Passé par le centre de formation du club de football professionnel de Dijon, Maxime Gorillot a toujours été passionné par le sport. En intégrant emlyon en 2012, il souhaite développer professionnellement cette passion et rejoint le master in Sports Industry Management. S’accommodant des milieux multiculturels et internationaux, il découvre plusieurs pays au cours de stages et d’échanges universitaires. A l’issue de son cursus, après un échange à Shanghai, Maxime intègre Adidas pour un stage de 6 mois en Allemagne dans le département « finance ». Dans le pays de la langue de Goethe, pendant 2 ans, il travaille consécutivement pour le marché européen puis le marché monde. Il déménage ensuite à Portland dans le Nord-Ouest des USA pour travailler sur la région Adidas Amérique du Nord. Aujourd’hui, cela fait 3 mois qu’il est basé à Los Angeles où il travaille en finance pour les collaborations mode-music-artiste d’Adidas avec des partenaires extérieurs. Lumière sur un parcours détonnant et une industrie passionnante.
Propos recueillis par Manon Bariteau,
Le M : Bonjour Maxime, tu es actuellement Senior Manager Hype Music & Fashion Collabs, en quoi consiste concrètement ton métier ?
Maxime Gorillot : 75 à 80 % des fonctions « globales » sont basées au siège « monde » d’Adidas en Allemagne près de Nuremberg. Le reste de ces fonctions « globales » sont basées à Portland et Los Angeles : il s’agit des fonctions de création de produits et d’initiatives stratégiques pour des produits et sports spécifiques au marché de l’Amérique du Nord (basketball, football américain, baseball, skateboarding), ainsi que pour les collaborations mode e.g. Yeezy / Ye, Ivy Park / Beyonce, Human Race / Pharrell Williams, Bad Bunny, qui sont dirigées depuis les Etats-Unis parce que c’est là où ces artistes et personnalités ont le plus d’influence et c’est là où les tendances « mode » naissent et se diffusent dans le monde.
En ce qui me concerne, je fais partie du pôle « global » basé à Los Angeles et je travaille plus précisément dans le département finance de la division mode / collaborations avec des artistes, des designers, des chanteurs, etc. De manière plus concrète, j’accompagne les équipes de création de produits dans les domaines financiers et stratégiques: planification, analyse financière et stratégique avec projections de ventes, de coûts, de marge, stratégie prix et de coûts d’un produit et bien d’autres, sur tous les marchés du monde (Amérique du Nord, du Sud, Chine, Europe, etc).
“La culture dans l’industrie du sport est beaucoup plus flexible/décontractée. […] je vais au travail avec mon maillot de foot, habillé en short et en baskets.”
Au vu de tes centres d’intérêt, on imagine que tu avais prévu de travailler dans l’industrie du sport quand tu étais à emlyon ?
Je jouais beaucoup au football au collège et au lycée. Mon rêve était de devenir footballeur professionnel : j’étais dans un centre de formation et je m’entraînais pour cela. Cependant, au vu de la concurrence en France dans ce domaine, je savais que mes chances étaient minces. Je me suis laissé jusqu’au baccalauréat pour m’amuser dans ce sport. Après mon bac, je me suis orienté vers les classes préparatoires qui débouchaient sur une école de commerce, parce que cela m’intéressait. En entrant à emlyon, je me suis orienté dans le sport en sachant qu’il y avait des opportunités. C’est aussi pour cela que j’ai choisi le master en management de l’industrie du sport. Néanmoins, j’essayais à cette époque de rester ouvert à d’autres domaines.
Pourquoi l’industrie du sport est-elle intéressante pour des financiers comme toi ?
Je ne me définirais pas comme un financier puisque je n’ai jamais pris de cours spécialisé en finance à emlyon : j’en suis sorti, comme tout le monde, avec un bagage en marketing, un peu de finance, mais sans spécialisation.
J’ai fait 2 stages en finance avant de rejoindre Adidas et ce qui saute aux yeux, c’est la culture de l’entreprise qui est très différente : la culture dans l’industrie du sport est beaucoup plus flexible/décontractée. Pour vous donner un exemple, je peux aller au travail habillé en maillot de foot, short et chaussures de sport et je ne serai pas une exception. Aujourd’hui, je ne me verrais d’ailleurs pas aller au travail en costume/ cravate. La manière de s’habiller ou de communiquer est moins formelle.
De mon point de vue, l’industrie du sport est peut-être un peu en retard sur d’autres industries en termes de modes opérationnels (moins d’automatisation par exemple). En revanche, en terme de stratégie marketing / communication (les fonctions plus « sexy »), je pense que l’industrie du sport est plus au moins au même niveau que les autres sinon en avance.
Tu as été vice-président du BDS d’emlyon et manager de l’équipe de football. Quel souvenir en gardes-tu ?
J’ai été un membre actif du BDS pendant 6 mois et je travaillais pour la boutique du BDS avec mon demi-frère. Quand je suis parti en Finlande au deuxième semestre de l’année 2014, mon année en mandat, je continuais de gérer la boutique à distance.
Que de bons souvenirs ! La vie associative à emlyon est comme une mini entreprise sans les problèmes de budget que l’on peut rencontrer dans la « vraie » vie, avec des groupes d’étudiants qui essayent d’atteindre un même but. Cela représente beaucoup d’apprentissages et c’est aussi une belle aventure humaine.
J’ai coaché des équipes de football à Dijon et je gérais plus ou moins l’équipe de foot d’emlyon. Cela apprend beaucoup de choses sur l’organisation (jouer des matchs dans différentes villes, trouver des stades pour s’entraîner, etc).
Tu as été joueur de football pour le Dijon FCO, en quoi cette expérience t’a-t-elle aidé au cours de ton parcours professionnel ?
Au niveau de l’intensité et de la fréquence d’abord (je participais à 6-8 entraînements par semaine, et jouais un match par week-end). Nous finissions la saison en mai-juin et tout le mois de juillet, nous suivions des programmes d’entraînement – course, renforcement musculaire, etc. Cela m’a vraiment façonné. Au niveau de la gestion du stress et de la pression également, parce que j’étais gardien de but. Le gardien n’a pas le droit à l’erreur. C’est un poste à pression : un arrêt, personne ne s’en rappelle mais une erreur ou un but encaissé, tout le monde s’en rappelle. Cela permet aussi de relativiser et de garder les pieds sur terre.
J’ai appris l’importance du travail en équipe, du respect de l’équipe, à faire passer l’équipe avant soi-même. Le sport donne souvent une leçon d’humilité. Si un membre de l’équipe ne performe pas ou n’est pas à la hauteur, toute l’équipe en souffre. Cela motive constamment à donner le meilleur de soi. Enfin, au niveau de la persévérance et de la résilience. Cela peut se transférer à une carrière en entreprise, c’est utile à tout moment. En entreprise, il y a des présentations à préparer par exemple, mais une fois la présentation terminée il faut tout de suite se concentrer sur l’échéance suivante. Au foot, c’est pareil, une fois le match terminé, il faut tout de suite se concentrer sur le match suivant et ne jamais se reposer sur ses lauriers.
Tu as un profil très international puisque tu as fait un stage à Baltimore, un échange à la Hanken School of Economics en Finlande et un autre à la East China Normal University de Shanghai. Puis tu as rejoint Adidas en Allemagne, à Nuremberg avant de changer de bureau et de rejoindre les USA, d’abord à Portland puis aujourd’hui à Los Angeles. Qu’est ce qui te plaît autant dans le fait de travailler à l’étranger ?
Plus que d’avoir travaillé à l’étranger, je dirais que ce qui me plaît est que j’ai travaillé dans des environnements très internationaux et multiculturels. Je suis curieux et j’avais besoin de m’ouvrir à l’inconnu, d’apprendre des autres et de leurs façons de faire. Cela m’a ouvert les yeux sur beaucoup de choses : il n’y a pas une seule façon de faire. Cela remet en cause un système d’idées « formaté » par notre culture, notre milieu social ou notre parcours. Cela m’a permis de prendre conscience de ce que je faisais moi-même, aussi, de la manière dont je pensais. Ma priorité en sortant d’emlyon était d’intégrer une entreprise dans laquelle je pourrais potentiellement me déplacer géographiquement à travers le monde. Avec adidas, j’ai eu cette opportunité.
“Je pense qu’il est important pour les deux parties de partager les mêmes attentes au début d’un partenariat, d’avoir des objectifs communs, et de fixer une ligne de conduite. “
As-tu des conseils à donner aux étudiants qui souhaitent travailler dans cette industrie ?
Le Master in Sport Industry Management est un très bon choix de parcours, bien que ce ne soit pas un pré-requis pour travailler dans l’industrie du sport. Malgré tout, c’est une très belle opportunité pour travailler dans cette industrie : il y a des liens directs avec l’industrie du sport par le biais des professionnels qui viennent donner des cours. Aux Etats-Unis, ce genre de programme commence à se développer parce que l’industrie du sport est gigantesque mais cela reste rare. C’est donc une chance qu’emlyon propose ce programme. Si vous aimez le sport, je recommande de s’y intéresser.
“La majorité des facteurs sont généralistes et touchent tous les acteurs de l’industrie.”
L’industrie du sport peut avoir une connotation “sexy” vu de l’extérieur: on travaille avec des athlètes tous les jours, avec de grands clubs, etc. (ce qui ne s’applique tout de même qu’à une minorité de personnes même au sein d’adidas par exemple). Il y a beaucoup de candidats, et les places sont relativement limitées. Il faut rester ouvert et ne pas forcément retenir uniquement cette industrie. A titre d’exemple, l’ancien PDG d’adidas travaillait auparavant chez Henkel. Il est toujours possible de changer d’industrie à un moment ou un autre de sa carrière.
Sur quoi repose un partenariat réussi pour une marque d’articles de sport ?
Les collaborations avec des célébrités hors athlètes ou sans liens avec des clubs ou des fédérations sportives sont assez récentes. Adidas fait partie des premiers voire est le premier, qui s’est ouvert à d’autres types de célébrités qui ne sont pas des athlètes et nous tâtonnons encore. Je pense qu’il est important pour les deux parties de partager les mêmes attentes au début d’un partenariat, d’avoir des objectifs communs, et de fixer une ligne de conduite. Cela est plus difficile dans le cadre d’un partenariat artistique. Les objectifs d’une marque de sport et d’un club sportif convergent en effet plus facilement qu’entre une marque de sport et un artiste. Un autre élément qui fait qu’une collaboration peut être intéressante est le fait que l’on partage partager, l’artiste et notre marque, des valeurs communes.
D’autre part, le mode de collaboration avec des athlètes, des clubs, d’autres marques de sports, des associations ou des fédérations est plus actif. Quand une marque s’associe à un club ou une fédération, c’est une manière d’obtenir une part de marché dans une ville particulière et/ou d’établir un lien avec les joueurs ou les athlètes. Ces derniers sont constamment actifs lors de leur carrière, à l’inverse des artistes. Les partenariats sportifs sont construits sur le long terme avec une relation quasiment quotidienne. En ce qui concerne les partenariats dans le domaine de la mode, de la musique, ou de l’art en général, les choses sont différentes. Les artistes ne sont pas aussi actifs que les athlètes dans le sens où leur carrière peut connaître des pauses, des moments sans production artistique.
C’est aussi pourquoi j’aime beaucoup ce que je fais : observer les interactions entre ces deux mondes. Ces collaborations demandent beaucoup plus de travail, il y a davantage de désaccords. Ce sont deux mondes : parfois les artistes n’ont pas idée des modes opérationnels et il faut adapter nos langages pour pouvoir s’entendre et collaborer du mieux possible. Je ne pense pas qu’il y ait de recette parfaite pour y arriver.
La période actuelle semble compliquée pour Adidas avec la baisse des ventes en Chine (conséquence de la politique zéro Covid de Pékin et des appels au boycott des consommateurs locaux), l’augmentation des stocks d’invendus, la hausse des prix d’achat et des frais logistiques, la recherche d’un nouveau dirigeant après le départ annoncé de Kasper Rorsted alors que l’action a été renvoyée sous les 120 EUR notamment à la suite de la prise de parti contre les atteintes aux droits de l’homme dans le Xinjiang. Es-tu inquiet, alors que Adidas semble réellement prendre sa mission sociale à cœur ?
Une période comme celle-là est toujours compliquée à gérer : certains éléments sont hors de notre contrôle comme c’est le cas de la politique zéro covid à Pékin, de la situation géopolitique de la Chine ou de l’inflation et de la hausse du coût des matières premières, par exemple. Cependant, les autres marques sont également affectées : la part de marché de Nike en Chine a baissé en même temps que la nôtre en raison de la politique nati onaliste du pays. La majorité des facteurs sont généralistes et touchent tous les acteurs de l’industrie. C’est pourquoi je ne suis pas vraiment inquiet; l’industrie est en expansion depuis 10-15 ans et va rester attractive puisque les gens vont continuer de regarder des matchs de foot, d’aller courir, d’aller à la salle de sport, etc. Plusieurs études le montrent: en tant que tendance consommateur, le sport ne sera pas en danger car les gens ont besoin de prendre soin d’eux. Je comparerais presque l’industrie du sport à celle des cosmétiques : le sport, c’est prendre soin de soi, de sa santé physique. De plus, de nombreux pays / marchés possèdent un énorme potentiel que nous n’avons que peu ou pas encore exploré.
Un mot pour finir ?
Merci ! J’espère que cette interview aidera les étudiants intéressés par l’industrie du sport à comprendre comment elle fonctionne. Lorsque j’étais à emlyon, je connaissais mal l’industrie du sport, ce n’était pas un secteur vers lequel on m’orientait, ce n’était pas l’un des débouchés principaux et je trouvais cela un peu dommage. En tant que passionné de sport je vois un tas d’avantages qui sont liés à la culture de travail, du terrain de foot que j’avais juste en-dessous de mon immeuble de bureaux sur le campus Adidas à Portland, à la salle de sport avec cours gratuits, en passant par la possibilité de travailler sur des produits intéressants voire de rencontrer des athlètes ou artistes, etc.