Par Lola Lefebvre
Producteur de Trésor Films depuis plus de vingt ans, Alain Attal a partagé avec nous sa vision du cinéma d’aujourd’hui, la manière dont il a évolué ces dernières années ainsi que celles à venir suite à la crise sanitaire et économique liée au COVID-19.
Bonjour Monsieur Attal, pouvez-vous commencer par vous présenter ?
J’ai une entreprise de production qui a une vingtaine d’années maintenant, qui s’est diversifiée au fil du temps : nous avons commencé en produisant des courts-métrages dans un cadre de production indépendante. Grâce aux courts-métrages, nous avons eu la chance de fidéliser un certain nombre de personnes qui sont devenus des artistes, des personnalités et qui ont, petit à petit, constitué une bande de départ unie par le désir commun de faire du cinéma. Puis, les longs-métrages se sont mis en place et, au gré des rencontres avec les nouveaux venus — réalisateurs, auteurs, acteurs-réalisateurs — qui en ont fait une activité beaucoup plus rythmée, cela s’est accéléré.
Le binôme réalisateur-producteur est au cœur de ma façon de travailler.
L’entreprise Trésor est devenue plus importante, toujours avec la volonté d’essayer d’être un révélateur, au sens photographique (ndlr. produit chimique transformant l’image latente en image visible) de ce que l’artiste a envie de dire et de la manière dont il veut le raconter. Le but est de garantir à ce dernier une direction artistique qui serait la sienne sans être trop influencée par les desiderata d’importants télédiffuseurs qui pourraient tenter d’imposer leur vision. Aussi, le binôme réalisateur-producteur est au cœur de ma façon de travailler.
Si je voulais résumer l’ADN de Trésor Films, à ce binôme viendraient s’ajouter deux éléments. Le premier serait ma curiosité à déceler de nouveaux talents. J’ai produit beaucoup de premiers films et j’ai continué à accompagner par la suite les acteurs dans leur deuxième, voire troisième film.
Enfin, beaucoup d’acteurs sont devenus réalisateurs au Trésor. Je ne sais pas à quoi cela est dû : peut-être au fait que tout a commencé avec un acteur-réalisateur qui s’appelle Guillaume Canet, peut-être cela a-t-il fixé une espèce de ligne… Ainsi, le premier film que j’ai produit en 2000, « Mon Idole » réalisé par Guillaume Canet, répondait à cette règle. C’est aussi le cas du dernier, « L’origine du monde », réalisé par Laurent Lafitte que l’on connaît en tant qu’acteur. Cette culture de l’acteur-réalisateur au Trésor passe aussi par Gilles Lellouche, Maïwenn, Jeanne Herry… J’ai tenté d’identifier chez eux si possible une vraie envie et pas un caprice, un vrai talent derrière ce désir, que j’essaye ensuite de cultiver suffisamment pour qu’il puisse s’exprimer.
En quoi consiste le métier de producteur de cinéma, plus précisément ?
Il y a véritablement trois étapes dans le métier de producteur.
Il y a d’abord la rencontre avec une envie et un artiste. Cette rencontre est suivie par la phase de développement qui consiste à mesurer à quel point l’histoire que l’auteur veut raconter se tient, à quel point elle résistera à l’envie et au temps, à l’élaboration et à la construction du projet : on accompagne l’artiste dans l’écriture d’un scénario le plus abouti possible.
Puis, il faut penser à un casting : on cherche à incarner les personnages principaux par l’intermédiaire des acteurs qui ont donné leur accord pour rejoindre le projet. On réfléchit ensuite à la manière dont on veut approcher certains postes-clé : le chef opérateur, le chef décorateur qui vont donner la couleur du film. Plus le « fantasme » d’un film est précis, plus on y voit clair (même de manière virtuelle) et plus la communication avec les investisseurs sera facile.
La deuxième phase est la phase de financement. C’est ici que commence mon travail : pré-vendre ce film à des investisseurs qui vont miser sur le projet. La partie « production » commence avec l’élaboration du devis qui permet de monter le dossier du projet. Fort d’un dossier et d’un univers, d’un script et d’un casting, le projet est prêt à être présenté à toute une série d’investisseurs.
La phase de financement consiste pour moi à convaincre les partenaires. D’abord, les distributeurs qui vont mettre le film en salle et donner une avance sur des recettes futures qu’ils ont estimées. Ensuite, les chaînes de télévision qui vont diffuser le film dont elles estiment la valeur dans un système de pré-achat d’une ou deux diffusions. Enfin, les chaînes cryptées entrent en jeu : elles ont un rôle très important en France car elles ont des obligations (i.e. Canal + par exemple a l’obligation d’investir une partie de ses recettes dans le cinéma). Ces obligations que l’on a instaurées auprès de tous les diffuseurs qui vivent et vendent de la publicité grâce à nos images (ndlr. décret n°90-66 du 17 janvier 1990) font la richesse de notre cinéma. À cela s’ajoute tout un faisceau d’aides publiques organisées par le CNC (ndlr. Centre national du Cinéma) qui permettent de constituer un budget qui correspond au coût du film : si l’on n’a pas trouvé la totalité, le producteur prendra le risque personnellement, avec son entreprise, de couvrir la différence.
Enfin, une fois que l’on a trouvé le financement, la troisième phase consiste à tourner et à amener le film à sa fin. Si le producteur peut accompagner le tournage en prodiguant des conseils ou en surveillant la gestion du budget, il joue surtout un rôle important en post-production : il garde un œil sur le montage, le rythme, le choix de la musique, puis sur les services de marketing du distributeur qui a la charge de mettre le film en avant auprès du public.
Au Trésor, nous avons fait le choix d’assurer le suivi du film après sa sortie, dans sa vie internationale notamment, et le producteur est amené à le présenter à des festivals, qui sont de véritables haut-parleurs pour les films dans leur dimension internationale (Toronto ou Cannes). Cela confère au film la résonance et l’aura qu’il faut pour être sur une jolie rampe de lancement au moment où le public se l’accapare.
Comment devient-on producteur ? Faut-il selon vous des compétences acquises en école, comme la Femis (ndlr. École nationale supérieure des métiers de l’image et du son) ou les écoles de commerce ? Les nouveaux producteurs sont-ils diplômés ou plutôt autodidactes ?
Plusieurs producteurs sont passés par le département « production » de la Femis. D’autres viennent à la production par le biais de la finance car ils ont fait des écoles de commerce : leur formation de commerce leur permet d’avoir les automatismes, de comprendre les plans de financement… mais il faut ensuite avoir la casquette artistique. Pour se former, il est possible d’intégrer une entreprise de production par le biais de son secteur commercial.
Ma formation à moi, ce sont les films.
Il existe aussi de nombreux exemples de producteurs qui se sont formés sur le tas ou sont devenus producteurs après avoir été assistant ou stagiaire de production, parce qu’ils avaient une tête bien faite, une propension à bien compter, et qu’ils avaient un certain goût, affirmé et qu’ils ont su défendre.
Ma formation à moi, ce sont les films. J’ai appris sur le terrain en étant très cinéphile et surtout en étant entrepreneur : je savais ce que c’était de monter une entreprise, je savais ce qu’étaient les contrats d’une entreprise donc je l’ai abordée avec ma passion et l’envie de voir les films que je produirai. Je suis toujours le premier spectateur de mes films.
Qu’est-ce qui a changé selon vous ces dernières années ? Dans la manière de faire des films, les attentes des spectateurs… La fréquentation des salles est-elle toujours la même, par exemple ?
Le nombre de spectateurs est constant, suffisamment spectaculaire pour être rassurant : un peu plus de 200 millions de spectateurs par an (213,3 millions d’entrées en 2019) en France. C’est un peu plus mitigé lorsqu’on regarde le détail de ces chiffres : à l’intérieur, la part de cinéma français est toujours un peu fragile (35% en 2019).
Depuis environ cinq-sept ans, la donne a changé : de plus en plus de films à tout petit budget ont du mal à se faire, mais surtout à trouver leur public. Il y avait autrefois un large public de films d’auteur mais il se raréfie un peu de nos jours.
Aujourd’hui, on a même du mal à monter des films à moyen budget (2-3 millions€) qui sont pourtant le cœur de notre cinéma. Ce sont les films d’auteur à la française avec une jolie histoire, un joli casting mais sans grosse vedette, qui sont l’émanation d’un auteur qui a déjà montré un chemin et qui a fidélisé… Ce sont par exemple Desplechin, Noémie Lvovsky ou Olivier Assayas. On a plus de mal à faire ces films-là et le public a tendance à privilégier des films événements, ce qu’on appelle les “films du milieu +”, entre 5-10 millions€ de budget.
700 000 entrées aujourd’hui, c’est le haut du panier des films entertainment.
Au Trésor par exemple, quand j’accompagne des auteurs qui sont pourtant relativement connus comme Nicole Garcia, le financement est difficile, la rencontre avec le public aussi. Quand on pouvait espérer un million de spectateurs il y a sept ou huit ans, aujourd’hui les entrées plafonnent assez vite, même quand les films sont de grande qualité. Par exemple, « Mal de Pierre » avec Marion Cotillard et Louis Garrel (joli casting, très belle histoire, l’adaptation d’un roman qui était un best-seller européen) a plutôt bien marché (700 000 entrées) mais il y a sept ans, le même type de film, « Un balcon sur la mer » avec Jean Dujardin faisait plus d’un million d’entrées. C’est 400 000 entrées de moins alors même que c’est déjà extraordinaire de faire 700 000 entrées aujourd’hui, c’est le haut du panier des films entertainment.
Le cinéma est-il challengé par les nouveaux acteurs (séries, plateformes de streaming, Netflix, OCS… ? Selon vous, est-il voué à se réinventer ?
L’arrivée des plateformes a bouleversé la donne dans notre environnement professionnel. Les films « directs-plateforme » sont des films qui sont beaucoup plus contrôlés car il n’y a en réalité qu’un seul interlocuteur, un seul client : la plateforme. Elle a donc son mot à dire et les films indépendants seront plus difficiles à faire mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un nouveau débouché. On le sent encore plus dans cette période de pandémie où les plateformes explosent car les gens sont à la maison, mais c’était déjà le cas avant.
Les plateformes comme Amazon, Netflix ont été créées dans un esprit de vidéoclub ; elles les ont remplacés en tant que vidéoclub à domicile qui ont besoin de chair fraîche pour alimenter leurs adhérents, auxquels il faut donner de la nouveauté. Aussi, ils ont commencé par acheter et maintenant ils produisent. La série s’est installée sur les plateformes de par sa praticité, son côté ludique, voire multilingue. Il y a quatre ou cinq ans, jamais personne n’aurait pu imaginer qu’une série espagnole, tournée en espagnol, puisse être un aussi grand succès qu’une série américaine. Le succès de « Parasite » dans le monde entier notamment, témoigne de cette nouvelle façon de consommer, qui a été un peu poussée par les plateformes.
La mondialisation et l’uniformisation culturelle y ont bien sûr joué leur part. Surtout, ce système qui consiste à diffuser un contenu le même soir dans les foyers du monde entier a été une révolution et a ouvert le champ des possibles : si une série espagnole a pu devenir un succès mondial, une série ou un film en français peut, grâce à cette facilité d’accès et cette curiosité, y prétendre aussi.
Vous avez créé il y a trois ans une branche télévision chez Trésor Films. Était-il nécessaire pour vous de vous diversifier ? De toucher un nouveau public ?
C’était une curiosité. Aujourd’hui, la télévision n’est plus le parent pauvre du cinéma comme il y a encore dix ans, où il y avait un réel phénomène de cloisonnement et où la télévision paraissait “cheap” par rapport au cinéma (même si ça marchait déjà !).
Par l’intermédiaire de Canal + et l’arrivée de nouveaux auteurs, une nouvelle approche a émergé qui a plu aux jeunes, qui ne voulaient pas faire de séries télé pour les ménagères de plus de 60 ans (ndlr. notion d’audience: auditeurs classiques des chaînes publiques) qui sont à la maison et qui regardent des séries un peu ringardes. CANAL +, OCS et les plateformes ont bousculé cela et il y a eu une envie d’être plus trash, plus violent, plus drôle ; une envie de se préoccuper non pas de l’avis général le plus consensuel mais d’oser la différence, et tant pis si on perdait la ménagère. On a créé une clientèle nouvelle devant la télévision.
Bien que la télévision soit moins glamour que l’image d’Épinal du cinéma (les festivals, les soirées d’avant-première…), il n’en demeure pas moins qu’il est très satisfaisant d’être payé pour réaliser une œuvre qui sera diffusée au plus grand nombre (auprès de 3 ou 4 millions de personnes).
Nous avons donc redistribué un peu les cartes, pour pouvoir diversifier notre offre mais nous avons un ADN qui reste très cinéma.
Comment la crise du COVID-19 a-t-elle impacté votre activité et plus globalement, le secteur de la production ?
Le confinement a suspendu nos activités il y maintenant sept semaines comme pour la plupart des entreprises (ndlr. interview réalisée le 27 avril 2020). On essaye de faire du télétravail pour faire avancer les développements mais ce n’est pas la même énergie quand les gens sont confinés chez eux, quand ils n’ont pas un bureau où ils peuvent venir travailler… Au Trésor, nous avons essayé de mettre en place des bureaux qui seraient des maisons d’écriture. C’est une maison très collective, au sein de laquelle on échange beaucoup, on se parle… L’événement « machine à café » est un élément important de l’écriture ! Aujourd’hui, tout est donc au ralenti et les développements en étude de faisabilité, (recherche de castings, etc…) se sont arrêtés.
Les gens auront-ils envie de retourner dans les salles ?
Nous avions aussi deux films en post-production qui doivent sortir à la rentrée. Le premier, « Comment je suis devenu un super-héros », de Douglas Attal, prévu pour le 14 octobre, est en post-production : il y a de nombreux plans d’effets spéciaux à faire donc on essaye de garder le tempo. Nous avançons mais ce n’est pas facile. Nous avons toujours cette grande angoisse qui est celle des conséquences de la pandémie : les gens auront-ils envie de retourner dans les salles ? Le deuxième, « L’Origine du monde », le premier film de Laurent Lafitte, doit sortir le 4 novembre. J’espère qu’on ne devra pas décaler ces sorties car cela engendrerait des problèmes de trésorerie. En effet, lorsqu’un film sort, on récupère du fond de soutien (ndlr. entre 70 et 85 centimes prélevés sur le prix des places, récoltés dans un compte de fond de soutien qui permet au producteur de réinvestir dans des films), ce qui est très précieux et constitue une forme de richesse.
« Astérix », réalisé par Guillaume Canet, était aussi en préparation et est actuellement à l’arrêt. C’est le cinquième Astérix et c’est le plus gros budget que j’ai jamais produit mais les Astérix sont toujours le plus gros budget français. Il coûtera entre 55-60 millions d’euros, il y a énormément d’effets spéciaux… Le confinement nous a arrêtés alors que nous venions de commencer le gros du travail de préparation pour la construction des décors, qui sont plutôt compliqués et demandent beaucoup d’études… Nous espérons savoir, d’ici fin mai, si nous pourrons maintenir ce tournage initialement prévu en juin : il y a beaucoup d’extérieur donc il faut qu’il fasse beau (les Gaulois sont torse nu !) … Nous allons voir si nous pouvons maintenir le tournage en 2020 mais si nous devons le décaler à l’année prochaine, cela engendrera des frais généraux, donc une trésorerie en panne…
Cependant, nous nous en sortons bien puisque nous n’étions pas en exploitation d’un film : dans ce cas, c’est une perte sèche définitive. Nous n’avons pour l’instant que des dommages collatéraux.
Comment imaginez-vous la sortie du confinement et les adaptations à opérer (reprise ralentie, réduction des équipes sur les tournages, fréquentation des salles, risque d’embouteillage…) ?
Chaque jour amène son lot de supputations : certains jours, on se dit qu’il va y avoir une appétence pour reprendre la vie d’avant et que les choses vont rentrer dans l’ordre d’elles-mêmes, qu’à la rentrée, les gens retourneront au cinéma… Ou bien les gens auront peur d’aller dans des salles à cause de la promiscuité… Est-ce qu’on ne devra produire que de tout petits films qui seront tournés pendant le confinement avec une équipe très réduite pour respecter la distanciation ? Au contraire, est-ce qu’il y aura une telle volonté de produire des images que nous aurons des ponts d’or de la part de Major et des plateformes pour faire de gros films qui créent de l’audience ? Je ne saurais le dire… Je suis dans l’attente tous les jours de voir de quoi demain sera fait.
Ce qui est sûr, c’est que chacun réfléchit beaucoup en ce moment ; nous assisterons sans doute à la montée en puissance d’une pensée plus écologique… Mais la culture va-t-elle réussir à prendre place dans cette préoccupation environnementale et permettre à notre industrie et à notre commerce d’être pérennes ? Je pense que oui, je suis de nature très optimiste.
Pour pallier la crise, une loi exceptionnelle a été votée, qui remet en question la « chronologie des médias » : un film aura le choix entre ressortir en salle après le confinement ou en VOD tout de suite. Comment choisit-on ?
Suite aux difficultés devant lesquelles se sont retrouvés producteurs et distributeurs, la chronologie des médias (ndlr. le système qui régit les droits d’exploitation d’une œuvre, de l’exploitation en salles aux diffusions télé en passant par l’exploitation VOD) a été bousculée. Les films dont l’exploitation en salles prévue n’aura pas lieu à cause du confinement ont donc deux choix : le vendre à Amazon — qui achète à grand frais un film inédit, dont l’exclusivité est totale, tout prêt, avec des vedettes — ou le ressortir ensuite.
Plusieurs films qui devaient sortir ont donc été achetés par Amazon et sont sortis en « direct Amazon ». C’est une source de revenus, le film n’ayant pas de carrière en salle et les gens étant confinés chez eux, il a fallu réfléchir… Ainsi, il n’y a pas besoin de respecter le délai légal qui permet de donner la place à l’exploitation-cinéma puisqu’il n’y a pas de cinéma. Par exemple, « Les Traducteurs », un film que j’ai produit, devait être exploitable en VOD dans un délai de quatre ou cinq mois : nous avons obtenu une dérogation pour avoir le droit de l’exploiter dès le 6 mai prochain. Le nouveau directeur du CNC, Dominique Boutonnat, un ancien producteur très au fait des contraintes, essaye de faire bouger les lignes pour que les producteurs perdent le moins possible, en rapprochant cette recette de l’exploitation VOD.
Ressortir un film après le confinement est une décision difficile car cela demande aux distributeurs de faire une nouvelle dépense marketing. Le marketing est en effet quelque chose d’assez fragile et volatile : on ne peut pas avoir mis les affiches, fait des émissions de télé et la promotion puis compter sur le spectateur pour avoir la mémoire de cela dans six mois, il n’y aura aucune entrée. Il faut refaire le marketing et c’est un deuxième coût supplémentaire que le distributeur peut refuser de prendre en charge.
De plus, cela veut dire ressortir le film dans un embouteillage qui va être certain. Les Américains auront des films qu’ils ont gelés pendant cette période et qu’ils seront prêts à sortir. Ils ont bien plus de moyens que nous donc ils peuvent se permettre de relancer une machine de marketing s’ils l’ont déjà un peu commencée. Après le déconfinement, les nouveaux films vont arriver, ceux qui étaient prévus fin 2020… Donc il y aura beaucoup de films, d’embouteillages… puis on commencera à sentir, un an après, le résultat d’un affaiblissement du nombre de films produits, et nous connaîtrons une pénurie de films.
Comment envisagez-vous l’avenir, le cinéma d’après, les potentielles adaptations ? Pensez-vous que cela puisse être une source d’inspiration (cliché de « l’amour au temps du Corona » mais difficile de faire comme si de rien n’était) ?
J’espère que les gens ne feront pas comme si de rien n’était et que ça sera une source d’inspiration artistique. Les artistes vont être marqués, ce sera sûrement une source de réflexion.
Les contraintes ont toujours fait du bien à la création.
Il y aura sûrement des adaptations à faire, notamment les scènes de figuration à trente ou quarante personnes qu’il faudra repenser… Ce qui est sûr, c’est qu’on risque de faire face à des contraintes pendant quelques mois, mais les contraintes ont toujours fait du bien à la création car elles nous obligent à penser différemment les choses, à faire des films peut-être plus intimes mais avec des ambitions… Et ça, c’est intéressant !