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ALAN TURING, LE PÈRE DE L’INFORMATIQUE

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Par Hicham Ghermani

Alan Turing est né à Londres en 1912. Son père, alors administrateur colonial, doit regagner son poste en Inde, mais le climat de Madras est jugé peu favorable à la santé des enfants. Encore nourrisson, Alan est donc placé avec son frère aîné près d’Hastings, au sud de la Grande-Bretagne, dans la ­famille d’un colonel où l’on pense que l’éducation des garçons doit en faire des hommes, des durs, des vrais. Les fils Turing ne verront leurs parents que de manière occasionnelle durant leur enfance.

A 14 ans, Turing rejoint l’internat de Sherborne Grammar School, réputé très strict, peu sociable et jugé « brouillon, malhabile » et « imbu de culture classique et de morale victorienne », ce dernier ne trouve de réconfort que dans les cours de sciences.

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Photo du passeport d’Alan Turin à l’âge de 16 ans

L’année suivante, Turing fait une rencontre qui allait bouleverser sa vie, celle d’un jeune garçon nommé Christopher Morcom, un passionné de mathématiques et de sciences. C’est à cette période que Turing prend conscience de son homosexualité, alors sévèrement réprimée en Angleterre au début du 20e siècle. Malheureusement, Christopher meurt d’une tuberculose bovine à 19 ans après avoir bu du lait de vache infecté. Alan Turing décide alors d’incarner le destin scientifique de Morcom.

Alan Turing poursuit ces études au King’s College et résout l’épineux problème dit de la décision, formulé par David Hilbert à la fin des années 1920. Grâce à son article sur ce problème, qu’il finalise en 1936, Turing précise de manière complètement originale la notion de calcul. « Il parvient à établir une limite entre ce qui est calculable et ce qui ne l’est pas », explique Jean Lassègue. Ce qui est calculable peut être prédit : le résultat sera toujours le même. Le non-calculable, c’est ce qui résiste à ce déterminisme : c’est ce qui peut évoluer de manière imprévisible, comme cela arrive parfois en physique.

« Surtout, Turing montre que ce qui est calculable peut être décomposé en un nombre fini d’étapes pouvant chacune être réalisée par une machine », poursuit Jean Lassègue. Cette fameuse machine de Turing, qui n’existe alors que sur le papier, n’est autre que le « computer » ou ordinateur. Alan n’a que 24 ans. Il rejoint alors l’université de Princeton, aux États-Unis, où il prépare un doctorat de logique mathématique sous la direction d’Alonzo Church. John von Neumann, sommité des mathématiques et de la physique, qui lui propose de devenir son ­assistant, mais le chercheur préfère rentrer en Angleterre. Nous sommes en 1938. Les menaces d’un conflit avec l’Allemagne se précisent.

Alan Turing est alors recruté par le « Government Code and Cypher School » qui est en quelque sorte le service britannique du chiffre. Le but de cette unité est de décrypter les messages radios que les Nazis échangent. Turing et ses collègues réussissent à décoder la plupart des messages allemands, dont ceux de la fameuse machine Enigma. Des dizaines de milliers de vies humaines ont été épargnées grâce à cette prouesse selon l’historien Philippe Breton.

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Alan Turing, vers 1938

Après la guerre, Turing peut enfin se consacrer à la matérialisation de la machine idéale conçue dans son article de 1936. Il entre au Laboratoire national de physique près de Londres où il rédige en trois mois le projet de construction d’un prototype d’Automatic Computing Engine (ACE). Il ne s’agit pas d’un simple calculateur, comme pour les projets américains concurrents, mais d’une machine susceptible de traiter n’importe quel type de données. Les plans vite achevés, programmeurs et ingénieurs commencent à travailler sur la construction de l’ACE jusqu’à son aboutissement en 1950.

Turing se concentre désormais sur la possibilité de prêter une intelligence à des machines. En octo­bre 1950, il publie son article intitulé “L’ordinateur et l’intelligence”. Souvent considéré comme posant la base de ce qui deviendra l’intelligence artificielle, le texte s’ouvre sur le jeu de l’imitation (Imitation game – 2014) , dans lequel le chercheur imagine le moyen pour une machine de se faire passer pour un être humain.

Mais les deux dernières années de sa vie précipitent une fin tragique. Une aventure avec un jeune homme le conduit au tribunal où il plaide coupable pour « pratiques indécentes réitérées en compagnie d’un autre homme ». Considérant qu’il a bien trop de travail pour aller en prison, il accepte l’alternative qu’on lui propose : la castration chimique. Ils peuvent bien faire ce qu’ils veulent de son corps pense-t-il, son esprit, son logiciel, restera intact… « Mais, sous l’effet des hormones, le voilà transformé en ce qu’il s’imagine être une presque femme. Et si la pensée et le corps entretenaient des liens plus profonds qu’il ne le croyait ? Et s’il s’était trompé ? », interroge Jean Lassègue, se figurant les dernières pensées du mathématicien. Le 7 juin 1954, Alan Turing est retrouvé raide et froid dans son lit. La pomme au cyanure a fait son œuvre.

Alan Turing aura eu un impact majeur sur nos vies à tous. La reine Elisabeth II le reconnaît comme héros de guerre et le gracie à titre posthume en 2013. Afin de rendre hommage à ce génie au destin brisé le prix Turing a été créé et est attribué tous les ans depuis 1966 à une personne sélectionnée pour sa contribution de nature technique faite à la communauté informatique.

Signature de Alan Turing
Signature d’Alan Turing