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Quels enseignements tirer de la première session la toile ?

Alors que la première session du parcours « conception web » (ce parcours est, depuis, devenu « Conception web & intelligence artificielle ») de la toile a pris fin le mardi 13 juillet 2021, le M a voulu recueillir les premières impressions et retours d’expérience de Samuel Javelle et de deux des 19 premiers certifiés la toile, Alexandre Janiaut et Marina Anquezomo.

Par Vincent Loeuillet, rédacteur chez Verbat’em

Monsieur Javelle, la première promotion est certifiée depuis le mardi 13 juillet, quel est votre ressenti à l’issue de cette première session ?

Nous sommes très satisfaits. La première session de la toile était aussi un test. Elle nous a permis de valider de nombreux éléments organisationnels et pratiques ayant notamment trait à la pédagogie. Sur une cohorte de 20 participants, passés par un processus de sélection excluant l’évaluation des compétences techniques à l’entrée, nous avons réussi à en emmener 19 vers la certification, ce qui constitue un lancement prometteur.

L’une des missions de la toile est d’accompagner des individus éloignés du système scolaire ou d’une scolarité classique en leur redonnant goût à l’apprentissage pour qu’ils puissent se réinsérer scolairement ou académiquement. À l’issue de la première session, nous constatons qu’un quart de la cohorte souhaite désormais reprendre des études dans le cadre d’un cursus académique. L’opportunité pour les participants de remettre le pied à l’étrier via une formation courte et intensive fonctionne.

La moitié de la promotion souhaite quant à elle s’insérer professionnellement. Nous nous attendions à cette proportion, c’est un des objectifs primordiaux de la toile : permettre aux participants de trouver leur place en intégrant une entreprise en sortie de formation.

Enfin, un quart de la promotion souhaite se lancer dans la création d’entreprise. C’est une très bonne nouvelle. Cette orientation rejoint effectivement l’une des missions d’emlyon : permettre aux apprenants de découvrir l’entrepreneuriat et aux plus motivés de se lancer dans la création d’entreprise.  

Voilà pour les points positifs. À l’inverse, quelles pistes d’améliorations identifiez-vous ?

Nous identifions effectivement un certain nombre de points qui vont nous permettre d’améliorer nos parcours de formation. La première promotion était très hétérogène, que ce soit au niveau de l’âge des participants, de leurs compétences techniques ou plus généralement de leur appréhension et de leur maîtrise de l’outil informatique. Certains participants n’avaient jamais possédé un ordinateur alors que d’autres avaient déjà de solides bases. Nous pensons avoir réussi à fournir aux participants les compétences informatiques essentielles constituant une base pour développer les compétences plus spécialisées de nos formations (ndlr : la première promotion a suivi un parcours de développeur-web).

Néanmoins, nous pensons pouvoir organiser la formation des débutants aux bases de l’outil informatique plus facilement, tout en atteignant l’intégralité de la promotion. Cela en offrant une forme de remise à niveau, préalable aux cours qui forment le cœur de la pédagogie de la toile, plutôt que de mettre en place une sélection à l’entrée basée sur les compétences, ce qui n’est pas l’objectif de la toile. Pour ce faire nous allons développer des modules optionnels dès l’année prochaine pour permettre aux personnes qui ne se sentent pas à l’aise avec l’outil informatique, de découvrir cet environnement : de découvrir ce qu’est un ordinateur et son fonctionnement. Toutes ces choses peuvent sembler très basiques pour la plupart d’entre nous mais elles ne le sont pas pour tout le monde.

À titre d’exemple, nous formerons sur le fonctionnement d’un navigateur internet, la recherche sur internet via l’utilisation d’arguments pour obtenir des résultats pertinents, les raccourcis claviers de base, etc. La fracture numérique est un phénomène réel. Si nous voulons être inclusifs, nous devons assurément proposer ce type de modules optionnels. Ces modules optionnels expliquent que la formation puisse durer de 18 à 24 semaines.

La seconde piste d’amélioration a été soulevée par les entreprises avec lesquelles nous avons tissé de très bonnes, et constructives, relations. Il ressort que nous gagnerions à muscler le cœur de la pédagogie de la toile. La pertinence de cette remarque nous conduit à une modification, une augmentation de notre programme dès l’an prochain. Alors que le calibre de formation initialement prévu était de l’ordre d’un cours dispensé sur 9 semaines, nous passerons dès la rentrée à une formation s’étalant sur 18 à 24 semaines avec deux cours dispensés. Etant donné que nous ne sommes pas discriminants à l’entrée sur des savoirs-faire ou sur les compétences, nous préférons enrichir le programme de la toile par des modules optionnels et complémentaires à destination des personnes qui en ont besoin.

Finalement, la troisième piste d’amélioration a été soulevée par les participants eux-mêmes. La découverte de nouvelles compétences techniques a suscité leur curiosité. Ils auraient aimé pouvoir creuser certains points et développer des compétences plus transversales telles que la gestion de projet. La demande est forte sur ce point, c’est pourquoi nous souhaitons développer un module spécifique sur la gestion de projet, au-delà du projet de groupe qu’ils expérimentent et mènent dans le cadre de leur parcours.

Quel parcours a suivi la première promotion ?

La première promotion a suivi le parcours concepteur-web qui faisait partie des 4 parcours initialement proposés. Le choix de ne proposer que 2 parcours dès l’année prochaine, motivé par les retours des entreprises avec lesquelles nous avons travaillé, permettra d’apporter plus de contenu aux participants. Les cours proposés par la toile sont très complémentaires. Ainsi, le cours concepteur-web sera complété par le cours intelligence artificielle pour ne former qu’un seul et même parcours « conception web & intelligence artificielle ». Le second parcours étant « fabrication numérique & objets connectés ».

Comment était composée la première promotion ? 

La première promotion était très hétérogène que ce soit au niveau de l’âge (de 18 ans à 64 ans) ou des connaissances informatiques. Cependant, l’hétérogénéité de la promotion se traduit également au niveau des diplômes détenus par les 20 participants. Effectivement, la toile s’adresse à deux publics : les personnes éloignées de la scolarité mais aussi les personnes éloignées de l’emploi. Ainsi, certains participants n’avaient pas le bac alors qu’un des participants avait un bac+5. Finalement, 75% des participants étaient de sexe masculin contre 25% de participants de sexe féminin. Nous voulons modifier cela pour les prochaines promotions. Cette première session “test” appuie notre volonté d’appliquer une « discrimination positive » à la sélection, dès la rentrée prochaine. 

Avez-vous le souvenir d’un fait marquant qui a eu lieu durant cette première session ? 

Il existait une grande disparité de niveau au sein de la première promotion la toile. Le début de la formation est rythmé par beaucoup de travail en présentiel afin de ne perdre aucun participant. Nous avons progressivement laissé un degré d’autonomie plus important aux participants sur leur formation : moins de temps passé avec eux en face-à-face mais une présence et un accompagnement distanciels plus appuyés. Lorsque nous étions moins présents, certains participants ont eu plus de mal à suivre et nous avons observé une tendance au décrochage. Toutefois, le slack (ndlr : Slack est utilisé pour les communications en ligne dans tous les cours du maker’s lab avec un chanel slack dédié) s’est alors animé et les participants « moteurs », en avance sur l’acquisition des compétences, sont venus en aide aux participants distancés. C’est très satisfaisant de voir cette entraide naître au sein d’une promotion.

Finalement, tous les participants sont-ils certifiés ? 

19 des 20 participants sont certifiés. Nous avons jugé qu’un des participants n’avait pas acquis les compétences nécessaires à l’obtention de la certification. Nous délivrons aujourd’hui une certification emlyon et nous espérons d’ici quelques années pouvoir délivrer une certification immatriculée au répertoire spécifique sur France compétences.  

Avez-vous des premiers retours de leur part ?

Nous avons de nombreux retours de la part des participants. Nous les avons recueillis au fil de l’eau tout au long de la formation mais aussi le jour de la cérémonie de certification. Cela constitue des retours d’expérience à chaud. Nous avons échangé assez longuement avec chacun d’entre eux puis de manière collective. Nous leur transmettons actuellement un formulaire, sur le modèle de ceux utilisés pour l’évaluation des cours du PGE, afin de recueillir leurs retours à froid, avec plus de recul. Cette évaluation va au-delà de la simple notation et passe par l’évaluation du contenu, des formateurs, etc. Nous avons également recueilli quelques verbatims telles que celle-ci : « belle expérience qui m’a permis de changer de vision. Je prends un nouveau départ sur la conception web, c’était une très bonne opportunité ». Le retour le plus fréquent concerne la gestion de projet. Les participants auraient aimé approfondir ce sujet. Nous considérons cela comme une bonne nouvelle car à emlyon nous avons beaucoup d’arguments à apporter sur ce sujet. Finalement, les participants auraient aimé approfondir une partie du cours liée à JavaScript. Il était effectivement difficile pour certains d’appréhender un langage tel que JavaScript alors que le rythme de la formation était très soutenu et intense sur 8 semaines.

Un accompagnement post-certification est-il envisagé pour les diplômés, un suivi ?  

Oui, bien-sûr. Une fois la certification obtenue, nous n’avons pas fini notre travail. De la même manière que pour tout étudiant à emlyon, tout participant à la toile peut s’appuyer sur un accompagnement et un réseau, pour qu’il puisse, à terme, voler de ses propres ailes. 

Notre accompagnement débute dès le lancement de la formation. Un accompagnement carrière est assuré pour tous les participants tout au long de la formation pour leur permettre de prendre confiance en eux et de savoir mener à bien un entretien. Un forum carrière a été organisé juste avant l’oral de jury et a permis aux participants de rencontrer des entreprises. Des « matchs » ont pu s’opérer lors de ce forum.

L’accompagnement se poursuit ensuite, une fois la certification obtenue. Nous continuerons à partager des annonces cohérentes avec la formation et à les suivre pour savoir s’ils ont besoin d’aide sur certains points.

Pour certains d’entre eux, la formation va se poursuivre avec une immersion professionnelle d’un mois – ce sera 3 mois pour les prochaines formations – ils pourront bénéficier d’un suivi de quelques heures par un coach carrière pour faciliter leur insertion en entreprise. Effectivement, nous nous adressons à un public de personnes éloignées de l’emploi depuis plus ou moins longtemps alors le fait d’aller quotidiennement dans une entreprise peut amener des changements significatifs. Un changement de cadre qui peut être difficile à gérer que ce soit pour l’individu ou l’entreprise. Nous cherchons à faciliter cela.  

Le suivi continuera notamment via Slack, le canal de communication déjà utilisé pendant la formation.  L’idée n’est pas de sortir les gens du canal à la fin de la session mais de créer et d’animer un réseau qui puisse s’établir dans la durée.

À long-terme, quels sont les objectifs de formation et comment veiller à l’adéquation entre les besoins des entreprises et les compétences développées ?

Nous souhaitons accompagner 150 personnes sur nos 3 campus, à Écully, à Saint-Etienne et à Paris. C’est un objectif à court-terme puisqu’on va essayer de l’atteindre dès l’année prochaine. Nous nous sommes toutefois donné 2 ans pour l’atteindre.

Pour veiller à l’adéquation entre les besoins des entreprises et les compétences développées, nous disposons de deux moyens. Premièrement, nous avons un comité pédagogique qui se structure autour de la toile comme dans n’importe quel programme et qui est là pour élaborer le contenu pédagogique et donner les grandes orientations sur les compétences à développer. Des entreprises sont invitées dans ce comité ce qui nous permet de tisser des liens forts et immédiats à la fois entre les personnes qui produisent la pédagogie et le tissu économique.

D’autre part, nous avons régulièrement des tables rondes animées par des entreprises et c’est ainsi l’occasion pour l’équipe d’échanger avec elles. Finalement nous nous appuyons sur ces retours informels et sur des retours formels dans le cadre de comités.

Un dernier mot ?

Nous sommes très heureux de pouvoir nous engager auprès des publics éloignés de la scolarité ou de l’emploi car pour une institution comme emlyon, qui a vocation à former des individus en adéquation avec le marché du travail, c’est prendre une part de notre travail à bras le corps. Pour terminer sur une note d’espoir, la première promotion était un petit peu décalée dans le temps par rapport aux autres programmes d’emlyon – l’année prochaine, les formations la toile se dérouleront sur des cycles scolaires académiques plus classiques – et nous espérons ainsi de beaux mélanges et des rencontres inspirantes pour tout le monde.