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Une solution pour favoriser l’égalité des chances au sein des grandes écoles ?

Dans certaines études supérieures, et particulièrement au sein des grandes écoles, on constate que les profils des étudiants sont très peu diversifiés. Une grande similarité semble lier les étudiants de ces formations, prouvant une fois de plus que l’accès aux études supérieures ne repose pas réellement sur un système méritocratique, mais plutôt sur un cumul d’inégalités qui tendent à favoriser certains étudiants au détriment d’autres. 

Par Candice Barle, 1ère année du PGE et membre d’Astuce

Si certaines écoles mettent en place des objectifs précis pour favoriser l’intégration d’élèves ayant moins de ressources financières (c’est par exemple le cas d’emlyon business school, qui se donne pour ambition d’accueillir 30% d’élèves boursiers au sein de ses programmes), ces dernières se heurtent à de nombreuses limites, notamment liées au processus de sélection aux grandes écoles. Du fait du recrutement par concours, les écoles ne peuvent pas réellement agir en amont du processus de recrutement et garantir une certaine diversité parmi les étudiants intégrés. Christian MARGARIA – conseiller spécial formation et enseignement supérieur au Commissariat à la diversité et à l’égalité des chances – invite donc ces écoles à un travail de réflexion sur les modalités des concours d’entrée. Cependant, la situation n’a que peu évolué durant les quinze dernières années. Certaines enquêtes prouvent par exemple la surreprésentation des étudiants d’origine francilienne dans les écoles les plus renommées : à Polytechnique, à HEC et à l’ENS Ulm, entre 44% et 57% des étudiants sont des bacheliers franciliens. 

Pour pallier cette situation, HEC a décidé de mettre en place un système inédit : une bonification sur critères sociaux. L’école, souvent pointée du doigt pour son caractère élitiste, a décidé d’accorder des points bonus aux étudiants passant le concours pour la première fois et aux étudiants boursiers CROUS, quel que soit l’échelon. Cette nouvelle mesure prendra place dès 2022. Fondamentalement, cette bonification tend à défendre à tout prix l’idéal méritocratique, permettant à tous de partir d’une même ligne de départ, avec des chances de réussite égales. Or, dès l’intégration en classe préparatoire, on constate que les chances de réussite ne sont pas égales entre les grandes classes préparatoires parisiennes et les établissements en zone rurale par exemple. Bonifier les candidats initialement défavorisés est donc parfaitement recevable. Cependant, ce système rencontre une vive opposition de la part des étudiants de classe préparatoire et des professeurs : selon une étude du BNEM (Bureau National des Étudiants en école de Management) 70% des étudiants boursiers qui sont passés par une classe préparatoire s’opposent à cette discrimination positive. De plus, le problème du faible taux de boursiers dans les meilleures écoles se situe sans doute bien en amont de la classe préparatoire, dès la primaire et le secondaire. Néanmoins, il est nécessaire d’admettre que de nombreux acteurs de l’écosystème des classes préparatoires ont réagi de manière virulente à cette annonce, sans prendre suffisamment de recul. Plus encore, un fort biais d’assimilation existe chez les étudiants de classes préparatoires puis de grandes écoles, de sorte que l’effet de groupe peut orienter l’opinion vers les idées partagées par la majorité. Ce processus d’assimilation débute dès la classe préparatoire – qui constitue déjà un milieu élitiste. Après une réaction à chaud de la plupart des étudiants face à cette mesure, un examen plus objectif et détaillé doit être fait. Certes, cette mesure peut être critiquée, notamment sur le choix du critère « boursier CROUS », qui reste discutable puisqu’il ne rend pas nécessairement compte de la précarité d’un étudiant et de sa situation concrète. Si la solution idéale ne semble pas exister, on pourrait néanmoins envisager de partir de la bourse CROUS comme base d’éligibilité à la bonification, puis de proposer un examen individuel des dossiers des candidats. Enfin, HEC ne semble pas être la seule école à envisager la mise en place d’actions concrètes en faveur de l’ouverture sociale, et d’autres grandes écoles pourraient être concernées rapidement. 

En effet, les écoles ont un devoir envers la société – d’autant plus que certaines sont grandement financées par cette dernière. Produire des élites déconnectées de la réalité de diversité sociale n’est donc pas un moyen de rendre service à cette société. D’un autre côté, la société doit aussi admettre que les écoles n’ont que peu de leviers d’actions en amont du processus de sélection par concours, c’est pourquoi elles luttent pour mettre en place des solutions – certes imparfaites et court-termistes – mais qui constituent tout de même un premier pas vers davantage de diversité sociale. Pour lutter structurellement contre les inégalités, le rôle de l’État est primordial et ne doit pas se contenter d’une approche idéaliste de la situation, mais tenter de mettre en place des mesures efficaces et réalistes. 

Selon Chantal DARDELET – animatrice du groupe Ouverture sociale de la CGE -, « s’ouvrir socialement c’est être apte à accueillir des étudiants issus de toutes les couches sociales ». Le chemin semble être encore long pour les grandes écoles… La semaine de l’Égalité des Chances est alors l’occasion de renouveler notre engagement envers cette cause et de découvrir des parcours inspirants.

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