Antoine Créhalet a créé DNA-I, une agence digitale qui accompagne les entreprises dans la création d’applications pour assistants intelligents (conseil, développement, maintenance, etc.).
Pour plus d’informations, consultez le site : http://www.dna-i.com/
Comment savoir si l’intelligence artificielle n’est pas un effet de mode ?
Dans le digital, il y a souvent des tendances temporaires, mais l’IA n’en est pas une pour plusieurs raisons. La plus importante est sans doute le comportement du GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). Tous sont en train de créer leur propre assistant intelligent. Jusqu’ici on connaissait Siri, qui donne 65% de bonnes réponses. Le produit d’Amazon, Alexa arrive à 90% de bonnes réponses, ce qui est nettement plus performant. Microsoft, Orange, le BATX, … tous ces grands groupes mondialement connus possèdent une grande capacité d’investissement et se tournent aujourd’hui vers l’IA. Cela va démocratiser le marché : aujourd’hui, 10% de la population américaine, et 9% en Angleterre, a acquis un assistant intelligent. Et d’après les études, d’ici 2021 75% des Etats-Unis seront équipés.
On peut aussi prendre en compte tous les constructeurs automobiles qui intègrent directement l’IA dans leur habitacle (Ford a déjà 10 millions de véhicules équipés), les réfrigérateurs s’équipent également, …
Cela va donc plus loin que la petite boîte posée dans le salon qui lance votre playlist préférée sur commande ?
Oui, les publicités de Google Home ne sont pas très bien faites.
Ce phénomène de l’IA me rappelle l’arrivée d’internet. A mon époque, il y avait des Modem à côté, donc une certaine lenteur, le nombre de sites étaient encore limités donc nous avions moins de services. Mais il y avait déjà tout le potentiel de ce qu’Internet est devenu aujourd’hui. C’est exactement la même chose avec l’IA. En termes d’usage, il y a pleins de choses qui vont se développer.
L’intelligence artificielle et la robotisation généralisée suscitent des craintes chez certains…
C’est votre génération qui va être la plus impactée, c’est donc sans doute à elle d’agir en conscience. L’IA peut être dangereuse si elle est mal utilisée et bénéfique si elle est bien utilisée, comme toutes les inventions humaines. Bien sûr, il y aura des bouleversements. Si on devait schématiser et simplifier on pourrait comparer ça à la seconde révolution industrielle. Tout le travail manuel a été remis en cause parce que la machine l’a automatisé et lui a permis d’aller plus vite sur certaines tâches. Néanmoins, il y a encore des personnes qui continuent de travailler avec leurs mains, la machine n’a pas non plus remplacé tous les métiers manuels. C’est une question d’adaptation de l’homme, et l’homme a toujours su s’adapter.
Est ce que aujourd’hui pour travailler dans l’IA il faut savoir coder, avoir des compétences techniques dans ce domaine ?
Il y a des personnes qui travaillent sans avoir de compétences approfondies mais c’est dommage. Le fait de savoir comment fonctionne une base de données, par exemple, permet de faire la différence.
Comment le marketing, et en particulier la publicité, peut-il s’adapter à l’arrivée de l’intelligence artificielle?
Côté publicité c’est très simple. J’ai travaillé pendant 15 ans dans ce domaine et je donne des cours à l’université de Bordeaux. Tous mes étudiants aujourd’hui utilisent un add-block, c’est le cas de toute votre génération. Pourquoi ? Parce qu’ils ne veulent pas de cette publicité.
A l’IAB (International, Advertising, Bureau), l’institution internationale qui régit les standards des formats publicitaire, on fait deux constats. D’abord, les gens ne veulent pas de publicité car ils la trouvent intrusive. Et ensuite, ils ne veulent pas être traqués. On a beau dire “on vous traque pour gagner de l’argent et vous donner un contenu gratuit en contrepartie”, les utilisateurs ne comprennent pas ce discours. Or, la base du marketing, c’est de comprendre son utilisateur. Donc si le consommateur n’en veut pas, cela ne sert à rien de continuer.
Donc la publicité, dans sa forme traditionnelle, va disparaître ?
Aujourd’hui le premier média dans lequel les annonceurs investissent c’est Internet, devant la télé. Mais 70% des investissements sont pris par Google et Facebook. Or les formats de publicité que les consommateurs bloquent sont ceux des autres sites, notamment ceux des journaux. Si tous ces acteurs doivent se partager les 30% restants, cela montre qu’ils ne tirent aujourd’hui déjà plus beaucoup d’argent de la publicité en ligne.
Donc il faut réinventer des modèles économiques. Ils se sont déjà tournés vers la data, mais les utilisateurs ne veulent pas être “suivis”, le modèle n’est pas encore satisfaisant et il faut se diriger vers autre chose.
Quelle sera la place de la publicité demain ? Tout reste à inventer.
D’où viendront ces innovations ?
Aujourd’hui tout cela se fait dans des environnements privés, nous sommes les cerfs du GAFAM. Donc ce sont Google et Amazon qui ont la main là-dessus. Il y aura des petites start-up comme la mienne qui vont développer des nouvelles idées et les gros choisiront de les bloquer ou de les récupérer.
Quelle place pour l’IA dans le marketing ?
Le marketing traditionnel est toujours là bien sûr, et il existera toujours. Les études, la stratégie, etc… L’IA est une nouvelle composante, censée aider les marketeurs à aller plus vite dans leur prise de décision.
Quels sont les autres enjeux actuels du e-marketing ?
Principalement la block-chain. Au lieu d’avoir une société garante de la donnée, on utilise un réseau peer to peer avec des personnes différentes. Chacune est détentrice d’un petit block, comme la pièce d’un puzzle. Quand celui-ci est reconstitué, cela veut dire que l’information est exacte. Derrière cela, il y a des nouvelles sociétés à créer, des nouveaux services etc. On pourrait commander un VTC sans Uber, par exemple.
Finalement, il y a beaucoup de choses à inventer, à créer dans le marketing. Tout en restant intelligents vis à vis de notre société ; il faut peser nos choix individuels car tous se répercutent sur notre planète. Par exemple, la block-chain n’est absolument pas écologique, car elle implique des coûts en électricité délirants.
Face à toutes les potentialités du futur, il faut qu’une génération éthique et consciente de nos ressources prenne le pouvoir. Même dans le marketing, il est possible de trouver une voie où ce n’est pas l’argent qui dicte l’ensemble des conduites.
PS : Pour ceux qui n’ont pas compris, la photo présente des assistants intelligents, ces agents logiciels qui peuvent effectuer des tâches ou des services pour des individus.