Par Antoine F.
Le champ est ouvert. Attaquez le générateur principal de l’étoile de la mort. Amiral Ackbar, Star Wars VI : Le Retour du Jedi
A la fin du dernier film de la trilogie originale Star Wars, Han Solo et ses troupes réussissent à désactiver le champ de force qui protège la nouvelle Étoile de la mort, encore en construction. Grâce à cette opération, le Millenium Falcon, mené par Lando Calrissian et la flotte de X-Wings qui l’accompagnent, réussissent à s’introduire au sein de la station spatiale pour la détruire de l’intérieur. Sans la disparition du champ de force, la rébellion n’aurait eu aucune chance de réussir.
Les champs de force sont une technologie présente, dans de nombreux romans, comics, films ou séries, et souvent mis en scène comme un moyen de protection très puissant. Mais en quoi consiste-t-elle vraiment ?
Qu’est-ce qu’un champ de force, et quelle est son origine ?
Dans le domaine de la science-fiction, un champ de force – ou bouclier d’énergie – est une paroi quasiment impénétrable faite d’énergie, qui permet de se protéger contre les attaques et les menaces tels que des tirs ‘’lasers’’, des missiles ou des astéroïdes. Ils sont généralement capables de résister à des assauts lourds, et sont souvent perçus comme indestructibles. ⚠️ Dans la suite de l’article, nous emploierons le mot champ de force en parlant de la technologie de science-fiction, et non comme le concept scientifique qui lui est associé.
Il existe différents ‘’types’’ de champs de force, en fonction de l’univers de science-fiction dans lequel la technologie est utilisée. Ils peuvent être personnels, comme dans la saga de romans Dune, ou élargis et protéger alors des véhicules, des structures, voire des planètes entières, comme il est possible de le voir dans Rogue One : a Star Wars Story. Les champs de force peuvent également avoir différents modes d’activation. Si certains fournissent une protection totale, en continu, d’autres peuvent ne fournir qu’une protection temporaire, à activer au bon moment pour contrer une attaque.
Les champs de force apparaissent pour la première fois sous leur forme contemporaine dans les ouvrages de l’écrivain de space opera E. E. ”Doc” Smith, avec le comic Spacehounds of IPC (1931), de la série The Skylark of Space, puis avec la série de romans Lensmen à partir de 1948. Dès 1956, la technologie est montrée au cinéma, dans le film Forbidden Planet, où un croiseur spatial se pose sur une lointaine planète en l’an 2257, afin de secourir un vaisseau d’exploration dont l’équipage a disparu depuis 19 ans. Dès lors, le concept de champ de force se répand, et devient une technologie incontournable dans le domaine de la science-fiction. Le premier épisode de Star Trek, qui paraît en 1967, l’envisage même comme le moyen de défense principal du célèbre USS Enterprise, et depuis 1977, la saga Star Wars est connue pour son utilisation importante de boucliers déflecteurs lors des batailles spatiales. Aujourd’hui, les champs de force sont vus comme un classique de la science-fiction, surtout dans le sous-genre du space-opera, et les auteurs et réalisateurs ne jugent plus nécessaire d’expliquer dans leur œuvres le fonctionnement de cette technologie, ancrée solidement dans l’imaginaire collectif.
La science-fiction comme inspiration
Utilisée dans de nombreux romans, films ou jeux vidéo, le principe même d’une ‘’bulle de protection’’ – c’est en essence, ce qu’est un champ de force – a inspiré de nombreux chercheurs & entreprises, comme Boeing.
En 2015, face à la recrudescence des armes qui utilisent les ondes de choc pour atteindre leur cible, l’entreprise américaine Boeing dépose un brevet concernant un générateur d’ondes électromagnétiques capable de dévier une onde de choc. Le principe est simple : il s’agit de modifier les propriétés des molécules d’air entre l’explosion et le véhicule, afin d’atténuer ou de stopper cette onde.
Lorsque des capteurs détectent une explosion proche, l’ordinateur de bord calcule la provenance de l’onde de choc qui va suivre. Un générateur intégré au véhicule va alors créer un arc électromagnétique, qui a pour but de chauffer suffisamment l’air pour le transformer en plasma. Le plasma, qui est obtenu en arrachant des électrons aux atomes présents dans les molécules d’air grâce à la chaleur, va alors atténuer l’onde de choc qui le traverse. En conséquence, le véhicule visé est en partie protégé.
Si cette technologie brevetée a été qualifiée de ‘’champ de force’’ par beaucoup de médias, il semble quelque peu malhonnête de l’appeler ainsi, car elle a plusieurs particularités qui la séparent de ceux que l’on peut voir dans l’imaginaire de science-fiction.
Contrairement aux boucliers déflecteurs de Star Wars, la technologie brevetée par Boeing ne protège en rien contre les projectiles : tout missile lancé directement sur le véhicule atteindra sa cible. De plus, au-delà du fait que ce prétendu ‘’champ de force’’ protège exclusivement contre les ondes de choc, c’est une protection active et directionnelle, qui s’active à un endroit précis pendant quelques dixièmes de seconde. Nous sommes donc loin du bouclier de l’Étoile Noire.
Face au manque d’articles et de recherche scientifique sur le sujet, on peut être en droit de se poser une question. Est-il réellement possible de créer un véritable champ de force ?
D’une galaxie très, très lointaine à notre Voie Lactée
Des étudiants chercheurs en physique de l’université de Leicester ont décidé de relever le défi en conceptualisant une manière de mettre en place une telle technologie. Ils ont concentré leurs efforts sur la protection contre les tirs lasers, qui sont des munitions emblématiques de Star Wars, dans le but de théoriser le bouclier d’énergie le plus fidèle possible à la saga.
Selon cette publication scientifique, il serait théoriquement possible de dévier les tirs lasers en englobant un objet à l’intérieur d’une bulle de plasma à haute température. Le plasma en lui-même pourrait être maintenu par un champ électromagnétique généré par un super-aimant. Plus ce plasma est dense, plus le bouclier sera en capacité de dévier une fréquence haute d’onde électromagnétique, comme un tir laser.
Cette méthode n’est cependant pas parfaite, et plusieurs accrocs pourraient remettre en question la pertinence de la technologie.
- Tout d’abord, le champ magnétique doit être très puissant pour maintenir le plasma en place, autour de l’objet. Si cette puissance est aujourd’hui atteignable par certains aimants, la source d’énergie requise est trop importante pour intégrer cette technologie à un petit appareil, tel qu’un véhicule, un avion de chasse ou un X-Wing.
- Ensuite, comme cette ‘’bulle de plasma’’ est conçue pour dévier les ondes lumineuses, comme les lasers, la lumière elle-même ne peut pas traverser cette protection. Ainsi, toute personne se trouvant à l’intérieur du bouclier devient aveugle, car plongée dans la pénombre. Une caméra UV (ultraviolet) pourrait fonctionner grâce au fait que les ondes ultraviolettes ont une fréquence inférieure à celle de la lumière visible, mais cela complique l’utilisation de la technologie.
- Enfin, ce ‘’champ de force’’ ne protège pas non plus contre la matière. Tout objet solide pourrait passer au travers, et seules les ondes électromagnétiques d’une certaine fréquence seraient déviées. Cela pose le problème de la pertinence de cette technologie. Même si elles existent, les armes lasers ne se sont pas encore démocratisées, ce qui en limite les usages potentiels.
Plusieurs limitations existent donc, et la somme des inconvénients semble dépasser celle des avantages, du moins dans le domaine de la défense. Rien ne nous dit que les problèmes qui se posent actuellement ne pourront pas être résolus grâce au progrès technologique, mais il semble compliqué de voir une telle technologie utilisée à des fins militaires dans un futur proche.
Une technologie au service de l’exploration spatiale
Comme nous avons pu le constater, il n’y a pas encore de solution pour stopper de la matière avec un champ de force. S’il est certes possible de dévier des ondes lumineuses, l’intérêt militaire est également limité. Une telle technologie pourrait cependant se révéler utile dans un autre domaine, celui du voyage spatial.
Un des principaux obstacles au voyage spatial interplanétaire est la présence de rayons cosmiques et de particules solaires, qui peuvent accroître le risque de cancer et de maladies en tout genre pour les astronautes qui y sont exposés. Il est donc primordial de protéger les astronautes de ces radiations pour les garder en vie. Sur Terre, le puissant champ magnétique généré par notre planète nous en protège, les déviant de leur trajectoire initiale. En revanche, dès que l’on quitte ce champ magnétique et que l’on entre dans l’espace ‘’profond’’, le vaisseau peut être assailli de radiations cosmiques.
Pour contrer ces rayons, il est possible d’utiliser des boucliers dits “passifs”, qui sont en réalité des couches de matière supplémentaire rajoutées au vaisseau pour protéger l’habitacle. Au-delà d’un certain niveau d’exposition, il devient cependant complexe d’utiliser cette solution, car il faudrait plusieurs mètres de couches protectrices pour assurer une protection optimale.
C’est pourquoi certains chercheurs se concentrent sur des boucliers ‘’actifs’’, qui dévient les radiations avant qu’elles n’atteignent le vaisseau. Le Projet S2RS (Space Radiation Superconductive Shield) en fait partie.
Ce projet a pour objectif d’utiliser des aimants supraconducteurs pour créer un champ magnétique 3 000 fois plus puissant que celui de notre planète pour dévier les radiations cosmiques. Ces aimants, qui ne fonctionnent que dans des environnements extrêmement froids, ont la capacité de créer un champ de force sans dissipation d’énergie. En combinant les températures glaciales de l’espace à un système de refroidissement cryogénique, ces aimants deviennent une solution efficace et fiable pour préserver la santé des astronautes. Grâce à cette technologie, ces derniers pourraient effectuer plus de missions dans l’espace, tout en étant mieux protégés. On peut constater qu’une des applications les plus utiles d’un champ de force a donc un lien fort avec l’espace, même si ce n’est pas pour protéger d’éventuelles armes laser créées de toute pièce, mais bien de radiations ‘’naturelles’’. La science-fiction n’est jamais bien loin de la réalité : elle s’en inspire beaucoup.
Si les recherches nécessaires pour mener à bien ce projet pourraient durer plusieurs années, voire plusieurs décennies, son potentiel est tel que cette technologie pourrait, à terme, devenir un équipement indispensable à tout voyage spatial.
En conclusion, dans l’état actuel des avancées technologiques, les champs de force tel que l’on peut les voir dans maints univers de science-fiction semblent difficilement atteignables. Dans un futur lointain, l’utilisation de ces boucliers d’énergie lors de batailles spatiales verra peut-être le jour. Après tout, de plus en plus d’États créent des forces spatiales, laissant présager que l’espace deviendra tôt ou tard un champ de bataille d’un genre nouveau. A ce moment là, peut-être que les boucliers déflecteurs deviendront monnaie courante.
En attendant, il convient de ne pas abandonner la recherche sur ce type de technologie, qui pourrait révolutionner de nombreux domaines, de la fusion nucléaire à l’exploration spatiale.
Sources
Theme : Force Field (SFE, The Encyclopedia of Science-Fiction)
Invisible Force Fields in Science Fiction, Dr. Roger Sabin (Hollington & Kyprianou)
Electromagnetic Arc Generator Could Protect Against Shockwaves with Plasma, Evan Ackerman (IEEE Spectrum, 2015)
That Boeing Force Field? It Probably Won’t Ever Work, Rhett Allain (WIRED, 2015)
Shields Up! Students devise concept for Star Wars-style deflector shields (Universisty of Leicester, 2014)
Scientists Are Currently Creating Real-Life Force Fields for Spaceships, Zain Charkawi (Outer Places, 2016)