Lors de son élection en 2015, Justin Trudeau a séduit les Canadiens mais aussi la sphère internationale en renvoyant l’image d’un jeune dirigeant « cool » et dynamique. Néanmoins, après 3 ans au pouvoir, la question du bilan du gouvernement Trudeau commence à se poser. En mars dernier, Le Journal de Montréal publiait un sondage dans lequel 55% des Canadiens se disaient insatisfaits de l’action du gouvernement Trudeau, le faisant passer, pour la première fois depuis son élection, sous la barre du 50% de satisfaction. On lui reproche principalement de préférer la forme au fond en concentrant ses efforts sur la mise en valeur de son image plutôt que dans des actions politiques concrètes.
Dès lors, quel bilan pour le gouvernement Trudeau aujourd’hui ?
Politique économique :
Depuis sa campagne électorale en 2015, les intentions de Trudeau sont claires : défendre la classe moyenne en luttant contre les inégalités et lancer un vaste programme d’investissement dans les infrastructures, augmentant le budget alloué de 65 à 125 milliards de dollars en 10 ans. Pour Trudeau, il s’agit là d’un moyen de renforcer la compétitivité canadienne et de lutter contre le ralentissement de l’économie. Si depuis son arrivée au pouvoir, le PIB canadien connaît une croissance continue (1% en 2015, 1.4% en 2016 et 3% en 2017), les investissements souhaités par le premier ministre ont eu cependant des répercussions sur la dette. Alors que les libéraux – c’est-à-dire la famille politique de Justin Trudeau – avaient annoncé un déficit de 10 milliards de dollars par an pour 2015 et 2016, ce chiffre a largement été dépassé. Une hausse de la dette que ses principaux adversaires politiques attribuent à l’augmentation des taxes pour les hauts-revenus (couplée à une baisse de la fiscalité pour la classe moyenne). Les statistiques économiques ne sont pas en faveur de M. Trudeau : depuis son arrivée au pouvoir, le taux de chômage a augmenté. Des chiffres qu’il convient de relativiser : les libéraux ont créé 60% d’emplois à plein temps en plus que leurs prédécesseurs. L’investissement dans les infrastructures, lui, bien qu’il contribue aujourd’hui à augmenter la dette, reste pour beaucoup un facteur de croissance sur le long terme.
Politique sociale :
En matière de politique sociale, Trudeau s’est engagé en faveur de l’immigration. Depuis le début de la crise syrienne, le Canada a accueilli environ 25000 réfugiés. De manière générale, le gouvernement Trudeau s’est donné pour objectif d’augmenter de 7%, entre le début et la fin de son mandat, le nombre de résidents permanents avec une majorité constituée d’immigrés économiques. Autre promesse de campagne de Justin Trudeau : la réforme de la loi sur la nationalité. Cette dernière facilité désormais l’accès à la nationalité canadienne aux immigrés et supprime la déchéance de nationalité pour les binationaux ayant participé à des actes terroristes. Les libéraux ont également fait le choix de défendre le multiculturalisme, le considérant comme une des richesses du pays. Le port de l’hijab est depuis autorisé dans la police (2016).
Nul doute, le Canada de Justin Trudeau est plus progressiste sur les questions de société que la majeure partie des pays européens, en témoigne la loi autorisant l’euthanasie pour les personnes atteintes de « problèmes de santé graves et irrémédiables » qui ressentent des « souffrances intolérables » et qui peuvent y consentir de manière éclairée (2016). En 2017, le gouvernement a également déposé un projet de loi afin de légaliser le cannabis à des fins récréatives pour les plus de 18 ans dans l’optique de mieux contrôler la circulation de cette substance et de limiter le marché noir. Cette nouvelle légalisation a pris effet le 17 octobre.
Politique étrangère :
La politique étrangère du gouvernement Trudeau se distingue par un retrait des interventions militaires directes et un recours au multilatéralisme. À cet égard, le premier ministre canadien s’est engagé à n’utiliser la force militaire que dans le cadre de l’ONU. Une stratégie pas forcément payante, puisque depuis le 3 août dernier, le Canada vit une crise diplomatique avec l’Arabie Saoudite. La raison ? Le ministre canadien des Affaires étrangères a dénoncé via Twitter des arrestations de militants pour les droits de l’homme en Arabie Saoudite et a exhorté les autorités du pays à les « libérer immédiatement ». Des critiques qui ont poussé l’Arabie Saoudite à geler les transactions commerciales et les investissements entre les deux pays, à expulser l’ambassadeur canadien et à transférer les étudiants saoudiens installés au Canada vers d’autres pays.
Politique environnementale :
La politique environnementale du gouvernement Trudeau est fortement controversée dans la mesure où il lui est reproché d’essayer de véhiculer à l’international l’image d’un gouvernement soucieux de l’environnement alors que dans les faits, la protection de la biodiversité ne constitue pas une de ses priorités. En effet, alors que Trudeau a signé l’accord de Paris sur le climat en 2016 et que le Canada s’est engagé à verser 2.65 milliards de dollars sur cinq ans à certains pays afin de les aider à lutter contre le changement climatique, son gouvernement a signé un projet de loi permettant l’exportation du gaz de schiste et a décidé de nationaliser l’oléoduc contesté de Trans Montains afin de pouvoir en augmenter la capacité.
À mi-mandat, le gouvernement Trudeau présente un bilan mitigé. Les libéraux doivent aujourd’hui faire face à de nombreux défis et marquer les esprits par de francs succès s’ils souhaitent rétablir leur popularité initiale en vue des prochaines élections.
Par Nouha Idrissi.