Vous n’êtes probablement pas un hardcore gamer, pourtant il est probable que vous aimiez le challenge, le défi , en somme : la compéti ti on. Si le monde compétitif s’incarne premièrement dans nos esprits à travers le prisme du sport ou peut-être celui du terrible affrontement belliqueux que les entreprises se livrent, le jeu vidéo contient lui aussi sa propre scène compétitive, appelée e-sport. Parmi les théâtres des plus féroces affrontements, Call Of Duty, un FPS édité par Activision qui propulsa l’e-sport sur le devant de la scène.
Par Alexandre Didier, PnP
Vivre du jeu vidéo, c’est aujourd’hui possible. Cette scène compétitive bien particulière possède ses propres codes. Le jeu compétitif de référence est League of Legends. Les meilleures équipes participent chaque année à une “coupe du monde”. Les vainqueurs empochent plus de 2 millions de dollars. Cette somme explique à elle seule que l’industrie du jeu-vidéo génère très largement de quoi permettre à des passionnés d’en vivre.
Évidemment, comme dans tout milieu sportif, les performances des joueurs et les sponsors sont des variables d’ajustement des salaires. Certains en vivent très bien. C’est le cas du champion Français “Glutonny”, véritable star internationale du jeu super smash bros ultimate, un jeu de combat recensant différents personnages des licences Nintendo s’affrontant dans une arène. Le jeu vidéo est aujourd’hui un produit culturel mainstream, auto produisant ses propres compétitions, que ce soit sur des jeux 3A (AAA), l’équivalent des blockbusters du cinéma comme Smash ou League of Legends. Parmi ceux qui ont façonné le secteur, une série a changé à jamais la face de la scène compétitive du jeu vidéo. Cette série, c’est bien évidemment Call of Duty (Cod) qui a amené un nouveau souffle au monde des FPS (First Person Shooter) devenant un incontournable du jeu vidéo, une véritable icône forgeant l’ipséité de millions de joueurs.
L’émergence de l’esport mondial grâce à Call Of Duty
La catégorie des jeux FPS, d’abord introduite par Wolfenstein 3D (1992), puis Doom (1996), connaît son premier tournant avec l’arrivée de Counter Strike (1999), puis Call Of Duty en 2003. Ce dernier a marqué toute une génération, que ce soit les joueurs aujourd’hui trentenaires ou les joueurs actuels. COD a amené une véritable proposition artistique, historique et multijoueur. En premier lieu parce qu’une série de jeux vous proposant de revivre certaines parties de l’histoire telles que la première ou la seconde guerre mondiale en tant que soldat – le but étant de vous vendre un “gameplay”, une expérience de jeu inoubliable – est assez innovant et unique. C’est un pari réussi, chaque jeu possède sa propre “campagne”, une reconstitution historique d’une guerre, par exemple sublimée dans le jeu Call of Duty Black Ops. Y jouer, c’est passer des dizaines d’heures à se cultiver sur la guerre froide, dont le travail colossal de Treyarch sur le sujet a marqué la vie de millions de joueurs, un réalisme jusque boutiste à couper le souffle.
Si la série fait premièrement parler d’elle pour ses graphismes et son réalisme, c’est avec la suite de sa saga qu’elle créa l’une des plus grandes confréries de compétiteurs en ligne. La décennie des années 2010 fut la plus marquante avec la sortie de jeux incontournables, tous réussis, chose rare étant donné que la saga était disputée entre 2 acteurs : à l’origine Infinity Ward puis Treyarch. L’époque dorée ou “golden age” de COD correspond principalement à 3 jeux : Modern Warfare 2, considéré comme le meilleur par la plupart des joueurs, “Black Ops” ainsi que “Black Ops 2”, avant que la série ne se dégrade.
Au début des années 2010, jouer en ligne était gratuit sur la PlayStation 3 tandis qu’il fallait s’abonner pour jouer sur Xbox 360 : 7 euros par mois, soit 94 euros par an, petite somme vite rentabilisée au vu du plaisir que prenaient des millions de joueurs à s’affronter durant cette époque. Certains, très doués, commencent alors à se faire un nom. Leur vient l’idée de filmer leurs parties et de les poster sur la plateforme YouTube, des “commentary”. Le succès ne tarde pas à se faire ressentir, les internautes sont bouche-bées face à la dextérité de la communauté “gaming” francophone sur YouTube, dont bon nombre sont devenus des stars de l’industrie du jeu vidéo. En premier lieu Benoît Moreillon, alias Diablox9 ou encore MrLev1, Wartek mais surtout Gotaga, qui devient l’icône française de toute une époque. Ces trublions d’internet se font finalement remarquer pour participer à des tournois.
Petit à petit, COD devient une véritable scène du esport avec des premiers tournois nationaux puis européens permettant par exemple à Gotaga de se faire un nom et de représenter dignement la France à l’étranger. Il utilisera même le son d’un des commentateurs durant un match de compétition, celui de son équipe “MythiX” pour en faire le son de l’intro de ses vidéos YouTube, le célèbre “Oh oh oh, GOTAGA” lui conférant son surnom de “French monster”. Si ce match de compétition permet à chaque joueur de son équipe d’empocher 1000€ et un voyage pour l’E3, l’ Electronic Entertainment Exposition, une convention pour technophiles, il est aujourd’hui possible pour l’équipe vainqueur de gagner 1 millions de dollars. De quoi prouver que l’industrie du e-sport est en constante évolution économique. Auparavant, les tournois mondiaux étaient organisés aux Etats-Unis par la MLG (Major League Gaming) National Championships, une ligue professionnelle de jeux vidéo.
En revanche, le jeu COD a aujourd’hui sa propre coupe du monde annuelle autoproduite grâce à la “Call of Duty League”. La scène de l’esport de COD a grandi et s’est faite connaître grâce à de nouvelles façon de concourir, telles que les LAN (Local Area Network), une compétition organisée sur un réseau local pour éviter aux joueurs de quelconques désagréments liés à la connexion. Ces compétitions ont permis à des joueurs de se mesurer aux autres, en développant sans le savoir l’e-sport mondial. Aujourd’hui, COD est toujours l’un des plus grands championnats d’esport mondial, sans qui les jeux vidéos auraient bien moins vite été compris et acceptés dans la sphère compétitive, ouvrant la voie à d’autres jeux FPS tels que Valorant, Apex, PUBG, Overwatch et bien d’autres.
Call of Duty Nostalgia
Prononcer les mots “Call of Duty”, c’est invoquer des milliers de souvenirs : le plaisir de se faire des amis virtuels grâce au mode multijoueur en ligne, de se mesurer aux autres, et donc de se forger mentalement. Cette série de jeux générait également son lot de frustration, de rage, si bien représenté à travers les microphones des joueurs lors de parties en ligne. Comment ne peut-on pas parler de l’invention de la KillCam ? Cette invention qui permet de revoir les derniers instants dans les chaussures de celui qui nous a abattu, nous permettant de faire l’expérience d’une sorte de jouissance dans une humiliation assumée.
Plus sérieusement, Call Of duty représente simplement le plaisir de millions d’inconnus qui, une fois rentrés chez eux, pouvaient incarner un soldat, lâcher prise et s’amuser. Sous pseudonyme assez kitsch, d’époque, du style “Xxx__DarkLord__xxX”, ou plus simplement “kenalex13”, COD permettait d’édulcorer un quotidien parfois morose, comme l’explique très bien une des vidéos les plus vues sur le sujet : “ How American Youth Coped During The Great Recession (Modern Warfare 2) ?”. Que l’on pourrait traduire par “Comment la jeunesse américaine a tenu le coup durant la grande récession grâce à Modern Warfare 2 ?”
“It’s just a game”, non. COD n’est pas simplement une série FPS multijoueur sur laquelle les gens se tirent dessus, cela va beaucoup plus loin. Je souhaitais rendre hommage à cette licence, fêtant bientôt ses 20 ans. Cette année est particulière, c’est cette année qu’ Infinity Ward a choisi de sortir un remake de son meilleur opus Modern Warfare 2, l’occasion de revenir sur cette incroyable licence ayant participé à forger mon idiosyncrasie et celle de nombreux joueurs. Enfin, cela fait 10 ans que Call Of Duty Black Ops 2, dernier bon jeu à retenir, selon moi, est sorti. Soyons bien clairs, je pense que l’âge d’or de COD est terminé depuis bien longtemps, pourtant il existe des œuvres qui vous marquent à vie. N’oublions pas que le jeu vidéo est un médium de divertissement et qu’il propose des expériences virtuelles, mais que notre vraie vie se déroule à l’extérieur des écrans et non pas dans la peau d’un fantassin fantasmée. Comme le dit très bien Larry Reeves : “Anyone, who truly wants to go to war, has truly never been there before!” En version française : “Quiconque veut vraiment aller à la guerre, n’y est jamais allé auparavant !” Si un jour seulement vous avez la chance de jouer à COD, j’espère que vous l’apprécierez à sa juste valeur.