais ils ne sortent pas avec un métier tout attitré, ils se formeront tout au long de leur vie ». Hormis ces débouchés, les certifiés la toile peuvent opter pour l’entrepreneuriat. Ils pourront alors s’appuyer sur le savoir-faire reconnu de l’incubateur de l’école lyonnaise et bénéficier de l’aide des associations de l’économie sociale et solidaire. Enfin, S. Javelle rappelle que la toile s’adresse en particulier à un public âgé de 18 à 24 ans : « la poursuite d’études est une véritable option à l’issue de la formation. Les participants à la toile peuvent reprendre goût aux études et se découvrir un fort intérêt pour les domaines explorés. Nous travaillons avec plusieurs écoles pour débloquer des débouchés notamment par le biais de VAE pour intégrer des formations diplômantes en alternance ».

La formation la toile permet aux participants d’acquérir des compétences valorisées sur le marché de l’emploi. C’est également un remède pour des individus souvent en manque de confiance. « Le format court de la toile permet de mobiliser plus facilement les individus qui ne sont pas démotivés par la durée de la formation. De plus, grâce à la mise en place d’une pédagogie par l’action, les participants se confrontent immédiatement aux résultats de leurs projets. C’est à la fois gratifiant et motivant. L’ambition de cette pédagogie est de permettre un départ rapide puis d’ouvrir la voie à un approfondissement volontaire. Nous ne pouvons pas former un développeur web en quelques semaines, toutefois, nous pouvons mettre en confiance, donner des capacités opérationnelles pour commencer à travailler pour ensuite développer de nouvelles connaissances et compétences en entreprise » explique S. Javelle.

“Grâce à la mise en place d’une pédagogie par l’action, les participants se confrontent immédiatement aux résultats de leurs projets. C’est à la fois gratifiant et motivant”

L’accompagnement comme gage d’insertion réussie

À côté de la formation intensive du maker’s lab, accompagnée par des professionnels et les équipes de la toile (composées de professeurs permanents et vacataires d’emlyon), les participants bénéficient d’un accompagnement carrière individualisé pour construire et apprendre à présenter leur projet professionnel. Des rencontres avec des entreprises et des recruteurs du secteur du numérique sont organisées, notamment dans le cadre d’un forum carrière. Afin de maximiser leurs chances d’insertion, les participants peuvent s’engager dans une immersion professionnelle de 3 mois, à l’issue de leur formation.

Samuel Javelle met l’accent sur l’accompagnement offert aux participants de la toile au-delà de l’acquisition de hard-skills. « Nous visons la réinsertion. Dans cette optique, nous assurons un accompagnement dans l’acquisition des soft-skills et veillons à la bonne réinsertion de nos publics en les accompagnant dès leur première période d’immersion professionnelle grâce à l’aide de coachs » assure S. Javelle. Les participants peuvent effectivement, s’ils le souhaitent, faire appel à un coach en accompagnement professionnel, notamment pendant leur période d’immersion professionnelle. « De nombreuses entreprises sont assez volontaires pour accueillir des publics éloignés de l’emploi et les (ré)intégrer. Elles les aident à monter en compétences, à découvrir le fonctionnement de l’entreprise et à y adhérer, mais elles ne peuvent pas tout gérer non plus. Il y a des freins organisationnels et personnels. L’accompagnement que nous offrons est une réelle plus-value, à la fois pour l’entreprise et pour le participant » souligne S. Javelle.

“L’accompagnement que nous offrons est une réelle plus-value, à la fois pour l’entreprise et pour le participant”

La certification en ligne de mire

La formation la toile donne lieu à l’obtention d’un certificat d’établissement emlyon business school, spécifique au parcours choisi. Un jury final, composé de l’équipe pédagogique et de professionnels, évalue les projets réalisés par les apprenants et statue sur l’état d’acquisition des compétences de chaque candidat à la certification.

À court-terme, la volonté de Samuel Javelle est de faire certifier le savoir-faire de la toile auprès de France compétences (autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage). Le dossier de demande pour intégrer le répertoire spécifique (l’inventaire des certifications et habilitations de France compétences) est en phase d’élaboration. Cette certification permettra à la toile de doter ses parcours d’une certification reconnue sur le marché du travail et de gagner en visibilité.

La qualité, mot d’ordre de la toile 

Les équipes de la toile ambitionnent de former, dès 2021, 150 personnes par an sur les 3 campus français d’emlyon (Paris, Saint-Etienne et Ecully). « Nous ne cherchons pas à certifier un immense volume de personnes, notre volonté est de proposer un accompagnement de qualité. Cela passe par des promotions à taille humaine » réaffirme S. Javelle. À ce titre, un système de parrainage/marrainage a été mis en place entre participants à la toile et étudiants du Programme Grande Ecole d’emlyon. La rencontre entre différents milieux sociaux et générations prend tout son sens alors qu’étudiants et participants à la toile pourront se croiser, échanger et collaborer dans les makers’ lab. Dès la rentrée prochaine, 1 session par parcours de formation sera proposée sur chacun des 3 campus.  

Se lancer

Pour candidater, il suffit aux candidats de se rendre sur le site de la toile : latoile.em-lyon.com. Le processus de sélection est classique. La première étape consiste à s’inscrire sur le site. C’est une première déclaration d’intérêt pour le candidat. « Nous demandons ensuite le passage d’un test de logique en ligne et procédons à une première évaluation de la motivation du candidat. Je tiens à rassurer les futurs candidats, la logique n’est pas évaluée en tant que telle, il n’est pas discriminant d’échouer à ce test. Nous évaluons le cheminement et la volonté du candidat à aller au bout du test » ajoute S. Javelle. Suite à ce test, les candidats sont déclarés admissibles ou non-admissibles.  Les candidats admissibles sont entendus lors d’un oral orchestré par le staff de la toile « pour vérifier l’adéquation de la formation avec leur profil ». Enfin, les candidats sont déclarés admis ou non-admis. Samuel Javelle conclut : « nous offrons un nombre de places limité, la formation est donc sélective. Toutefois, nous ne sommes pas discriminants sur les compétences, la motivation est le plus bel atout des candidats ».

“Nous ne sommes pas discriminants sur les compétences, la motivation est le plus bel atout des candidats”.

Le M est parti à la rencontre de 2 candidats du programme la toile, découvrez le témoignage de Marina Anguezomo et d’Alexandre Janiaut.