Malgré des débuts compliqués, l’entrepreneuriat en Afrique semble avoir trouvé sa place. De nombreuses start-ups voient le jour et parviennent à lever des fonds pour les aider dans leur développement. La fintech est la première à bénéficier de ces levées conséquentes. Les acteurs économiques du continent l’ont bien compris et mettent en œuvre réformes et programmes pour soutenir l’effervescence de l’écosystème entrepreneurial. Les enjeux de ce développement vont au-delà de la croissance économique du continent, ils sont grandement liés à l’émancipation et à la liberté de ses habitants. Pour Le M, le Club Afrique décrypte l’évolution de l’entrepreneuriat en Afrique.
Par Kodjo Avosse, Club Afrique
Les débuts compliqués de l’entrepreneuriat en Afrique
L’entrepreneuriat en Afrique est unique. Cette unicité réside dans la capacité des entrepreneurs à concevoir des modèles adaptés à une population consommatrice, réactionnaire, et ce dans un environnement jugé « hostile ».
Pendant longtemps, l’entrepreneuriat en Afrique a en effet été décrit comme un parcours du combattant. L’environnement des affaires en clair-obscur, les lenteurs administratives, l’instabilité politique, un solide ancrage culturel et social et un marché de capitaux encore restreint voire quasi inexistant ont porté un véritable coup de frein au développement du secteur privé sur l’ensemble du continent.
La dynamique est enclenchée
Portée par des acteurs publics et privés qui font de plus en plus le pari de soutenir les nouvelles générations d’entrepreneurs, l’aventure entrepreneuriale en Afrique revêt, depuis quelques années, un nouveau visage.
En témoignent les 4,9 milliards d’euros levés par les startups africaines en 2021 contre 662,8 millions d’euros en 2020 alors que le marché est naissant. En dépit de la crise sanitaire mondiale, l’année 2021 a été une année « jackpot » pour l’écosystème entrepreneurial africain avec la naissance de cinq licornes contre zéro en 2020. Il s’agit de trois start-ups nigérianes : Opay, Andela, Flutterwave, une startup sénégalaise : Wave et une startup sud-africaine : Tymebank.
De plus, cette progression vertigineuse des startups africaines ne semble pas s’estomper. Le premier trimestre 2022 a enregistré 1,7 milliard d’euros levés. Selon The Big Deal, les levées de 2022 pourraient atteindre près de sept milliards d’euros si cette dynamique est maintenue.
L’émergence de startups prometteuses
Sur les 640 startups qui ont contribué à cette levée record de 2021, 56% sont des fintechs. En effet, la fintech africaine concentre à elle seule, plus de 40% des levées de fonds depuis 2019. Elle est suivie de loin par l’énergie, le transport et la logistique, le commerce de détail et l’éducation. Les autres secteurs tels que : la santé, la deeptech, l’Agri & food sont très minoritaires et doivent être développés.
Malgré les obstacles, les entrepreneurs africains se lancent dans la création d’entreprises, tentent le tout pour le tout pour concrétiser leurs ambitions et contribuer à la création d’emplois et l’émergence d’une croissance plus inclusive sur le continent. Parmi les pépites innovantes les plus prometteuses, on peut citer : Sokowatch (classée par le magazine Fast Company parmi les entreprises les plus innovantes du monde, cette start-up kényane est spécialisée dans l’approvisionnement des commerces informels), Kuda (une banque en ligne aux ambitions panafricaines fondée à Lagos au Nigéria en 2016), FlexFinTx (acteur majeur de la blockchain), InstaDeep (spécialiste tunisien de l’intelligence artificielle), MarketForce (start-up kényane de technologie de détail lancée en 2018), Pineapple (une startup sud-africaine qui démocratise l’assurance participative), Sayna (un jeu vidéo mobile d’apprentissage des métiers de la Tech) ou encore le Nigérian Vybe avec son application de rencontre lancée en 2019.
A ces pépites, il convient d’ajouter des startups créées par des non-africains parmi lesquels figurent Sacha Poignonnec et Jeremy Hodara qui révolutionnent l’e-commerce avec Jumia, l’Amazon africain et première licorne du continent, Babylone, une société britannique spécialiste de la télémédecine basée sur l’intelligence artificielle et CityTaps de Grégoire Landel, une solution qui permet à tous les urbains d’accéder à l’eau courante à domicile via le mobile money.
En outre, plusieurs incubateurs ont vu le jour pour aider la jeune pousse africaine. Ce sont entre autres : Dream Factory (premier incubateur public créé par l’Etat ivoirien en 2018), Woelab (premier fablab du Togo créé en 2012), l’accélérateur Google Launchpad Africa.
Croissance économique et émancipation
Cette effervescence au sein de l’écosystème entrepreneurial africain est également la résultante de plusieurs programmes et réformes entrepris par les différents acteurs du continent, afin d’améliorer le climat des affaires et des investissements et soutenir la dynamique de croissance actuelle. C’est le cas de l’initiative Boost Africa, une initiative conjointe de la Banque africaine de développement (BAD) et de la Banque européenne d’investissement (BEI) qui visent le lancement d’entreprises compétitives au niveau international sur le sol africain.
Par ailleurs, pour de nombreux pays africains, l’entrepreneuriat n’est plus qu’une simple opportunité de croissance économique. Il est également perçu comme un vecteur d’émancipation de la femme, une piste privilégier pour promouvoir l’auto-emploi des jeunes et lutter contre le chômage. Selon une récente étude menée par le cabinet Roland Berger et Women in Africa Philanthropy, l’Afrique est devenue, en quelques années, le premier continent de l’entrepreneuriat féminin avec près de 25 % des femmes qui y créent une entreprise, soit le taux le plus important à l’échelle mondiale.
L’entrepreneuriat africain est encore en chantier. Toutefois, il peut très rapidement atteindre sa vitesse de croisière et devenir incontournable dans un monde en proie à l’innovation. Affaire à suivre…