Par Mathilde Mellerin
« Femme cinéaste, écrivain, à la fois poète et mannequin, femme panthère sous sa pelisse, et … » Ce couplet vous semble familier ? Si on en croit M. Sardou, on peut faire absolument tout ce qu’on veut quand on est une femme : chauffeuse de car ou présidente de la République Française et, pourquoi pas, « banquière planquée en Suisse » !
Certes, il est important de souligner que, d’une manière générale, la situation des femmes dans le milieu professionnel, que ce soit en termes de salaire, d’embauche, ou encore de vie au travail, s’est largement améliorée ces dernières années. Bien que des inégalités persistent, de nombreuses actions ont été mises en place pour changer les mentalités, et inclure pleinement la femme, autant que l’homme, dans la vie professionnelle. Quelques chiffres permettent de rendre compte de ces évolutions. Le taux d’emploi des femmes est notamment passé de 58,4% en 2005 à 61,1% en 2015, selon les chiffres de l’INSEE, tandis que le taux d’emploi des hommes sur la même période a diminué. Dans les écoles de commerce, les jeunes femmes sont devenues majoritaires : plus de 56% des effectifs sont constitués d’étudiantes. Ajoutons que sur 100 jeunes cadres, on comptait 49 femmes en 2013, contre 41 en 2001.
Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre un équilibre totalement paritaire, particulièrement dans le secteur financier. Ainsi, en 2015, les femmes étaient certes majoritaires en France dans les activités financières, l’assurance et l’immobilier, avec 716 000 femmes employées, face à 544 000 hommes seulement. Mais elles restaient minoritaires dans les postes à responsabilités. Il est démontré qu’à diplômes et âges égaux, les femmes ont plus de mal que les hommes à atteindre ces postes. Tandis que ces différences peuvent s’expliquer en partie par des caractéristiques observables, telles le niveau de qualification ou la filière d’éducation, certaines restent indéchiffrables : s’agit-il de discrimination, d’autocensure de leurs compétences par les femmes, de mauvaises performances ?
Selon une étude réalisée par le LIEPP (Laboratoire Interdisciplinaire d’Évaluation des Politiques Publiques), les femmes accéderaient moins à ces postes tout simplement… parce qu’elles postulent moins ! L’écart en nombre de candidatures irait jusqu’à 40%. Des explications comportementales viennent étayer ce constat : une des raisons pour lesquelles les femmes postulent moins est qu’elles ne voient pas le prestige et la réussite de la même manière que les hommes. Le comportement humain naturel nous pousse toutes et tous à valoriser notre réussite encore davantage en la comparant aux accomplissements des autres ; simplement, hommes et femmes ne le vivent pas de la même manière. Cela a particulièrement d’impact dans le secteur financier, où les performances sont précisément traçables et comparables d’un agent à l’autre, et où les compensations de réussite (monétaires, entre autres) sont spécialement importantes.
Lors des échanges passionnants avec les intervenants de la première édition du Women In Finance au sein d’emlyon, il est ressorti que les hommes avaient tendance à montrer plus de confiance en eux que les femmes, même si cela n’était pas toujours justifié. Il s’agirait donc in fine d’un besoin moindre de compétition de la part des femmes que de la part des hommes.
Et pourtant, constituer des équipes de direction paritaires serait bénéfique aux sociétés, tant pour leurs performances financières que pour leur empreinte macroéconomique. En effet, l’excès de confiance est un biais dans la prise de décision financière : un investisseur trop confiant aura tendance à plus se fier à son propre jugement et à sa propre expérience qu’à des données empiriquement prouvées, à laisser l’irrationalité prendre le dessus sur le bon sens, lors d’une décision d’investissement en bourse par exemple. Par ailleurs, les femmes auraient des capacités de prise de recul et de sang-froid souvent plus développées que leurs collègues masculins. Ces qualités sont bien utiles lors des grandes périodes de stress, fréquentes dans le monde du trading. Travailler dans une équipe composée d’hommes et de femmes constituerait alors un atout afin de combiner les points forts de chacun, et de compenser les irrationalités qui peuvent exister.
Dans un monde en pleine transition, qu’elle soit écologique, sociale, ou économique, de nouveaux défis se présentent aux femmes et hommes de demain. Le secteur de la finance est particulièrement touché puisque la révolution digitale implique des outils de plus en plus performants, avec des attentes de plus en plus exigeantes vis-à-vis des experts qui les utilisent. Ainsi, les directeurs et directrices financiers aguerris sont très demandés, afin de répondre au mieux à la dynamique évolutive des marchés. Jouer sur la complémentarité des sexes serait une réponse adéquate à ces évolutions contemporaines.