You are currently viewing Pourquoi les hommes n’assument-ils pas d’être féministes ?

Pourquoi les hommes n’assument-ils pas d’être féministes ?

Je catégorise la position des hommes sur la question du féminisme en trois groupes.

Le premier groupe, ceux conscients que lorsque la moitié de la population mondiale est scandalisée, révoltée et effrayée, cela révèle un réel problème contre lequel il faut lutter.

Leur égo n’est pas ébranlé par le mot « féminisme », ils savent que, par leur position privilégiée, ils peuvent s’imposer et faire en sorte d’améliorer la situation à leur niveau.

Ceux-là ont parfaitement compris que le féminisme, ce sont simplement des femmes voulant l’égalité, la pleine disposition de leur corps et la liberté.

La seconde catégorie est celle que j’appelle les « cas désespérés », leur sexisme dégouline de leur être comme la sueur de notre corps pendant la séance de sport post-soirée.

La dernière catégorie est celle qui nous intéresse ici, les hommes qui sont féministes mais ne l’assument pas ou ne se sentent pas totalement féministes.

Certains hommes ont l’impression qu’en se disant féministes, ils seront directement envoyés armes à la main au front pour défendre notre honneur sur tous les sujets. Et alors, ils se ravisent : « Je suis féministe mais je ne suis pas d’accord avec certains extrêmes ».

La réalité est en fait bien plus simple : si tu crois en l’égalité entre les sexes, si tu penses que les femmes devraient avoir la libre disposition de leur corps sans être insultées ou dénigrées, qu’elles devraient, à compétences égales, pouvoir accéder aux mêmes postes que toi (et aux mêmes salaires), alors tu es féministe.

 Et même en leur disant cela, quelque chose bloquait. On me parlait de « féminisme hybride », ce qui signifiait ne pas être d’accord avec toutes les idées résultant du féminisme, mais être d’accord au moins sur les questions d’égalité entre les sexes.

Les personnes ont souvent cette idée, que lorsque l’on soutient une cause, on doit acquiescer à toutes les idées sans broncher ; ce qui est totalement faux.

Tu peux être féministe et ne pas trouver les poils sur les femmes attirants.

Tu peux être féministe et ne pas trouver l’écriture inclusive agréable à lire.

Tu peux être féministe et ne pas aimer que les femmes soient topless à la plage.

Tu peux être féministe et demander à une fille dans la rue son numéro.

La différence va simplement être d’imposer ta vision aux autres : que les poils chez les femmes sont « dégueulasses », que l’écriture inclusive est une honte pour la France ou encore que les femmes, pour être respectables (et respectées), devraient se couvrir (ou se découvrir) ; là ça devient un problème.

Je pense qu’avec le temps les femmes n’acceptent plus qu’on les malmène ou qu’on les diminue ce qui provoque parfois un certain emportement, une certaine rage, mais les hommes eux se sont braqués sur ces questions, car en les visant tous, on les braque tous.

Mais les deux parties, en réagissant comme ça, se divisent. On en vient à débattre de l’emploi de l’écriture inclusive alors qu’on devrait se révolter contre le congé paternité de 11 jours en France qui est le principal élément provoquant les écarts de salaire entre les hommes et les femmes.

L’argument du côté « extrême » de certaines féministes est aussi souvent invoqué. Je peux le comprendre mais pouvez-vous alors comprendre que toutes les grandes avancées pour les droits des femmes sont passées par des pensées dites « extrêmes » ? Le droit pour les femmes d’avoir un compte bancaire, de pouvoir suivre des études supérieures, de voter ou encore de disposer de leur corps avec l’IVG.

Il y aura toujours des extrémistes. Est-ce une raison pour condamner toutes les femmes ? En riant des extrêmes devant votre pinte vous riez de nous toutes, car ces femmes, bien que certaines soient extrêmes, se battent pour nous, se font insulter pour nous et gagneront pour nous toutes.

Alors, continuez de rire des extrêmes devant votre pinte, mais personnellement, j’y vois plus un comportement lâche qu’un comportement courageux ; suivre le mouvement pour ne pas déranger. 

Nous ne sommes pas toutes d’accord entre nous sur tous les sujets, mais si à chaque point de vue divergent nous nous désolidarisons toutes, nous ne serions plus beaucoup à avoir envie d’un monde meilleur et plus égalitaire.

Vous ne serez jamais à notre place.

Vous ne saurez jamais ce que c’est que de se demander si vous n’allez pas avoir une réputation « douteuse » juste parce que vous avez décidé de disposer de votre corps.

Vous n’allez jamais comprendre ce que cela fait de se retourner lorsque l’on entend un bruit bizarre derrière soi dans la rue.

Vous n’allez jamais devoir continuer à marcher comme si vous n’aviez rien entendu alors que des hommes sont derrière vous en train de vous insulter.

Vous n’aurez sûrement jamais ce réflexe de mettre votre main sur vos fesses lorsque vous avancez dans un bar car on vous aura déjà touché dans la même situation.

Vous ne connaîtrez jamais la honte de vous faire dénigrer, harceler, rabaisser et de n’avoir rien dit par peur de vous en prendre une.

Vous ne connaîtrez jamais ce sentiment de honte quand, les premiers jours ensoleillés de l’année, vous retirez une couche de vêtement et que dans le métro un homme vous fixe comme un objet pour le reste du trajet.

Vous ne connaîtrez jamais ce sentiment de savoir qu’une distinction est faite entre vous et un homme, au travail, à un événement ou même sur les réseaux sociaux.

Alors oui, certaines sont extrêmes. La coupe est pleine depuis des siècles. La peur a été remplacée par de la haine. Alors peut-être devrions nous arrêter de vous mettre tous dans le même panier. Peut-être devrions nous plus vous écouter ; mais en réalité, nous avons besoin de vous, vous êtes au même titre que nous au centre de ce problème sociétal qui empoisonne notre vie depuis des générations.

En nous défendant, en changeant de mentalités, en arrêtant de nous sexualiser à longueur de journée, en nous laissant vivre notre vie de femme sans être constamment jugées, vous ferez partie de la solution et non du problème.

Tu peux être féministe hybride si tu le souhaites, tu peux être contre certaines idées si tu le souhaites, tant que tu fais partie de la solution cela ne me pose aucun problème.

Finalement, on devrait tous arrêter de se catégoriser et faire enfin changer les choses pour que les femmes plus tard aient moins peur de se balader dans la rue, d’exposer leurs idées, qu’elles se sentent libres de se couvrir ou de se découvrir sans qu’un homme ne vienne leur faire une réflexion, de pouvoir atteindre le poste de leurs rêves, d’être payées comme les hommes ou encore de choisir leur vie sans avoir à se justifier.

Le féminisme ne tue pas, le sexisme si.


Par Laure Bonnet, rédactrice chez Verbat’em