Le 24 février Pedro Sánchez, actuel chef du gouvernement espagnol se rendait à Montauban puis à Collioure pour rendre hommage à Manuel Azaña, dernier président de la république espagnole, et à Antonio Machado, grand poète espagnol. Un de ces derniers actes officiels puisqu’une dizaine de jours auparavant Sánchez annonçait la convocation d’élections parlementaires anticipées.
Pedro Sanchez, économiste de formation, débute sa carrière politique par un poste de conseiller municipal à Madrid de 2004 à 2009 et devient député en 2009. Il est méconnu du grand public lorsqu’il est élu secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) une première fois, en 2014 où il crée la surprise en remportant 49% des voix des militants socialistes, loin devant ses concurrents.
À l’époque sa mission principale est de redonner vigueur à un parti socialiste à bout de souffle, en chute dans les sondages et menacé en permanence de se faire dépasser par Podemos et son leader Pablo Iglesias, parti d’extrême gauche né en 2014 pour donner suite au mouvement des indignés. À l’image des autres partis socialistes Européens le PSOE vit des moments difficiles et Sánchez en appelle dès le début à la figure très charismatique de Felipe Gonzalez, qui fut premier ministre à 40 ans et dirigea le gouvernement de 1982 à 1996.
Depuis 2015, une politique accidentée en Espagne
En décembre 2015, le PSOE de Sánchez s’incline lors des élections générales face au Partido Popular (PP) (Droite) de Mariano Rajoy qui cependant n’obtient pas la majorité absolue et se voit obligé à conclure des alliances s’il veut gouverner.
Une période de grandes incertitudes politiques s’ouvre en Espagne, le PP passe les premiers mois de l’année 2016 à tenter de réunir les soutiens suffisants pour obtenir une majorité au congrès des députés et ainsi permettre l’investiture de Mariano Rajoy, sans succès. Pedro Sánchez tente alors une investiture en mars avec le soutien du parti Ciudadanos (Centre-droit) mais échoue, en effet PP et Podemos (extrême-gauche) votant contre.
Le roi Philippe VI, chef de l’État, convoque alors des élections législatives pour juin 2016 afin de débloquer la situation politique. Nouveau coup dur pour le PSOE qui croyait pouvoir réduire la distance avec le PP. Au contraire, l’écart se creuse encore plus et le PSOE ne passe pas loin du «sorpasso» par Podemos: la possibilité beaucoup évoquée par les journalistes que Podemos dépasse le PSOE en nombre de députés.
Retour à la case départ, le PP n’a toujours pas assez de députés pour gouverner seul et a cruellement besoin de soutiens. Pendant l’été 2016 aucun parti ne cède de terrain et on semble s’acheminer vers de troisièmes élections en moins d’un an. Ciudadanos (centre-droit) propose un début de solution en août en décidant de soutenir Rajoy dans son investiture. Néanmoins, ce geste ne suffit pas, pour faire investir Rajoy qui a besoin de l’abstention du PSOE, ce qui avait toujours représenté une ligne infranchissable pour Sánchez. En effet, depuis janvier Sánchez avait rendu connu son «No es no» qu’il répétait à chaque fois qu’on évoquait pour une énième fois la possibilité d’une grande coalition entre la droite et la gauche à l’image des grandes coalitions allemandes entre la CDU (Union Démocrate Chrétienne) et le SPD (Parti Social-Démocrate). Cependant, quand tous se préparaient pour de nouvelles élections, le PSOE subi de très lourdes défaites lors des élections régionales de Galice et du Pays Basque en Septembre. Sánchez perd le soutien des membres de son parti et démissionne de son poste de secrétaire général du PSOE et de son poste de député.
Le PSOE change alors de position et s’abstient ce qui permet à Rajoy d’être investi.
Pedro Sánchez, le survivant
Le gouvernement de Mariano Rajoy a toujours été entaché par de très nombreuses affaires de corruption qui touchent son parti. Mais le verdict de l’affaire Gürtel qui condamne le Parti Populaire pour corruption et «financement illégal» est la goutte qui fait déborder le vase et précipite la chute du président du gouvernement.
C’est alors que Pedro Sánchez, qui était redevenu secrétaire général du PSOE en mai 2017 après un vote des militants, présente et gagne une motion de censure contre Rajoy le 1er Juin 2018. Sánchez devient par la suite le septième chef de gouvernement de la démocratie espagnole, le troisième socialiste. C’est la première fois qu’un président du gouvernement est investi par une motion de censure et la première fois aussi que le Congrès choisit un homme qui n’est pas député.
Néanmoins, Sánchez traine depuis le départ un gros handicap. Il se retrouve à la tête d’un gouvernement ultra-minoritaire avec seulement 84 députés socialistes sur 350. Il promet d’abord de convoquer rapidement des élections avant de changer d’avis et de décider de présenter un budget pour tenter de se maintenir au pouvoir jusqu’à la fin de la législature en 2020 après l’avoir négocié avec Podemos.
Ne disposant pas de majorité, Sanchez tente de faire adopter des décrets sociaux mais également l’exhumation de la dépouille du dictateur France. Ce point est très polémique et soulève beaucoup de controverse en Espagne. En effet, le dictateur Francisco Franco qui dirigea l’Espagne d’une main de fer de 1939 jusqu’à sa mort en 1975, est enterré dans le Valle de los Caídos, un monument mausolée construit par des prisonniers républicains après la guerre civile (1936-1939), qui se situe au alentours de Madrid. Dès son arrivée au pouvoir Sánchez a déclaré : «L’Espagne ne peut pas se permettre un monument en hommage à un dictateur». Cependant, l’initiative traîne depuis des mois et aujourd’hui l’exécutif a certes ouvert officiellement le processus mais la procédure fait face aux réticences de la famille du dictateur et le sujet devrait être tranché par les tribunaux.
La fragile alliance avec les indépendantistes catalans et la convocation d’élections
Sánchez peine à faire voter son budget, pour le faire approuver il a besoin de l’appui des partis indépendantistes catalans. Et c’est en gardant bien en tête cela que Sánchez propose un budget extrêmement avantageux pour la Catalogne, le plus avantageux des dernières décennies. Mais, cela ne suffit pas puisque Sánchez refuse de céder à l’ultime revendication de Quim Torra, président du gouvernement catalan, entamer des négociations sur la tenue d’un referendum d’autodétermination en Catalogne.
De plus, les partis catalans souhaitent que le gouvernement agisse sur le ministère public concernant le procès des leaders de la tentative de sécession de la Catalogne en 2017. En effet, après la proclamation d’indépendance du 28 octobre 2017 faisant suite à un référendum d’autodétermination illégal, les tensions demeurent très fortes entre Barcelone et Madrid et se sont ravivées depuis février dernier quand a débuté le procès qui va juger les faits autour de cette déclaration d’indépendance. Entre autres, douze prévenus séparatistes catalans, parmi lesquels se trouvent des anciens membres du gouvernement régional catalan, encourent jusqu’à vingt-cinq ans de prison pour « rébellion», «sédition» ou «malversations» et sont en prison préventive depuis 1 an et demi.
C’est dans ces circonstances qu’à peine huit mois après son arrivée au pouvoir, le 15 février 2019, deux jours après le rejet de son budget par le parlement, Sánchez annonce la convocation de nouvelles élections législatives anticipées pour le 28 avril 2019.
Les sondages ne prédisent aucune majorité claire et distincte lors des prochaines élections législatives. Cependant, l’arrivée d’un nouveau parti d’extrême droite inquiète de nombreux espagnols, il s’agit du parti VOX dirigé par Santiago Abascal. En même temps, Pablo Casado, le nouveau dirigeant du PP, parti normalement de droite modérée devient de plus en plus conservateur.
Sánchez se trouve à la tête des sondages qui annoncent une victoire du PSOE mais pas assez large pour pouvoir gouverner seul. L’Histoire va-t-elle se répéter ?
Par Luisa Portoles, de Diplo’Mates
Sources
Pedro Sanchez, le miraculé socialiste à la tête de l’Espagne, Le Monde
Espagne, le gouvernement de Pedro Sanchez va-t-il tenir?, Les enjeux Internationaux, France Culture
Après le rejet du budget, l’Espagne contrainte à des élections anticipées, Le Monde
Pedro Sánchez, presidente del Gobierno tras ganar la moción de censura a Rajoy, El País